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Revenir à l’essentiel : exemples, pratique et rétroaction

Le domaine de l’éducation foisonne de nouveautés pédagogiques diverses que certains s’empressent d’appliquer à leur classe. Toutefois, rien ne sert d’utiliser une nouvelle formule pédagogique si on n’a pas d’abord intégré à notre enseignement des pratiques favorables à l’apprentissage de nos étudiantes et étudiants.

Dans un article qui s’intitule «Teaching to what students have in common», Willingham et Daniel (2012), deux psychologues, proposent aux enseignants de se concentrer d’abord sur l’application de pratiques qui permettront un apprentissage qui tiendra compte des caractéristiques cognitives communes des étudiantes et étudiants. Les trois pratiques proposées sont les suivantes : l’apprentissage de données factuelles, la pratique des savoir-faire et une rétroaction régulière de l’enseignant.

À première vue, la plupart des professeurs diront que c’est tout à fait ce qu’ils font. Mais est-ce vraiment le cas?

L’apprentissage de données factuelles

Willingham (hiver 2002) fait la distinction entre trois types de connaissances : le «par cœur» (rote learning), les connaissances rigides et les connaissances flexibles.

  • Le «par cœur», c’est ce qu’on apprend au son, sans comprendre le sens de ce qu’on répète.
  • Les connaissances rigides (inflexible en anglais) sont les connaissances que l’on comprend dans un contexte donné, mais qu’on est incapable de transférer à un autre contexte. Elles font partie d’un processus normal d’apprentissage et sont un préalable à une maîtrise plus avancée des savoirs et savoir-faire. Les connaissances rigides sont superficielles.
  • Les connaissances deviennent flexibles lorsqu’on peut les utiliser en dehors du contexte dans lequel elles ont été apprises. L’étudiant les a donc intégrées plus en profondeur et il est capable de faire le transfert.

Bien entendu, le «par cœur» n’est absolument pas à encourager. Cependant, il existe un long parcours d’apprentissage entre le «par cœur» et l’expertise, notamment l’évolution des connaissances rigides en connaissances flexibles. L’enseignant a tout intérêt à comprendre l’évolution des niveaux de connaissances afin de moduler son cours en fonction de ce phénomène.

Certains professeurs évitent les exemples, car ils trouvent que les étudiantes et étudiants restent collés à l’exemple. C’est normal, ceux-ci sont dans une phase où leurs connaissances sont rigides. Il faut donc au contraire multiplier le nombre d’exemples pour leur permettre de les comparer, de les analyser et d’en venir à plus de flexibilité dans l’application de leurs connaissances.

La pratique des savoir-faire

Et pour que les connaissances deviennent flexibles, il faut les réinvestir en pratiquant les savoir-faire qui leur sont associés. Si on ne les met pas en pratique, les connaissances demeureront superficielles. Si on veut que les connaissances se développent plus en profondeur, il faut permettre aux étudiants de mettre en pratique ces connaissances dans divers contextes. Willingham ajoute à cet effet :

«What turns the inflexible knowledge of a beginning student into the flexible knowledge of an expert seems to be a lot more knowledge, more examples and more practice.» (Willingham, hiver 2002)

Comme certains savoir-faire doivent devenir automatiques, les connaissances qui leur sont associées doivent se développer en profondeur. Ce n’est qu’en pratiquant les connaissances et les savoir-faire de façon récursive tout au long d’un cours et d’un programme que l’on peut développer ces automatismes (Willingham, été 2002).

La rétroaction régulière de l’enseignant

Ce réinvestissement des connaissances à l’intérieur de savoir-faire qui font l’objet d’une pratique soutenue doit être encadré par une rétroaction régulière fournie par l’enseignant. L’étudiant ne doit pas seulement savoir qu’il n’a pas bien fait, mais il doit aussi savoir comment faire mieux, et cela ne peut provenir que d’une source bien informée comme l’enseignant. Plus la rétroaction est immédiate, plus elle est efficace. Cette rétroaction peut se faire de façon spontanée, mais elle peut aussi être prévue dans la planification du cours.

Que peut faire l’enseignant pour tenir compte des caractéristiques cognitives des étudiants?

  • Utiliser beaucoup d’exemples provenant de contextes variés.
  • Adopter une approche en «spirale» en s’assurant de réinvestir les connaissances essentielles à différents moments de la session.
  • Offrir de nombreuses occasions de pratique aux étudiantes et étudiants afin de rendre les connaissances de plus en plus flexibles.
  • Intégrer à ses cours des moments dédiés à la rétroaction sur la performance des étudiants.

Quel que soit le moyen d’enseignement ou la formule pédagogique que vous désirez introduire dans votre classe, l’application de ces principes est toujours pertinente.

Inutile, donc, de s’impatienter devant l’incapacité des étudiantes et étudiants à transférer leurs apprentissages à d’autres contextes. Offrez-leur plutôt de nombreux moments de pratique et une rétroaction pertinente!

Sources

Willingham, Daniel T., «Inflexible Knowledge: The First Step to Expertise», Ask the Cognitive Scientist ‒ American Educator, hiver 2002.

Willigham, Daniel T., «Allocating Student Study Time: “Massed” versus “Distributed” Practice», Ask the Cognitive Scientist ‒ American Educator, été 2002.

Willingham, Daniel et David Daniel, «Teaching to what students have in common», Educational Leadership, février 2012, vol. 69, n o 5, p. 16-21.

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