Ça se passe chez nous

Zoom sur les salles d’apprentissage actif de la Faculté de droit

Le doyen Sébastien Lebel-Grenier aime à rappeler que le maillage entre une solide formation aux fondements théoriques du droit et des activités favorisant une mise en application des concepts juridiques pratiques est presque devenu une marque de commerce de Sherbrooke. Comme il se faisait déjà de la classe inversée à la Faculté de droit, l’implantation de ces nouvelles salles signifie que son équipe est constamment à l’affût, prête à en faire davantage pour assurer la pertinence de la formation qu’elle offre.

Objectifs visés

Pourquoi avoir choisi de développer de telles salles? Pour le professeur Lebel-Grenier, les nouvelles salles constituent un laboratoire pédagogique qui permet aux enseignants d’adapter la formation à l’évolution des besoins de la pratique du droit. C’est un espace exploratoire où il est possible de profiter des avantages qu’offre la technologie.

Ces salles présentent des conditions proches de la réalité du travail du juriste. Pour Antoine Giguère, conseiller pédagogique facultaire, elles permettent de rendre l’apprentissage dans l’action le plus authentique possible. L’acquisition des savoirs se fait en travaillant sur des situations proches de la pratique, ce qui facilite le développement des compétences et de réflexes juridiques.

Origine du projet

En 2012, François Brochu, professeur de droit notarial à l’Université Laval et chargé de cours à Sherbrooke, éveille la direction de la Faculté de droit aux possibilités offertes par les salles d’apprentissage actif dont vient de se doter Laval. On teste d’abord des pédagogies plus actives dans des locaux sans soutien technologique. Puisque les essais sont concluants, on convient que de telles salles seraient à la fois intéressantes et pertinentes pour les cours de la maîtrise en droit notarial. On voit aussi d’autres usages possibles pour les cours avancés du bac, de même que pour certains cours de fondements (droit des biens, droit international, droit privé).

Ces salles présentent des conditions proches de la réalité du travail du juriste

Le Service des bibliothèques et archives quitte les locaux de l’ancienne cartothèque à la même époque. La Faculté considère comme pertinent d’investir dans de tels projets et le doyen se met en quête de partenaires financiers externes. Les cabinets CBF et Lavery se montrent heureux de s’associer à l’avènement de locaux à la fine pointe. Les travaux se déroulent à l’été, puis durant une partie de l’automne 2015. Fin 2015, des enseignants découvrent les nouvelles salles et commencent à les apprivoiser. En janvier 2016, les premiers cours se donnent dans ces locaux.

Des salles différentes

La salle Lavery Avocats correspond à ce que l’on appelle une salle d’apprentissage actif. Elle sert principalement à enseigner dans un mode « classe inversée ». Quelque 65 étudiantes et étudiants peuvent s’y répartir en une dizaine d’équipes, sur des tabourets entourant de hautes tables. Des tableaux de verre servent souvent à concilier les réponses des coéquipiers, alors que des écrans numériques permettent de diffuser les résultats d’une équipe à toute la classe. Une console située au centre de la pièce permet à l’enseignant de déterminer ce qui est présenté sur chaque écran. La position centrale de cette console incite le formateur à circuler entre les équipes.

La salle BCF Avocats d’affaires est nommée salle « mobile », puisque l’ensemble du mobilier (65 chaises et une trentaine de tables) est sur roulettes. Cette salle sert principalement à des exercices de simulation (organisations internationales ou médiation) qu’on ne pourrait pas tenir au Centre judiciaire, compte tenu de son mobilier fixe. Une affiche permet aux gens de se rappeler la configuration initiale des lieux pour les replacer avant de quitter. À terme, on veut suggérer d’autres configurations possibles par des affiches additionnelles. On a aussi équipé cette salle d’un système de visioconférence, dispositif qui manquait à la Faculté de droit.

La salle BCF Avocats d’affaires, dite « mobile », permet de configurer la classe selon les besoins, comme pour les exercices de simulation d’organisations internationales ou de médiation.

En excluant les rénovations apportées à l’ancienne cartothèque, il faudra 150 000 $ pour équiper les deux salles, ce qui inclut l’infrastructure technologique et une partie du mobilier. On a choisi un mobilier de qualité, puisqu’on le voulait à la fois durable et confortable pour les étudiants. On a ainsi opté pour certains éléments fabriqués sur mesure, toujours pour ces raisons. Par ailleurs, la Faculté a investi dans une bonne insonorisation puisque ces locaux sont situés près d’une cafétéria et de couloirs très passants.

