Le fin mot

Compétence (selon Jacques Tardif, 2006; 2017)

Pour Jacques Tardif, professeur émérite de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, une compétence se définit comme « un savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations ». (2006; nos emphases) Dans cette définition, il apparait important de préciser les expressions mises en emphase.

Savoir-agir complexe

Dès 2006, Tardif a senti le besoin de distinguer le savoir-agir du savoir- faire.

« [… L]e savoir-agir correspond à une démarche heuristique [notre emphase], soit l’approche d’un problème par élimination de solutions possibles, afin de ne retenir que l’optimale. Le savoir-agir ne peut être exercé hors contexte ni automatisé puisque chaque situation professionnelle est unique et qu’il faut considérer une multitude d’éléments en concomitance. De plus, le savoir-agir suppose un réajustement au fur et à mesure que la situation évolue. »

Le savoir-faire consiste en « un ensemble fini d’actions… [qui] peut devenir automatisé grâce à un usage répété, fréquemment d’une manière décontextualisée ». Pour Tardif, le savoir-faire est « algorithmique »…

Si un savoir-faire peut s’exercer dans une situation de faible complexité, ce n’est jamais le cas d’un savoir-agir.

Si un savoir-faire peut s’exercer dans une situation de faible complexité, ce n’est jamais le cas d’un savoir-agir. Tardif a senti le besoin d’ajouter l’épithète « complexe » à savoir-agir parce que ce qualificatif permet de s’assurer que « la complexité et la globalité de la compétence soient constamment prises en compte »…

Mobilisation et combinaison efficaces

Jacques Tardif

Pour Tardif, savoir agir exige non seulement de savoir recourir aux bonnes ressources mais également de savoir les « placer en synergie et en interdépendance » en vue d’être efficace.

Scallon précise qu’un individu compétent doit pouvoir utiliser les diverses ressources auxquelles il a accès « de façon originale, voire inédite, par rapport au contexte dans lequel il [les] a acquise[s]. Et il doit également agencer, réorganiser, voire combiner, ces ressources en un tout cohérent ». (Scallon, 2015)

Selon Tardif (2017), c’est notamment le « degré d’efficacité et de réflexivité dans la mobilisation et la combinaison des ressources » [nos emphases] lors de certaines situations professionnelles qui permet de déterminer qu’une personne a atteint le niveau compétent dans son développement professionnel.

Ressources internes et externes

Les ressources internes comprennent et « dépassent largement les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être pour inclure ce qui est de l’ordre des postures, des attitudes, des habitus, des schèmes d’action » (Tardif, 2017). Les ressources externes peuvent prendre diverses formes : logiciels, équipements, publications et collègues que l’on pourrait consulter et faire intervenir pour résoudre un problème ou conduire un projet, par exemple. « Dans le déploiement d’une compétence, les ressources externes peuvent se révéler aussi cruciales que les ressources internes. » (Tardif, 2006)

Famille de situations

« [L]a personne compétente peut non seulement agir adéquatement dans [une] situation spécifique, mais également dans toute une “famille” de situations partageant un caractère commun avec celle-ci. [… U]ne personne compétente non seulement reconnaît la similarité entre diverses situations, mais elle sait également s’adapter aux nuances de chaque situation appartenant à une famille de situations semblables. (Basque, 2015) [… A]utant dans les contextes de développement de programmes que de planification de situations d’apprentissage et de situations d’évaluation, la famille doit être clairement circonscrite et […] les situations visées à l’intérieur de cette famille doivent être minutieusement déterminées. » (Tardif, 2006)

Contrairement à Scallon et à d’autres auteurs qui rapprochent les situations professionnelles des tâches, Tardif affirme : « […] une situation correspond essentiellement à une responsabilité professionnelle ou citoyenne. Elle n’est en rien parente avec une tâche professionnelle ou une activité de la vie quotidienne ». (Tardif, 2017)

Afin de déterminer si un élément à développer ou à évaluer au sein d’un programme est bel et bien une compétence, on doit se demander s’il a les caractéristiques suivantes.
1. Un caractère intégrateur, car chaque compétence fait appel à une multitude de ressources de nature variée.
2. Un caractère combinatoire, car chaque compétence prend appui sur des orchestrations différenciées de ressources.
3. Un caractère développemental, car chaque compétence se développe tout au long de la vie.
4. Un caractère contextuel, car chaque compétence est mise en œuvre dans des contextes qui orientent l’action.
5. Un caractère évolutif, car chaque compétence est conçue afin d’intégrer de nouvelles ressources et de nouvelles situations sans que sa nature ne soit compromise. (Tardif, 2006)
Si l’élément à développer ou à évaluer possède toutes ces caractéristiques, alors il s’agit d’une compétence.

Sources

Basque, Josiane, Le concept de compétences : quelques définitions, Montréal, Canada, projet Modélisation de l’approche-programme en enseignement supérieur, Réseau de l’Université du Québec, 2015, 5 p.

Scallon, Gérard, Des savoirs aux compétences – Explorations en évaluation des apprentissages, Éditions du renouveau pédagogique, Montréal, Canada, 2015, p. 41.

Tardif, Jacques, « Des repères conceptuels à propos de la notion de compétence, de son développement et de son évaluation » (chapitre 1), dans Pournay, Marianne, Tardif, Jacques, Georges, François (dir.), Organiser la formation à partir des compétences. Un pari gagnant pour l’apprentissage dans le supérieur, Louvain-la-Neuve, Belgique, De Boeck, 2017, p. 15-37.

Tardif, Jacques, L’évaluation des compétences. Documenter le parcours de développement, Montréal, Chenelière éducation, 2006, p. 26-35.

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