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Le travail d’équipe : s’intéresser au processus

Le travail en équipe est une formule pédagogique adoptée par de nombreux membres du personnel enseignant. Certains l’utilisent pour varier les modes d’évaluation ou pour permettre aux étudiantes et étudiants de partager une tâche de travail trop importante pour un seul individu. D’autres avoueront peut-être que c’est une façon de corriger moins de copies.

Cependant, si l’une de ces raisons – toutes valables! – motive notre choix, c’est que nous nous intéressons surtout au travail à produire. Cette emphase sur le résultat amène divers désagréments : les étudiants se plaignent souvent du coéquipier qui ne fait rien et qui «vogue» sur le travail des autres ou des conflits qui surgissent au sein des équipes. Comment faire alors pour éviter de tels écueils ou, tout au moins, les minimiser? Il s’agit de s’intéresser au processus du travail en équipe.

5 défis

Le travail d’équipe doit être structuré de façon à inciter les étudiantes et étudiants à la collaboration. Cinq défis se posent à l’enseignant qui prépare une activité pédagogique incluant un travail d’équipe.

  1. Pour s’assurer de la responsabilité individuelle de chacun des membres de l’équipe, il faut bien sûr tenir compte du rendement individuel de l’étudiant.
  2. En vue de favoriser la cohésion dans les équipes, on doit organiser l’activité afin de rendre les membres de l’équipe interdépendants.
  3. Avant même de composer les équipes, on aura à choisir une façon pertinente de former les équipes en fonction de la structure de l’activité.
  4. Afin de former au travail d’équipe, il faut déterminer des moyens pour enrichir les habiletés des étudiantes et étudiants au niveau de la collaboration.
  5. Au moment d’évaluer le travail d’équipe, il s’agit d’évaluer non seulement le produit mais aussi le processus.

Pour chacun de ces défis, on trouvera ci-dessous des pistes de solutions permettant aux enseignantes et enseignants de les surmonter.

1er défi

Tenir compte du rendement individuel de l’étudiant

  • Demander à chacun des étudiants d’une équipe de résumer l’activité ou de tirer des conclusions du travail de l’équipe.
  • Demander une réflexion personnelle sur le travail de l’équipe à chacun des étudiants.
  • Proposer une tâche complexe et déterminer à l’avance la contribution de chacun des étudiants.

2e défi

Organiser l’activité afin de rendre les membres de l’équipe interdépendants

  • Lier l’interdépendance aux résultats.

Par exemple, les étudiantes et étudiants pourraient avoir à faire chacun un travail individuel connexe ou une partie d’un projet. Une note individuelle est accordée à chaque étudiant et on y ajoute la moyenne des notes de toute l’équipe.

note individuelle de l’étudiant A+ moyenne de l’équipe= note finale de l’étudiant A
note individuelle de l’étudiant B+ moyenne de l’équipe= note finale de l’étudiant B
note individuelle de l’étudiant C+ moyenne de l’équipe= note finale de l’étudiant C
(A + B + C) / 3 = moyenne de l’équipe

Les étudiantes et étudiants ont donc intérêt à s’entraider s’ils veulent que la moyenne soit suffisamment élevée et qu’elle rehausse leur note individuelle ou tout au moins qu’elle ne la fasse pas baisser indûment.

  • Lier l’interdépendance aux moyens

Dans le cadre d’une activité en classe, on peut fournir à chaque étudiant d’une même équipe un article différent qui servira à trouver une solution à une mise en situation. Chacun doit donc lire son article et ensuite partager les éléments essentiels avec ses collègues. L’interdépendance est ici liée aux ressources.

S’il s’agit d’un travail plus long, on peut diviser la tâche de façon à ce que chaque membre ait clairement une tâche à accomplir dans le projet. Si on ajoute à cela la façon de noter explicitée au point précédent, on augmente l’incitation à la collaboration.

L’organisation du milieu physique peut également être un incitatif à la collaboration, si elle facilite le travail en équipe. Déjà, des tables mobiles conviennent davantage au travail d’équipe que les tables fixes et étagées de certaines salles de classe.

  • Lier l’interdépendance aux relations interpersonnelles

Il s’agit ici de créer une  identité très forte pour chacune des équipes. Par exemple, lorsqu’on crée une compétition entre les étudiants d’une faculté de l’Université de Sherbrooke et leurs vis-à-vis de l’Université X, on renforce l’interdépendance entre les membres de l’équipe de Sherbrooke. On peut reproduire ce modèle à l’échelle de la classe.

3e défi

Choisir une façon pertinente de former les équipes en fonction de la structure de l’activité

La plupart du temps, le personnel enseignant laisse les étudiantes et étudiants libres de former des équipes à leur convenance. Certes, cela évite les reproches des étudiants mais amène aussi son lot de problèmes. L’étudiant étranger ou plus âgé se retrouvera souvent laissé pour compte et lorsqu’il sera intégré à une équipe, cela générera peut-être certains conflits.

Pourquoi ne pas choisir au hasard les équipes et y associer quelques éléments de formation sur le travail en équipe? Ou encore, le professeur pourra décider de former les équipes en fonction de certains paramètres.