Le doyen Lebel-Grenier croit qu’il faut d’abord voir cette « dépense » comme un investissement pour l’avenir. Il évalue que l’amortissement du mobilier pourra s’étaler sur 40 ans. Évidemment, les délais d’amortissement en technologie sont beaucoup plus courts, soit sur 6 à 10 ans.

Fréquentation et flexibilité

À la Faculté de droit, on se montre très satisfait de la qualité des installations. La première année d’existence de ces salles n’est pas encore complétée, mais déjà on évalue que les deux salles sont occupées 75 % du temps.
Cette fréquentation – toujours en augmentation – est d’autant plus remarquable que

de tels changements pédagogiques et technologiques demandent un effort important.
Antoine Giguère Or la participation des enseignants reste entièrement volontaire. Il est rare qu’un
formateur réserve la classe pour une plage hebdomadaire. On veut d’ailleurs conserver cette flexibilité, mais la contrepartie est qu’il a été difficile de prêter la salle à d’autres facultés. Les étudiantes et étudiants se sont aussi prêtés au jeu en participant avec enthousiasme aux activités proposées, même si cela représente une implication accrue pour eux. « La classe devient un lieu de travail plutôt qu’un lieu de transmission », explique Antoine Giguère.

La classe devient un lieu de travail plutôt qu’un lieu de transmission

Divers défis

Pour Josée Chartier, coordonnatrice aux activités de 1er cycle, de telles salles constituent un bon complément aux locaux existants, mais elles ne sont pas appropriées pour tous les cours. Ici, l’idée est d’inscrire l’étudiant dans une démarche active d’apprentissage qui le responsabilise et le mette aux premières loges de sa réussite. Il va sans dire que les pratiques traditionnelles ont toujours une place pertinente au sein du programme de baccalauréat.

D’une part, l’appropriation des différentes technologies offertes par la salle Lavery
présente une courbe d’apprentissage assez prononcée. Tous les enseignants ne recourent pas d’emblée à l’entièreté des possibilités qu’elle offre. Dès l’entrée en fonction de cette salle, l’expérimentation a permis
de corriger certaines incongruités techniques, notamment grâce au soutien du Service des technologies de l’information.
D’autre part, l’approche inversée amène l’enseignant à adapter la théorie afin d’en permettre l’accès de manière autonome. Celui-ci doit donc prévoir les questions qui pourraient émerger et tenter de trouver des moyens d’y répondre en différé (par exemple, la préparation de petites capsules vidéo explicatives ou de questions guidant la lecture de l’étudiant). Antoine Giguère estime que les formateurs doivent établir une planification plus détaillée – pratiquement à la minute près – afin de prévoir divers scénarios et d’anticiper
ce que feront les étudiants lorsqu’ils seront dans l’action en présentiel. Le doyen Lebel-Grenier observe
que le temps passé à convertir ces cours n’est pas reconnu dans la tâche professorale et que des mesures d’appui doivent être mises en place pour assurer le succès du projet.

Il faut prévoir d’accompagner les étudiantes et étudiants pour qui il s’agit également d’un changement majeur dans la façon d’apprendre.

Enfin, il faut prévoir d’accompagner les étudiantes et étudiants pour qui il s’agit également d’un changement majeur dans la façon d’apprendre. Josée Chartier remarque qu’il faut que les enseignants adaptent la façon dont ils approchent les séances de cours en présentiel : ils doivent passer de « l’expert seul détenteur du savoir » au « guide expert », puisque les apprenants deviennent les moteurs de ces périodes.

Comment y enseigne-t-on?

La pédagogie inversée exige des enseignants qu’ils sachent se mettre dans la peau des étudiants afin d’anticiper les difficultés qui surviendront quand ces derniers réaliseront leurs apprentissages seuls à la maison. Une fois de retour en classe, le contexte actif du travail pratique favorise les échanges directs entre l’étudiant et l’enseignant, par exemple, lorsque ce dernier circule d’une équipe de travail à une autre.

