Le SSF Veille

Usages de la vidéo en enseignement supérieur: comment s’en sert-on?

De l’intérêt pour intégrer la vidéo à votre enseignement? Encore s’agit-il de déterminer ce que vous comptez faire avec…

Une évolution technique et pédagogique

Enriotti et Masse (2010) indiquent que, depuis l’introduction de la vidéo dans le milieu des années 1970, quatre temps forts marquent l’évolution des pratiques pédagogiques intégrant la vidéo. Ces mouvements se reflètent dans les transformations techniques qu’on a pu observer à l’Université de Sherbrooke.

Il en résulte des pratiques concomitantes, qui s’ajoutent les unes aux autres et qui amènent progressivement l’apprenant du rôle de spectateur à celui d’acteur :

  1. Les années 1970 sont les belles années de la télévision éducative. Des équipes complètes produisent des documents devant servir en compléments aux cours. La vidéo remplace la démonstration faite par le formateur en classe. Elle permet l’uniformisation des contenus.
  2. Dans les années 1980, des études de cas et des simulations s’ajoutent aux démonstrations vidéo. La vidéo donne à voir ce qui autrement serait difficile à capter. Elle permet d’insister sur certains aspects jugés importants. L’arrivée du VHS occasionne le ralentissement de la production studio et l’avènement de l’«autoproduction».
  3. Dans les années 1990, la visioconférence s’implante et l’autoproduction bat son plein. Des démarches méthodologiques complexes et l’approche systémique font de la vidéo un instrument parmi toute une gamme d’autres outils d’apprentissage. La vidéo devient un outil d’objectivation, de réflexion, d’évaluation.
  4. Dans les années 2000, l’arrivée des équipements numériques transforment les pratiques. Les contenus multimédias viennent enrichir les textes et les initiatives de formation en ligne se multiplient. Avec l’individualisation des apprentissages et des parcours, la vidéo s’intègre à des projets encore plus vastes. Elle permet le prototypage de réalités et de personnages virtuels.

Les différents usages de vidéo

On retrouve principalement cinq types d’utilisation de la vidéo en enseignement supérieur, en lien avec des visées pédagogiques distinctes :

  • la vidéo de démonstration;
  • la vidéo d’observation, de réflexion, d’évaluation;
  • la vidéo de simulation;
  • la vidéo comme projet étudiant;
  • la vidéo en formation à distance.

Il importe toutefois de noter que ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives. On pourrait demander à des étudiants de produire une vidéo de démonstration pour voir s’ils ont bien saisi certaines manipulations. On pourrait aussi utiliser en formation à distance une vidéo qui présente un cas (simulation).

La vidéo de démonstration

La vidéo de démonstration est utile dans les cas où il faut expliquer un concept, donner des consignes, illustrer une procédure, communiquer les étapes de réalisation d’un travail, etc. Certaines vidéocaptures d’écran entrent dans cette catégorie.

La vidéo de démonstration permet :

  • la transmission uniforme (standardisation des contenus et du moyen, niveau de qualité constant);
  • la possibilité de mettre l’accent sur des détails ou des éléments importants à transmettre;
  • la libération du temps des ressources humaines qui étaient assignées à cette tâche.

Enseignant au collégial, Jean Bourbeau décrit en quoi ce type de vidéo est avantageux :

«En réalisant de courtes vidéos pour les étudiants, ceux-ci sont forcés à se préparer pour leur laboratoire en dehors des heures de cours. Les étudiants peuvent visionner les vidéos autant de fois qu’ils le veulent, où ils le veulent et quand ils le veulent! Ils peuvent même revoir les vidéos pendant les périodes de laboratoire! Les étudiants sont donc mieux préparés pour leur laboratoire. De plus, les étudiants disposent de plus de temps pour réaliser l’activité demandée.» (2009)

De même Samuel Bernard (2012) utilise l’approche de flipped classroom dans son cours de statistique. Selon lui, le fait de proposer aux étudiantes et étudiants des séquences vidéo formatives à visionner avant les cours transforme son rôle, celui des étudiants et la dynamique toute entière de la classe.

À l’Université de Sherbrooke

Au Département de biologie de la Faculté des sciences, la coordonnatrice Carole Boulanger explique qu’un technicien de laboratoire devait, session après session, expliquer aux nouveaux étudiants le protocole à respecter en laboratoire. On a produit des capsules vidéo explicatives illustrant chacune des étapes préalables à l’exécution d’une première expérience en laboratoire. Ces capsules ont été rendues disponibles sur un site Moodle et tous les nouveaux étudiants ont l’obligation de les visionner avant leur premier laboratoire. Le technicien se concentre maintenant sur les questions des étudiantes et étudiants à la suite du visionnement et sur le soutien à leur apporter dans l’exécution des travaux pratiques en laboratoire.

La vidéo d’observation  de réflexion d’évaluation

Lorsque l’acquisition d’un savoir-faire est en jeu, la vidéo d’observation, de réflexion, d’évaluation permet de voir, de revoir, de porter un regard critique, d’analyser, de tirer des leçons d’expériences afin d’en évaluer la portée et d’améliorer les prochaines itérations. Utile en formation initiale, en formation continue et en recherche.

