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La formation universitaire vue par les Z

Remarquons que l’on ne s’entend pas sur le point de passage d’une génération à l’autre. Alors que les Y sont la génération du « millénaire », les Z apparaîtraient entre 1995 et 2005. C’est même plus tôt pour Statistique Canada :

« … [L]es personnes nées depuis 1993 sont parfois identifiées comme la nouvelle génération Z ou la génération Internet puisqu’elles sont nées après l’invention d’Internet. Environ
7,3 millions de personnes (22 % de la population totale) nées entre 1993 et 2011 ont été dénombrées au Recensement de

2011. En 2011 ces personnes avaient 18 ans ou moins et commençaient tout juste à intégrer le marché du travail. » (Statistique Canada, 2013)

Il est certain que l’appellation génération Z est d’abord un produit du marketing, permettant de segmenter et de caractériser différentes tranches de consommateurs. Pour Sara DaVanzo, stratège culturelle en chef de l’agence new-yorkaise Sparks & Honey : « Many of our [client companies] are struggling with planning for the future in a world defined by chaos, volatility, uncertainty, ambiguity and change. The idea of a Gen Z brand has been embraced by media as a kind of talisman for our hopes and fears. » (Kingston, 2014) De telles segmentations générationnelles sont reprises par les consultants en ressources humaines qui planifient l’intégration de cette main-d’œuvre dans les entreprises.

L’appellation génération Z est d’abord un produit du marketing permettant de segmenter et de caractériser différentes tranches de consommateurs

D’après l’enquête marketing de Sparks & Honey – la plus souvent citée dans les écrits sur cette génération – les Z seraient entrepreneuriaux : 72 % voudraient lancer leur propre entreprise. Des observations similaires se dégagent des résultats de La Grande InvaZion (36 p.), une enquête française réalisée auprès de 3200 jeunes de 15 à 20 ans pour The Boson Project, jeune firme de consultants en ressources humaines, et la Banque BNP Paribas : 47 % d’entre eux souhaitent devenir leur propre patron. Ils semblent se méfier de la grande entreprise à laquelle ils associent des mots comme « dure », « compliquée », « impitoyable », « fermée », « une jungle », etc. C’est ce qui fait dire à Emmanuelle Duez, présidente de Boson Project :

« … Avant, c’était l’entreprise qui faisait l’honneur à un collaborateur de lui donner un travail. […] Les Z transforment l’essai : ce seront eux qui, demain, feront l’honneur à une ou plusieurs entreprises de mettre à disposition leurs talents et leurs compétences. Changement de paradigme. Ils deviennent
leurs propres centres d’emploi.
Et sachez, chers lecteurs, que pour la 1 fois, le nombre de freelance aux USA est supérieur au nombre de CDI… [c’est-à-dire, contrat à durée indéterminée] » (Duez, 2015, notre emphase)

Toutefois, d’autres sources mettent en doute ce profil parce que les Z auraient une certaine aversion au risque :

« … [T]he participants in our study all claimed to be aiming for jobs in growing, less-automatable fields like education, medicine, and sales. And they’re obsessed with developing contingency plans to help them navigate the dynamic job market. While the media has singled out a number of high-profile entrepreneurial teen success stories, the majority of Gen Z in our study are biased in favor of career and financial stability. » (Finch, 2015)

Pour augmenter leur employabilité, les Z seraient à la recherche d’expériences de travail concrètes, allant jusqu’à effectuer des stages en entreprise dès le secondaire :

« Gen Z is already out in the world, curious and driven, investigating how to obtain relevant professional experience before college. […] Even well-known organizations will have to rethink their recruiting practices to attract this group, and now is the time to start. Those who want to take advantage of Gen Z talent in the future need to develop relationships today with teenagers in grades seven through 12. Get into their schools, provide mentorship and education, and put yourself in a position to help shape their career decisions. They are eager to listen. » (Levit, mars 2015)

En parallèle, une enquête du groupe Adecco aux États-Unis (citée dans Chaminade, 2015) montre que :

  • 30 % des finissants estiment que leur institution d’attache a échoué à leur enseigner des habiletés utiles en entreprise ou dans « la vie réelle »;
  • 18 % estiment que leur institution ne leur a pas offert assez d’opportunités de stages;
  • 15 % déplorent le manque de formation à la recherche d’emploi (C.V., entrevues, etc.).

