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Le soutien à l’apprentissage en formation à distance (2 partie)

Le soutien à l’apprentissage à distance s’appuie sur divers principes et concepts présentés dans un article précédent. Plusieurs approches sont possibles pour appliquer ces principes et en tirer des mesures concrètes de soutien. Nous vous proposons ici une démarche pour planifier vos propres moyens de soutien à l’échelle programme et à l’échelle cours, moyens qui devraient en principe être déterminés de concert.

On gagne énormément à travailler en équipe-programme avec le soutien de spécialistes (conseiller technopédagogique, spécialiste en multimédia, etc.) lorsqu’on élabore un tel système de soutien. On peut même se poser la question suivante : un système de soutien à l’apprentissage à distance qui n’est pas intégré à l’échelle du programme en est-il vraiment un?

Une démarche d’ingénierie pédagogique à l’échelle du programme

Tout projet de formation gagne à être créé avec une démarche systématique d’ingénierie pédagogique. C’est encore plus important en formation à distance, où la détection des problèmes et la mise en place de solutions demandent beaucoup plus de ressources qu’en présentiel. D’où l’importance d’anticiper et de prévenir les problèmes.

La prévention se décline en trois temps (Audet, 2008) :

1. la prévention primaire : on cherche à empêcher les difficultés avant même qu’elles ne se manifestent

2. la prévention secondaire : on identifie les étudiants à risque et on fait des interventions personnalisées

3. la prévention tertiaire : on intervient auprès des étudiants en situation d’échec ou d’abandon

Le soutien à l’apprentissage à distance devrait être considéré comme une dimension à part entière du projet de formation, et donc être intégré à l’ingénierie pédagogique globale du programme.Une approche classique de l’ingénierie pédagogique repose sur la réalisation du projet en cinq étapes : l’analyse du contexte de formation, le design d’une solution de formation, le développement de la solution et du matériel nécessaire, son implantation (sa diffusion) et finalement son évaluation. On désigne cette démarche par son acronyme ADDIE (en français comme en anglais). De nos jours, on considère ces étapes non pas comme un processus linéaire mais plutôt comme un processus itératif.

ADDIE : analyse, design, développement, implantation, évaluation

Comme nous nous intéressons ici à la planification du soutien, nous nous concentrerons sur les deux premières étapes, surtout la deuxième. Mentionnons tout de même que l’évaluation des mesures de soutien (étape 5) est extrêmement importante pour s’assurer que le système atteint ses objectifs. L’évaluation des moyens mis en place, elle-même systématisée, devrait se faire en continu.

L’analyse

Pour ce qui est du soutien à l’apprentissage à distance, l’analyse devrait s’intéresser aux aspects suivants :

Quel est le profil des étudiants à l’entrée dans le programme?

  • Au-delà des questions d’antécédents académiques et de connaissances disciplinaires, on doit aussi s’intéresser aux motifs qui les amènent au programme, à leur expérience précédente en formation à distance, à leur degré de compétence numérique, à leur accès aux technologies (ex. accès limité à
  • Internet haute vitesse dans certaines régions) et à toute autre question pouvant avoir un impact sur leur aisance à réussir le programme.

Quel est le profil des intervenants du programme?

  • Quelle est leur expérience de la formation à distance? Ont-ils besoin de formation pour bien jouer leur rôle dans le contexte de la distance?

Quel est le besoin de formation?

  • En fonction du besoin de formation, des besoins de soutien spécifiques peuvent émerger. Par exemple, si un logiciel spécialisé propre au domaine est au cœur de la formation, du soutien technique devra être prévu en lien avec ce logiciel.

Quelles sont les ressources disponibles dans l’institution pour répondre à divers besoins de soutien? Sont-elles disponibles à distance? Et celles du programme?

  • On doit penser ici aux ressources offertes à tous les étudiants en général, tels que les services de bibliothèque, de vie étudiante, de psychologie et orientation, de soutien administratif, etc. Les ressources et services facultaires et départementaux, le cas échéant, sont ici considérés comme étant institutionnels, puisqu’ils sont « au-dessus » du programme.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle devrait vous diriger dans la bonne direction. Une bonne analyse doit permettre d’anticiper, au meilleur des connaissances disponibles, les besoins de soutien à l’apprentissage des étudiantes et étudiants à distance. Certains de ces besoins seront généraux et donc communs à plusieurs programmes, voire à tous les programmes, alors que d’autres seront réellement spécifiques au programme.

