Le SSF Veille

Trois espaces d’apprentissage actif à l’Université de Sherbrooke – compte rendu

Le mercredi 30 novembre 2016 se tenait au Carrefour de l’information une activité sur les nouveaux espaces d’apprentissage actif organisée par le Service de soutien à la formation (SSF).

La mise en appétit a été faite par Éric Chamberland, conseiller pédagogique au SSF, qui a brossé un tableau des nouveaux espaces d’apprentissage en répondant aux questions du quoi, du pourquoi, du quand et du .

Trois professeurs de trois facultés (Édith Vézina, Hector Quiroz et François Charron) ont présenté un nouvel espace d’apprentissage facultaire et se sont prêtés à une période de questions de l’animateur, Jean-Sébastien Dubé, responsable de la veille et de la gestion des connaissances au SSF, et aux questions de l’assistance.

Les salles

Si la majorité des salles de classe ressemblent encore aujourd’hui à celles des siècles derniers, on voit tout de même des transformations qui laissent voir qu’un changement majeur (dirait-on une évolution?) est en cours. L’activité du 30 novembre a permis à plus d’une soixantaine de personnes de prendre connaissance de trois types de salles qui existent à l’Université de Sherbrooke.

La salle d’apprentissage actif de la Faculté de droit est une vaste pièce contenant 10 îlots de travail, chaque îlot disposant d’un grand écran DEL et d’un tableau de verre pour écrire. On y trouve aussi une console centrale pour le professeur dotée de deux systèmes interactifs de contrôle des affichages sur écran.

Le Centre de simulation PRACCISS (promotion, recherche et apprentissage des compétences cliniques et interprofessionnelles en sciences de la santé) de la Faculté de médecine et des sciences de la santé comprend plusieurs espaces d’apprentissage : salles procédurales, salle de simulation virtuelle, salle de simulation chirurgicale, salles de simulation haute-fidélité et salles de débriefing.

Le studio de création de la Faculté de génie est un projet de fab lab (laboratoire de fabrication) technologique où il sera possible non seulement d’assembler des prototypes mais également de les fabriquer. Il comprendra aussi une salle d’idéation et un hall d’entrée servant de salle d’exposition.

Les visées et les défis

Édit Vézina et la salle d’apprentissage actif

Pour la professeure Vézina, la salle d’apprentissage actif permet des modalités pédagogiques qui s’appuient sur une préparation hors cours afin que les séances en classe deviennent des occasions d’approfondir des notions par l’analyse de situations réelles et ce, en équipe : on parle de coconstruction des savoirs soutenue par les interventions du professeur.

Au départ on craignait que certains étudiants profitent du travail d’équipe pour éviter de faire les préparations attendues pour chaque séance en salle, mais on s’est vite rendu compte qu’au contraire, les étudiants qui étaient préparés ont tancé ceux qui n’avaient pas fait leurs devoirs, leur faisant savoir qu’ils nuisaient à leurs apprentissages. Il y a eu autorégulation au sein même des équipes d’étudiants.

La salle d’apprentissage actif se prête bien à un décloisonnement des matières, ce qui a
pour effet d’encourager leur intégration par leur mise en commun. Le rôle du professeur consiste essentiellement à soutenir cette intégration, laquelle est fort prisée des futurs diplômés qui, au lieu d’arriver sur le marché du travail avec un bagage de connaissances et de devoir prendre un certain temps pour s’adapter, sont immédiatement prêts à s’insérer professionnellement.

La technologie n’est pas absolument nécessaire pour faire de l’apprentissage actif

La professeure Vézina mentionne que l’apprentissage actif est très exigeant pour les étudiants, au point que certains négligent leurs autres cours réguliers (moins d’investissement). Il serait donc impossible d’offrir cinq cours en apprentissage actif dans une même session. Enfin, et elle insiste sur ce point, la technologie n’est pas absolument nécessaire pour faire de l’apprentissage actif. Voilà de quoi rassurer les enseignants qui sont intéressés par l’apprentissage actif mais que le côté technologique rebute. En conclusion, selon la professeure Vézina, la technologie ne remplacera pas le professeur mais le rôle de celui-ci changera : il devra apprendre à accompagner les étudiants et à répondre à des questions qui débordent la matière, ce qui est très exigeant.

Hector Quiroz et le Centre de simulation

Selon le professeur Hector Quiroz, le Centre de simulation PRACCISS permet le développement d’habiletés cliniques des futurs diplômés en sciences de la santé et ce, dans un contexte d’apprentissage collaboratif et interdisciplinaire. L’apprentissage dans des salles de simulation est en pleine expansion à la Faculté de médecine et des sciences de la santé, au point où il occupe passablement l’espace d’une aile du Campus de la santé. Si les simulateurs forment d’excellents substituts, la technologie n’a pas encore réussi à donner aux apprenants la sensation des tissus réels. Un jour… Peut-être pas si loin. En attendant, on est à la fine pointe de la technologie.

Les salles de simulation changent la formation des étudiants du fait que le bagage de ressources est intégré dans les activités, du fait qu’ils doivent s’entraîner sous le regard des autres (étudiants et enseignants)

Ces salles de simulation exigent des enseignants qu’ils planifient les activités d’apprentissage en fonction des cibles de formation. Au début, les enseignants agissent comme modèles, puis ils deviennent des coachs, des superviseurs qui complexifient la tâche à réaliser par les étudiants. Ils jouent aussi un rôle de facilitateurs dans les cas complexes et ils guident la réflexion au moment du débriefing.