Le corollaire, c’est une certaine méfiance vis-à-vis des institutions de formation supérieure quant à l’apport tangible qu’elles peuvent avoir sur leurs futures carrières. Dans un marché de l’emploi où les connaissances changent constamment, où la plupart des professions qui seront pratiquées n’existent pas encore, où les futurs travailleurs auront en moyenne 13 emplois différents, la pertinence de l’université devra être démontrée à nouveau :

« A degree will be fantastic for getting you in the door the first time, but after that it’s a matter of, “What can you do for me?”, says Mr. [Richard] Worzel. [auteur de Who Owns Tomorrow? 7 Secrets for the Future of Business ] Because of the massive disruptions in so many industries simply gathering Future of Business…] Because of the massive disruptions in so many industries, simply gathering knowledge during your university career won’t cut it, he says. “Unless somebody is creative, intuitive, innovative, regardless of what field they are in, they risk being displaced by a computer,” he says. » (White, 2015)

Les conclusions pour les institutions de formation sont plutôt troublantes. Toujours à partir des résultats de La Grande InvaZion, on découvre que seuls 7,5 % des interrogés croient que l’école sera une source d’apprentissage dans dix ans. Elle vient troisième après le jeune lui-même et l’entreprise. « L’école est un canal parmi d’autres, la génération Z sera une génération “autodidacte”, d’entrepreneurs s’étant formés eux-mêmes et qui devront constituer leur propre bibliothèque de savoirs » (Urmès, 2015, notre emphase)

Pour Emmanuelle Duez : « Si la génération Y est entrepreneur de sa vie professionnelle, la génération Z sera entrepreneur de sa formation. » (Duez, 2015)

« … Pragmatiques, courageux, ils remettent en cause l’importance du diplôme et savent qu’ils devront être dans “l’auto-apprentissage permanent”. 40 % citent le “bon réseau” comme la clé de la réussite, et plus ils ont été en contact avec l’entreprise, plus ce chiffre est fort, loin devant le fait d’avoir un bon diplôme ou un bon CV. Le diplôme n’est plus le gage de réussite professionnelle [seuls 24 % le citent comme facteur de réussite]. » (Urmès, 2015, notre emphase)

Ils sont prêts à fréquenter l’université mais pour d’autres raisons : « … [M]ost say they would like to attend college for the social connections and network. Not for the vocational skills or credential they may receive ‒ there are many choices for degrees. » (Cook, 2015)

Est-ce que l’université doit s’adapter pour tenir compte des nouveaux besoins exprimés par les apprenants? Susan McCahan, vice-doyenne aux études de premier cycle à l’Université de Toronto, croit que oui : « The role of higher education will be less about just imparting knowledge and more about providing high-quality feedback to students as they develop the areas of cognitive ability that will be essential in a new, high competitive world. » (White, 2015)

Selon elle, des compétences transversales comme la créativité, la pensée critique, l’habileté à trouver des solutions originales aux problèmes, le travail d’équipe, la communication, deviennent des éléments de la formation universitaire aussi importants que les connaissances enseignées.

Sources

Chaminade, Benjamin, « Les différences culturelles entre génération Y et génération Z », blogue Générations, 2 octobre 2015.

Cook, Dr. Vickie S., Engaging Generation Z Students, University of Illinois Springfield, Center for Online Learning, Research & Service [2015].

Duez, Emmanuelle, « Comment les générations Y et Z voient le monde de l’entreprise », Challenges.fr, 16 septembre 2015.

Duez, Emmanuelle, Une génération qui n’a peur de rien (vidéo), présentation au Positive Economy Forum, Le Havre, septembre 2015 (15 min 31).

Finch, Jeremy, « What Is Generation Z, And What Does It Want? », Fast Company, 4 mai 2015.

Hammer Kate  « Educating Generation Z » Innovation ca (Canada Foundation for Innovation)

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