Le design

C’est l’étape où l’on détermine quelles seront les mesures de soutien, quels seront leurs devis, et où on en fait la conception. On doit constamment se référer à notre analyse pour s’assurer de l’adéquation des décisions prises à cette étape. On peut aussi constater pendant cette étape que pour certains besoins ou pour certaines mesures, il nous faut obtenir davantage d’information ou pousser plus loin notre analyse avant de poursuivre.

Divers types d’activité

On compte trois types d’activités de soutien à l’apprentissage, et des activités d’encadrement, ces dernières visant la prise en charge autonome de sa formation par l’étudiant. Pour atteindre son plein potentiel, l’ensemble des activités devrait considérer les quatre plans de soutien.

Les types d’activités de soutien à l’apprentissage sont les suivants :

  • Activités d’apprentissage : Toute activité réalisée par l’apprenant dans un but d’apprentissage est une activité d’apprentissage. L’apprentissage peut cependant porter sur n’importe lequel des quatre plans de soutien. Par exemple, apprendre des stratégies d’autorégulation de sa démarche d’apprentissage passe par le plan cognitif pour avoir des répercussions sur le plan métacognitif et éventuellement des impacts positifs sur les plans socioaffectif et motivationnel.
  • Activités avec les pairs : Elles vont au-delà de contribuer à rompre l’isolement relatif des apprenants à distance. Si certains apprentissages sont simplement facilités par les contacts sociaux (Deschênes et Lebel 1994), d’autres en dépendraient carrément. Les activités avec les pairs permettent des apprentissages intrinsèques à la dimension sociale de l’apprentissage, comme apprendre à travailler efficacement en équipe, par exemple. Outre les apprentissages directs, les pairs peuvent aussi remplir entre eux des fonctions de soutien cognitif, métacognitif, socioaffectif et motivationnel qui peuvent compléter ceux offerts par l’institution.
  • Activités de tutorat : Les activités de tutorat reposent essentiellement sur la communication entre le tuteur et l’apprenant pour répondre à un besoin de ce dernier. Du tutorat entre pairs est aussi possible. Le besoin peut avoir été exprimé par l’apprenant ou détecté par le tuteur. Les interventions peuvent s’adresser à un groupe ou à un individu.

Les interventions de tutorat peuvent être proactives, donc planifiées d’avance dans le déroulement de l’activité pour se produire à certaines étapes (ex. activité de démarrage et de prise de contact, message hebdomadaire au groupe, etc.); ou réactives, donc amorcées par le tuteur lorsqu’il le juge à propos pour répondre à un besoin perçu pendant le déroulement du cours (ex. courriel à un étudiant qui semble en difficulté pour lui offrir un soutien personnalisé ou le référer à d’autres ressources). Il faut combiner et doser judicieusement les deux types d’intervention selon le contexte (Decamps et coll., 2009).

Que doit inclure un système de soutien à l’apprentissage?

Un bon système de soutien à l’apprentissage à distance devrait intégrer des mesures variées, qui peuvent répondre autant que possible à la diversité des besoins et des profils étudiants. Évidemment, les ressources n’étant pas illimitées, on doit quand même faire certains choix.

Un bon système de soutien à l’apprentissage à distance devrait intégrer des mesures variées, qui peuvent répondre autant que possible à la diversité des besoins et des prols étudiants

Une bonne façon de s’assurer de bien couvrir cet ensemble de situations est de bâtir un tableau où, pour chaque besoin identifié à l’analyse, on envisage plusieurs mesures de soutien possibles, en spécifiant comment chaque mesure répond aux divers aspects du soutien. Une mesure donnée peut répondre à plusieurs besoins et couvrir plusieurs aspects du soutien. Pour s’assurer de bien répondre aux besoins, mieux vaut identifier de nombreuses mesures et choisir ensuite celles que l’on implantera que de se limiter dès l’idéation.

En termes de combinaisons, on cherche à avoir des mesures individuelles et d’autres collectives, des mesures proactives et d’autres réactives. Les mesures s’incarnent dans des types d’activités variés : activités d’apprentissage, activités d’encadrement, activités de tutorat, activités avec les pairs. L’ensemble des mesures liées à un même besoin devrait idéalement couvrir chacun des plans de soutien, chacun des niveaux organisationnels, chacun des niveaux de prévention. On y spécifie aussi les intervenants impliqués dans la création de ces mesures et ceux qui offriront le service.