Le plus souvent, on présentera aux étudiantes et étudiants des cas pratiques, des mises en situation ou des activités d’experts (de type jigsaw) en lien avec la matière vue à la maison. Des questions seront posées auxquelles il faudra répondre en équipe. Il peut d’abord y avoir une mise en commun du travail effectué par chaque étudiant à la maison. C’est l’étape où les tableaux de verre serviront le plus afin de permettre la conciliation des diverses solutions au sein des équipes. Lors d’une plénière, les écrans serviront à la diffusion à l’ensemble du groupe de la réponse proposée par chaque équipe.

Le plus souvent, on présentera aux étudiantes et étudiants des cas pratiques, des mises en situation ou des activités d’experts en lien avec la matière vue à la maison

Josée Chartier indique que les auxiliaires d’enseignement du cours Recherche documentaire sont ravis de leur expérience dans ces salles. Ils ne voudraient surtout pas redonner ce cours dans des laboratoires informatiques. Elle estime que cette approche pédagogique multiplie les formes d’apprentissage (travail individuel, travail d’équipe, résolution de problème, vulgarisation des concepts auprès des collègues en classe, etc.) et permet une compréhension plus complète, voire plus solide de la matière.

Un sondage sera soumis aux étudiantes et étudiants en 2017 pour connaître leur appréciation de ces salles. En attendant, quelques échos informels laissent penser que les étudiants apprécient cet environnement, sans en nier l’implication qui en découle. De fait, ils doivent se montrer particulièrement autonomes et disciplinés lors de l’apprentissage hors classe… au risque de subir la pression de leurs pairs. Un étudiant ne s’étant pas suffisamment préparé ne pourra profiter pleinement des activités qui se dérouleront dans ces classes.

Soutien offert

Bien sûr, l’enseignant qui fait usage de ces classes a toujours accès à du soutien technique et pédagogique. Par exemple, le Service de soutien à la formation soutient la production de matériel vidéo. On voudrait aussi mettre en place des groupes de codéveloppement pour formaliser l’entraide entre les enseignants qui utilisent ces salles.

Toutefois, la Faculté de droit estime qu’il est primordial d’offrir un appui important sur le plan pédagogique. Ainsi, les enseignants qui souhaitent exploiter l’une de ces salles se voient jumelés avec Antoine Giguère, conseiller pédagogique facultaire. Celui-ci offre des séances d’initiation pour faire connaître le fonctionnement des salles. Pour ceux qui désirent aller plus loin, il procède à une analyse des besoins. Il pourra offrir de l’accompagnement à la planification globale, à la planification de chaque séance de cours, à la conception ou même à l’évaluation du matériel pédagogique. Quand le formateur est prêt à se lancer, Antoine Giguère assiste au premier cours.

Pour qui est prêt à se prêter au jeu, la plus-value est significative

Pour qui est prêt à se prêter au jeu, la plus-value est significative. « Ces salles favorisent d’emblée le déploiement des compétences dans l’action… et non plus seulement quand il reste un peu de temps à la fin d’une période, explique Antoine Giguère. Des exercices concrets forment à la pratique, tout en laissant le droit à l’erreur, ce qui permet aux étudiants de développer leur coffre à outils. »

L’avenir de ces salles

Quel avenir envisage-t-on pour les salles d’apprentissage actif à la Faculté de droit? Tout dépendra de l’évolution des besoins, mais il est déjà question de convertir d’autres classes au fil des rénovations. On pense aussi qu’il y aurait de l’intérêt pour de telles salles à Longueuil. Le doyen Lebel-Grenier rappelle que les enseignants ont besoin de plusieurs types d’espaces : des salles traditionnelles, des salles mobiles, mais également des salles d’apprentissage actif.

C’est dans l’esprit de tels espaces d’apprentissage que Sébastien Lebel-Grenier rêve à la future bibliothèque de la Faculté de droit. Puisque 97 % des étudiants de la Faculté disposent de leurs propres ordinateurs portables, cette bibliothèque ne comptera aucun poste de travail fixe. Plutôt que de simplement la moderniser, on veut en faire un véritable lieu de confluence, doté d’aménagements polyvalents, de salles de remue-méninges et de mobilier mobile. Un coin café, des poufs, une salle d’exposition pour de l’art actuel en feront un espace favorisant la créativité et le travail d’équipe.

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