Filmer une activité pédagogique, une présentation d’étudiants, un stage, donne l’occasion de s’y référer pour différents besoins :

Apprendre de ses expériences : les étudiants gagnent à se revoir en action. Ils peuvent prendre conscience de ce qu’ils ont bien ou moins bien réussi, développer leur regard critique, apprendre de leurs erreurs et améliorer leurs prochaines itérations.

Confirmer ou valider une évaluation : une activité filmée peut être visionnée autant de fois que nécessaire. Elle peut permettre une réévaluation de note en cas de révision, par exemple.

Pour Tochon (1996), «[l]’actualité des méthodes d’élucidation des savoirs pratiques font de la rétroaction vidéo un instrument privilégié pour étudier et développer la pensée en action et la pensée sur l’action des professionnels de l’éducation».

À l’Université de Sherbrooke

La professeure Lise Desmarais demande à ses étudiantes et étudiants de filmer leur simulation de négociation de convention collective. Dans cet exercice pratique, un petit groupe d’étudiants joue le rôle des employés, l’autre groupe celui des patrons, et ensemble ils doivent négocier les termes de leur prochaine convention collective. Une fois l’exercice complété, les deux groupes d’étudiants visionnent leur partie de négociation, en extraient les moments clés (bons et mauvais) et partagent le tout en grand groupe.

La vidéo de simulation

La vidéo de simulation reconstitue un événement difficilement accessible, donne à voir une situation avec la possibilité de mettre l’accent sur ses éléments importants.

Reconstituer le déroulement d’une séance de travail entre professionnels de formations différentes, une rencontre en relation d’aide ou de toute autre situation difficilement accessible donne la possibilité :

  • de scénariser les contenus selon les besoins de formation;
  • d’intégrer tous les cas de figure possibles;
  • de mettre l’accent sur certaines parties.

À l’Université de Sherbrooke

La professeure Ann Graillon forme depuis des années les nouveaux professeurs à l’approche par problèmes (APP) pratiquée à la Faculté de médecine et des sciences de la santé. Depuis 2002, un DVD tient lieu de document de base pour la formation. Ce DVD contient une vidéo de séance d’APP simulée dans laquelle se retrouvent tous les éléments et cas de figure essentiels à l’approche : un formateur crédible, des profils d’étudiants variés, des questions et des situations susceptibles de se produire dans la réalité.

La vidéo comme projet étudiant

La vidéo comme projet étudiant permet aux apprenants de présenter sous forme vidéo leur compréhension des contenus développés dans un cours. Selon Mônica Macedo-Rouet (2007), les observations terrain démontrent que de mettre les étudiants à l’œuvre dans le cadre d’une production vidéo augmente leur niveau de motivation, développe et leur compréhension et leur regard critique face aux images, tout en augmentant leur taux de réussite.

À l’Université de Sherbrooke

Dans un cours en orientation professionnelle, la professeure Marcelle Gingras demande comme travail de session la production en équipe d’une vidéo de type «vox pop» sur un sujet en lien avec les contenus du cours.

La vidéo en formation à distance

La vidéo en formation à distance, qu’il s’agisse de visioconférence traditionnelle ou de visioconférence web, permet à plusieurs personnes ou groupes de personnes situées sur des sites distants de se voir et de s’entendre en temps réel. Par ailleurs, l’accès à des ressources vidéo dynamise un module de formation à distance.

Bien exploitée, la visioconférence permet à des groupes de formation ou à des équipes de recherche de réaliser des rencontres interactives en temps réel, même s’ils se trouvent à des endroits différents. La visioconférence rationnalise les coûts, l’efficacité et l’efficience des activités de formation, crée un sentiment d’appartenance chez les participants, tout en limitant les temps de déplacement des professeurs, des formateurs et des autres participants.

Macedo-Rouet (2007) rapporte qu’un chercheur de l’Université Deakin en Australie a numérisé et mis à la disposition de deux groupes d’étudiants en génie − l’un en présence et l’autre à distance – un documentaire vidéo analysant les causes et les conséquences d’un accident aérospatial. Un sondage à la fin du cours a révélé que tous les étudiants et étudiantes à distance avaient visionné la vidéo, jugeant cette ressource importante pour comprendre le cours. Néanmoins, seule la moitié des étudiants en présence avait fait de même. Conclusion de l’auteure : «Les ressources vidéo en formation à distance semblent particulièrement utiles parce qu’elles viennent combler un espace laissé vacant par la perte de certains dispositifs d’accompagnement présentiel…»

Sources

Belaroussi, Rachid, Traitement de l’image et de la vidéo : avec exercices pratiques en Matlab, Éditions Ellipses, 2010.

Bernard, Samuel, «YouTube : Apprendre les mathémaTICs au moyen d’une classe inversée», Profweb, 10 septembre 2012.

Bourbeau, Jean, «Pourquoi répéter quand on peut filmer?!», Profweb, 23 mars 2009.

Bressy, Damien, Un projet pour travailler l’image et les médias, Delagrave, 2008.

Cou, Marie-Hélène et Claude Demeure, Utiliser efficacement la vidéo en formation − L’autoscopie à l’usage des enseignants et des formateurs, ESF éditeur, 1996.

Articles Similaires

Transformer notre regard sur la tricherie et l’intégrité

Sonia Morin

Le plagiat : une préoccupation mondiale!

Perspectives SSF

Environnements numériques d’apprentissage : ça bouge!

Perspectives SSF

Ajouter un commentaire