Voyez deux exemples de tels tableaux ci-dessous (cliquez sur le lien) :

Tableau 1

Besoin : s’approprier l’environnement numérique d’apprentissage

Vous aurez remarqué que toutes ces mesures permettent de couvrir plus d’un plan de soutien. Cela dépend de la façon dont on entend implanter ces mesures. Par exemple, dans le cas de la capsule vidéo de présentation du site Moodle et du cours, on aurait très bien pu ne mentionner que le plan cognitif et produire une capsule informative très simple. Mais dans notre exemple, on pense plutôt à une capsule qui va aussi conseiller brièvement les étudiants sur de bonnes stratégies d’apprentissage pour ce cours, les renseigner sur les ressources qui les aideront à s’autoréguler (métacognitif) et à affronter d’éventuelles difficultés. Ce faisant, on cherche aussi à diminuer l’anxiété de certains étudiants (soutien socioaffectif) et on agit aussi en en prévention primaire pour favoriser leur motivation et leur persévérance.

Voici un deuxième exemple pour le besoin soutenir la motivation et l’engagement des étudiants tout au long du cours (cliquez sur le lien) :

Tableau 2

Besoin : soutenir la motivation et l’engagement des étudiants tout au long du cours

Une fois que les besoins ont tous été identifiés et que les mesures ont été choisies, chacune d’entre elles devrait faire l’objet de sa propre documentation pour déterminer les détails de son implantation (modalités précises, ressources, formation des intervenants, échéanciers, etc.).

Il peut arriver que la réflexion sur les détails de chaque mesure nous ramène à préciser notre analyse ou à remettre en question certains choix. Ce genre d’aller-retour est tout à fait normal dans la vision itérative du processus ADDIE. Il contribue à améliorer le système de soutien en se donnant la liberté de s’adapter aux nouvelles informations et aux prises de conscience qui arrivent plus tard dans le processus.

Conclusion

Ce court article est plus une introduction qu’une ressource complète en soi. Par souci de concision, nous avons dû choisir de laisser de côté d’autres façons d’aborder le soutien à l’apprentissage à distance. Pour les personnes qui veulent s’investir dans le soutien à l’apprentissage à distance, les documents mentionnés dans les sources de cet article permettront d’approfondir le sujet.

Bien que le domaine du soutien à l’apprentissage à distance se soit développé autour des défis particuliers de la formation à distance, ces bonnes pratiques peuvent fort bien être appliquées à la formation présentielle.

Références

Audet, Lucie (2008), « Recherche sur les facteurs qui influencent la persévérance et la réussite scolaire en formation à distance », Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada.

Contact North (sans date a), How to build effective online learner support services.

Contact North (sans date b), Resources to Build Effective Online Learner Support Services.

Decamps, Sandrine, Depover, Christian, et De Lièvre, Bruno (2009, juin, 5-7 juin 2009), « Moduler l’encadrement tutoral dans la scénarisation d’activités à distance », Actes du colloque Epal 2009 (Échanger pour apprendre en ligne : conception, instrumentation, interactions, multimodalité), Université Stendhal‒Grenoble 3. Grenoble, France.

Deschênes, André-Jacques, et Lebel, Céline (1994), « La conception du support à l’apprentissage dans les activités de formation à distance », dans André-Jacques Deschênes et C. Lebel (éd.), Introduction à la formation à distance (EDU 1600) (p. 3-43), Sainte-Foy, TÉLUQ.

Learn on line (sans date), « Le tutorat en formation à distance », Learn on line, le portail de la formation à distance en Belgique.

Loisier, Jean (2010), « Mémoire sur l’encadrement des étudiant(e)s dans les formations en ligne offertes aux différents niveaux d’enseignement », Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada.

Loisier, Jean (2013), « Mémoire sur les services offerts aux étudiants en FAD au Canada francophone », Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada.

Nobis, Pierre (2012, 2012-09-10), « Favoriser la motivation des élèves : conseils d’expert », Thot- Cursus.

Rodet, Jacques (2010), « Propositions pour l’ingénierie tutorale », Tutorales, n o 7, p. 6-21.

Rodet, Jacques, et Gounon, Patricia (2010), « Entretien avec Patricia Gounon », Tutorales, n o 7, p. 22- 25.

Wikipédia (sans date), Ingénierie pédagogique.

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