Par exemple, dans une classe de droit de la santé où l’on retrouve des médecins, infirmières et juristes, pourquoi ne pas s’assurer de former des équipes hétérogènes? Cette façon de faire évitera également la formation de «cliques» d’où peuvent émerger des leaders négatifs qui nuiront à la bonne marche du cours.

4e défi

Déterminer des moyens pour enrichir les habiletés des étudiants au niveau de la collaboration

Quelques programmes ont déjà prévu dans leur structure un cours ou un atelier dédié au développement d’habiletés de collaboration chez les étudiantes et étudiants. Si cette initiative est tout à fait louable, il incombe néanmoins à chaque enseignant de s’assurer que les étudiants aient développé suffisamment d’habiletés pour travailler au sein d’une équipe.

Certains diront que les étudiants, ayant souvent dû collaborer avec des pairs au cours de leur parcours scolaire, devraient être en mesure de travailler en équipe sans plus de formation. Qu’en est-il des membres du personnel enseignant qui ont travaillé dans de nombreuses équipes? Sont-ils pour autant passés maîtres dans l’art de la collaboration? Nous vous laissons en juger.

L’enseignante ou l’enseignant peut se limiter à donner quelques consignes pertinentes ou encore à intégrer une activité préparatoire au travail collaboratif à l’intérieur du cours. Il peut s’agir tout simplement d’une activité où l’on demande aux étudiants de réfléchir aux problèmes qu’ils ont déjà rencontrés en travaillant en équipe et de les accompagner pour trouver une solution à ce genre de problème.

Il ne faut pas non plus perdre de vue les nombreuses habiletés qu’un individu doit développer pour travailler en équipe. En voici quelques-unes :

  • des habiletés interpersonnelles : écoute, communication positive, contact visuel;
  • des habiletés d’organisation : organiser le travail, gérer la rencontre;
  • des habiletés d’investigation : clarifier, critiquer, obtenir différents points de vue;
  • des habiletés de gestion des conflits : prévention, résolution, médiation;
  • des habiletés de présentation : résumer, synthétiser, préparer du matériel de présentation.

5e défi

Évaluer non seulement le produit mais aussi le processus

Il faut distinguer deux types d’évaluation dans une situation de travail d’équipe : l’évaluation du produit et l’évaluation du processus. Habituellement, l’évaluation du produit résultant d’un travail d’équipe ne pose pas de problème. La difficulté survient plutôt lorsqu’il s’agit d’évaluer la contribution individuelle des étudiants au produit final. La façon de structurer et de noter le travail décrite dans la section «2e défi» de cet article pourrait être une solution efficace.

Une autre solution serait de bien délimiter un produit final individuel connexe au produit final de groupe. Ainsi, une synthèse ou une réflexion personnelle pourrait fournir l’occasion à l’étudiant de démontrer ses habiletés personnelles.

Par ailleurs, si le développement de compétences liées à la collaboration fait partie des objectifs du cours, alors il faudra s’attarder à l’évaluation du processus de collaboration. Pour ce faire, l’enseignant peut demander à l’étudiant de s’autoévaluer et il peut aussi demander à chaque membre d’une équipe d’évaluer ses pairs.

Vous trouverez à cette adresse une série de documents utiles pour organiser et évaluer le travail d’équipe. Il s’agit de documents utilisés par un professeur de l’Université du Québec à Montréal. Ces documents pourront vous inspirer afin de construire votre propre grille d’évaluation du processus de collaboration au sein des équipes.

Voilà donc quelques idées qui vous permettront sans doute d’améliorer le déroulement des activités de groupe dans le cadre de vos cours. Il s’agit avant tout de porter une attention accrue au processus du travail collaboratif sans pour autant négliger le produit final.

Le temps dédié à la préparation de l’activité sera en partie récupéré, car un encadrement plus cohérent diminuera les interventions du professeur auprès des équipes pour régler des conflits et des difficultés de toutes sortes. De plus, le niveau de satisfaction des étudiants augmentera alors que les relations entre le formateur et ses étudiants, ainsi qu’entre les étudiants coéquipiers, seront beaucoup plus harmonieuses.

Références

Alaoui, Aïcha, Thérèse Laferrière et Danièle Meloche, Le travail en équipe, Faculté d’éducation, Université Laval, septembre 1996.

Bruère, Sébastien, «Contrat d’autoévaluation des équipes de travail », Université du Québec à Montréal, 2021-2022 [version précédente Saint-Amant, Gilles (2001)].

Center for Teaching and Learning, «Cooperative Learning: Students working in small groups», Speaking of Teaching, Winter 1999, Stanford University.

Duchesne, Geneviève, «Expérimenter le travail d’équipe : les clés de la réussite», Pédagogie collégiale, vol. 21 no 4, été 2008.

Information Technology Services, site Building Blocks for Teams, Pennsylvania State University, 2001-2007.

Information Technology Services, «Checklist for Evaluating Collaborative Learning», site iStudy for Success, Pennsylvania State University, 2004.

Eberly Center for Teaching Excellence and Office of Technology for Education, «Group Projects aren’t working», site Enhancing Education, Carnegie Mellon University [page consultée le 18 mars 2011].

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