Les salles de simulation changent la formation des étudiants du fait que le bagage de ressources est intégré dans les activités, du fait qu’ils doivent s’entraîner sous le regard des autres (étudiants et enseignants). D’ailleurs, une sorte de contrat avec les étudiants a été élaboré afin de les prévenir de ce qui les attend, car ce type d’apprentissage est très exigeant et anxiogène.

François Charron et le studio de création

Pour le professeur Charron, la visée première du studio de création est le développement d’un esprit de communauté de makers*. Lorsqu’ils enseignent la conception en génie, les professeurs ont pour rôle de stimuler les apprentissages, notamment par la tenue de divers types de réunions : suivi des projets, approfondissement d’un aspect spécialisé du projet en cours; ils s’apparentent à des entraîneurs mais qui gardent en mémoire qu’ils auront à évaluer les apprentissages des étudiantes et étudiants.

Les professeurs font face à plusieurs défis d’enseignement qui viennent avec ce type de formation en laboratoire de fabrication : la gestion des conflits à l’intérieur des équipes, les droits de propriété intellectuelle, la confidentialité, les relations avec les tiers et la sécurité des lieux. Ce dernier point est particulièrement crucial, car le studio sera un endroit « dangereux », précise le professeur Charron, c’est pourquoi il est important que toutes les personnes, (professeurs et étudiants) qui y passent du temps soient formées à des comportements responsables et que des mécanismes soient mis en place pour que les projets se réalisent de manière sécuritaire.

Les professeurs doivent être impliqués dans la conception architecturale d’un tel espace d’apprentissage car ils connaissent les besoins de formation.

Enfin, le studio de création de la Faculté de génie est planifié comme un vaste espace ouvert où se côtoieront plusieurs types de génie mais également d’autres disciplines, comme les sciences de la gestion. Il sera accessible aux membres du personnel de l’Université pour des projets parascolaires. On est ici dans l’interdisciplinarité dans son sens large. Une dernière chose, cruciale, les professeurs doivent être impliqués dans la conception architecturale d’un tel espace d’apprentissage, car ils connaissent les besoins de formation.

État des nouveaux lieux

Le professeur Florian Meyer, de la Faculté d’éducation, a endossé le rôle d’ami critique et a présenté un état de ces nouveaux lieux d’apprentissage sous quatre angles de réflexion, références d’experts à l’appui.

Pourquoi ces nouveaux lieux?

  • Les étudiants ont changé : ils veulent manipuler, transformer les savoirs.
  • Ils réclament autonomie, changement, rythme, créativité et, surtout, de plus en plus, ils ont besoin de sentir que leurs apprentissages sont pertinents, significatifs et en lien avec leurs environnements personnels.

Quelle vision pédagogique pour ces nouveaux lieux?

  • La salle de classe est devenue dialogique et l’environnement est devenu social, complexe, multidimensionnel.
  • L’apprentissage se fait de plus en plus collectif, réciproque, soutenant, cumulatif, significatif et signifiant. L’ouverture et la flexibilité marquent la planification des interventions pédagogiques afin que l’étudiant puisse faire des choix et avoir un certain contrôle sur sa formation. Voir à cet effet la grille d’évaluation de l’ouverture d’un environnement éducatif (GEODE) de Jézégou, A. (2010) ci-dessous.

Comment construire et vivre ces nouveaux lieux?

  • Par une logique d’organisation et de gestion du changement
  • Par la réunion de différents acteurs : immeubles, technologies de l’information, bibliothèques, différents services, dont ceux pour les étudiants, des profs
  • Par vision et partage des orientations, décideurs clés, apprentissage mutuel, ouverture à l’inconnu, sentiment d’emprise (ownership)
  • Par un engagement dans un processus de formation à l’intention des enseignants
  • Par un engagement à l’intégration des étudiants dans le processus
  • Par la diffusion des bonnes pratiques
  • Par la lecture de quelques livres, dont The third teacher: 79 ways you can use design to transform teaching & learning, O’Donnell Wicklund Pigozzi and Peterson, Architects Inc., VS Furniture & Bruce Mau Design, (2010), New York, Abrams.

Quelle direction?

En avant! Penser, imaginer l’avenir, car il s’agit d’une déferlante.

Conclusion

L’activité s’est terminée sur des questions de l’assistance, qui ont permis de mettre en lumière que ces nouveaux espaces d’apprentissage risquent vraisemblablement d’avoir comme impact de professionnaliser les programmes. De fait, c’est le cas de la formation des futurs ingénieurs et des futurs médecins (dont le programme a été revu en parcours de professionnalisation). À la Faculté de droit l’ajout d’une troisième session à la formation en droit notarial a conduit au décloisonnement des matières.

Les nouveaux lieux d’apprentissage se caractérisent par le travail collaboratif et interdisciplinaire : conduiront-ils au décloisonnement des disciplines tant souhaité et encore si peu atteint? Ils favorisent, voire exigent, nous semble-t-il, que l’évaluation des apprentissages se fasse au moyen d’activités intégratrices, en situations réelles ou simulées, où l’on peut véritablement mesurer l’agir avec compétence.


  • De l’anglais maker community : une sous-culture contemporaine de la culture du DIY (do it yourself) qui se caractérise par la recherche de nouvelles applications des technologies Pour en savoir plus : The Maker Community.

Articles Similaires

Données probantes en éducation – Remplacer les examens : oui, mais par quoi?

Maryse Beaulieu

Données probantes en éducation : pourquoi les récits favorisent-ils l’apprentissage? (Partie 2/2)

Jean-Sébastien Dubé

Un bac unique… un cours à la fois : l’audacieux pari de Quest University

Sonia Morin et Catherine Vallières

Ajouter un commentaire