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L’internationalisation : 5 mythes à déboulonner

Aujourd’hui l’internationalisation fait partie de l’environnement universitaire. Toutes les universités ont été appelées à se positionner face à cet enjeu. Si l’internationalisation est devenue un incontournable, que signifie-t-elle exactement?

Selon Jane Knight, professeure à l’Université de Toronto et spécialiste de renommée mondiale sur la question de l’internationalisation de l’enseignement supérieur, ce concept s’est complexifié au fil des années et des expériences. Dans le milieu universitaire, l’internationalisation se définit fréquemment comme le processus d’intégration de la dimension internationale et interculturelle dans l’enseignement, la recherche et les services à la collectivité.

En 2003, la professeure Knight a élargi cette définition à toute la sphère de l’éducation :

«Internationalization […] is defined as the process of integrating an international, intercultural, or global dimension into the purpose, functions or delivery of postsecondary education.»

L’Association des universités et collèges du Canada a traduit cette définition mise à jour comme suit :

«L’internationalisation est le processus d’intégration d’une dimension internationale, interculturelle ou mondiale à l’objectif, aux fonctions ou à la prestation de l’éducation postsecondaire.»

Cette définition comprend des mots clés choisis soigneusement.

Processus

Le mot processus permet d’exprimer que l’internationalisation est une œuvre jamais achevée, un chemin à parcourir et à investir continuellement comme s’il n’y avait pas de destination finale.

Dimension internationale, interculturelle et globale

Internationale, interculturelle et globale forment une triade indissociable. Internationale renvoie aux relations entre les nations, les cultures et les pays. Interculturelle réfère à la diversité qui existe à l’intérieur d’une nation, d’une culture, d’un pays. Globale a été ajoutée pour évoquer la portée mondiale.

But, rôles et prestation

But, rôles et prestation forment une deuxième triade au caractère indissociable. Le but renvoie aux visées qu’un État a de l’enseignement supérieur ou à la mission d’une institution universitaire. Les rôles réfèrent aux éléments caractéristiques d’un système national d’éducation ou aux fonctions d’enseignement, recherche et service à la collectivité d’une institution universitaire. La prestation, quant à elle, signifie l’offre de formation locale ou délocalisée et inclut les fournisseurs autres que les institutions d’enseignement.

Dans un texte plus récent (2011), Knight s’attaque à cinq mythes qui circulent, mais qui, dans les faits, ne constituent pas de l’internationalisation.

Mythe 1 : Les étudiants internationaux sont des agents d’internationalisation

On a remarqué que les étudiantes et étudiants internationaux se sentent souvent marginalisés, socialement et académiquement, et qu’ils vivent des tensions liées à la diversité. Il n’est pas rare de les voir se regrouper entre eux et de vivre, ironiquement, une véritable expérience interculturelle, à la différence des étudiants locaux, qui résistent à se joindre à des étudiants internationaux pour des projets académiques ou pour des activités sociales.

Mythe 2 : La réputation internationale (étudiants et professeurs internationaux, formation, recherche, ententes, réseautage) d’une université est garante de qualité

Ce mythe ne résiste pas aux cas qui mettent en lumière des exigences d’admission et de diplomation à la baisse pour augmenter le recrutement d’étudiantes et d’étudiants internationaux. À ce sujet, voir cet accablant rapport australien sur la manière dont les universités traitent parfois les étudiants internationaux.

Mythe 3 : Plus une université a signé d’ententes de collaboration internationales, plus elle est prestigieuse et attrayante aux yeux des autres universités et des étudiants

La pratique démontre que les universités peuvent difficilement gérer ou bénéficier d’un nombre trop grand d’ententes, car pour rendre ces ententes fructueuses et significatives, il faut que les professeurs, les départements et les services traitant des relations internationales investissent du temps et de l’argent, ce qui est rarement le cas. Dans les faits, il semble que le nombre idéal d’ententes «gérables» et surtout rentables varie entre 10 et 20.

Mythe 4 : Les accréditations internationales garantissent l’internationalisation de la formation

Cette affirmation est simplement fausse du fait qu’une accréditation internationale n’évalue pas la dimension internationale d’une formation.

Mythe 5 : L’internationalisation permet d’améliorer l’image de marque d’une université

Ici, il importe de distinguer les motifs derrière l’internationalisation : s’agit-il d’une simple entreprise de marketing ou d’une véritable internationalisation? Si l’internationalisation peut contribuer à une amélioration de l’image de marque d’une université, une image de marque internationale ne garantit pas forcément une véritable internationalisation incarnée.

Sources

Association des universités et collèges du Canada Internationalisation des programmes d’études : guide

Association des universités et collèges du Canada, Internationalisation des programmes d études : guide pratique à l’intention des universités canadiennes, mars 2009.

Collins, Sarah-Jane, «Report critical of universities»,The Age, 28 octobre 2011.

Knight, Jane, «Updated internationalization definition», International Higher Education, n o 33, 2003, p. 2-3.

Knight, Jane, « Internationalization Remodeled: Definition, Approaches, and Rationales», Journal of Studies in International Education, vol. 8, n o 1, printemps 2004, p. 5-31.

Knight, Jane, « Five myths about internationalisation», International Focus, 23 février 2011 [document PDF].

Taylor, John R. (Acting ombudsman),  Investigation into how universities deal with international students, Victorian government printer, Victoria, Australie, 26 octobre 2011 [document PDF].

Mini-colloque sur l’internationalisation

Dans le cadre du Mois de la pédagogie universitaire 2012 se tiendra le mini-colloque Internationalisation 2.0 : de la théorie à l’action, le lundi 2 avril, de 8 h 30 à 16 h, au Salon Orford du Centre culturel de l’Université de Sherbrooke.

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