On surveille pour vous

La maker culture : apprendre en bricolant, version 2014

Quels liens peut-on tracer entre la multiplication des imprimantes 3D, les hackathons, la participation à Wikipédia, les vidéos étudiantes, de nouveaux espaces d’expérimentation en bibliothèque? Ils font tous partie de ce qu’il est de plus en plus convenu d’appeler la maker culture (ou le maker movement), soit la tendance à vouloir utiliser des outils – numériques ou non – pour apprendre par la réalisation de projets concrets.

«”A shift is taking place in the focus of pedagogical practice on university campuses all over the world as students across a wide variety of disciplines are learning by making and creating rather than form the simple consumption of content,” the authors of the report wrote. “Creativity, as illustrated by the growth of user-generated videos, maker communities, and crowd-funded projects in the past couple years, is increasingly the means for active, hands-on learning.” (Horizon Report, cité dans New, 2014)

La firme Gartner estime que les ventes d’imprimantes 3D vont augmenter de 75 % l’an prochain et de 100 % l’année suivante. Toujours dans le Horizon Report :

«As 3D printing gains traction in higher education, universities are beginning to create dedicated spaces to nurture creativity and stimulate intellectual inquiry around this emerging technology.»

Dans plusieurs institutions universitaires américaines, on assiste à l’avènement de makerspaces, des espaces dotés d’imprimantes 3D et d’outils pour le travail du plastique ou du bois. On mentionne notamment les bibliothèques des universités North Carolina State, Michigan et Victoria.

Une cinquantaine de ces lieux sont apparus un peu partout en France depuis 2010, certains en milieu universitaire. Aux États-Unis, il y en aurait une quarantaine. La Fabrique, un projet coopératif sherbrookois, est en démarrage, mené notamment par des étudiants de l’UdeS. L’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM vient de se doter d’une imprimante 3D (Martin, 2014), alors que l’Université d’Ottawa inaugurait en avril le Centre Brunsfield, apparemment inspiré des makerspaces :

«… Les installations de pointe du Centre offrent aux étudiants de génie l’espace, les outils et l’équipement nécessaires à la conception, la fabrication et l’essai de prototypes complexes tels que des automobiles à faible consommation de carburant, des avions autonomes, des hélicoptères et des sous-marins. Ce type d’apprentissage expérimental sert à inspirer les futurs ingénieurs et les entrepreneurs en herbe, tout en leur permettant de se préparer pour des concours de niveau préprofessionnel.» (Université d’Ottawa, 2014)

Évidemment, en imaginant de tels ateliers, on pense tout de suite aux projets réalisés par les étudiants en génie. La tendance touche pourtant la plupart des disciplines :

«University departments in areas that have not traditionally had lab or hands-on components are shifting to incorporate hands-on learning experiences as an integral part of the curriculum. Courses and degree plans across all disciplines at institutions are in the process of changing to reflect the importance of media creation, design, and entrepreneurship.» (Horizon Report, cité dans New, 2014)

Une université britannique qui offre un programme d’autoédition, Berkeley qui enseigne comment collaborer à Wikipédia, des enseignants qui laissent leurs étudiantes et étudiants concevoir des capsules vidéo de formation :

«I think that screencasting is most powerful when it is used as a student creation tool. Screencasts take a typical presentation a step further by requiring higher order thinking skills; not only do students create the presentation, but they also have to explain their thinking.» (Lewis, 2014)

La journaliste Audrey Watters (qui collabore notamment au Inside Higher Ed) croit beaucoup au potentiel de ce type de projets pratiques, qu’ils soient virtuels ou réels, dans tous les domaines :

«Makerspaces give students ‒ all students ‒ an opportunity for hands-on experimentation, prototyping, problem-solving, and design thinking. [notre hyperlien]

By letting students make ‒ whether they’re digital artifacts or physical artifacts ‒ we can support them in gaining these critical skills. By making a pinball machine for a physics class, for example. Making paper or binding a book for a literature class. Building an app for a political science class. 3D modeling for an archeology class. 3D printing for a nursing class. Blacksmithing for history class. The possibilities for projects are endless.» (Watters, 2013)

Mais à quel point ce bricolage permet-il d’apprendre? Le blogueur Rafi Santo, doctorant en sciences de l’apprentissage, convient que ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air :

«… [T]he best maker-driven learning is never just about the making. It’s about all the things that happen around the making. That initial spark of curiosity, the investigation and early tinkering, the planning and research that follow, the inspirations and appropriations from other projects, the prototypes, the failures, the feedback, and, perhaps most importantly, the iterations upon iterations towards a better make. All of these acts are done in and contingent on well configuredsocial contexts, in communities of practice and affinity spaces.» (Santo, 2013)

Plusieurs observateurs constatent que les rapports entre enseignants et étudiants dans les makerspaces tiennent davantage d’une certaine «pédagogie de la collégialité» que nous décrivions dans un article en 2010. C’est ce que Brian Matthews (2014) a pu constater lorsqu’il a visité un hackathon : «… Others will tell you what they’ve learned, what worked and what didn’t. This is helpful and isn’t something you typically learn in school…», lui a expliqué un participant.

À terme, l’objectif est de rendre les étudiantes et étudiants plus actifs dans leurs apprentissages, d’en faire des producteurs plutôt que des consommateurs, compte tenu des outils à leur disposition : «Selon [le
consultant George Couros] la technologie ne devrait pas servir [seulement] à augmenter l’engagement et consultant George Couros], la technologie ne devrait pas servir [seulement] à augmenter l engagement et la motivation, mais plutôt le pouvoir que les élèves ont de faire une différence. (Wart, 2014)

C’est aussi l’opinion d’Audrey Watters :

«And most importantly here, these technologies are in the hands of the learner. Makerspaces mean that students are not the objects of technology, they’re the subjects. They have agency in a makerspace. They are not the consumers of technology, they are creators. They are makers and builders and thinkers.» (Watters, 2013)

Sources

«Maker Culture», entrée Wikipedia (en anglais seulement), mise à jour le 2 février 2014 [consultée le 14 février 2014].

«Les 10 tendances phares de SXSW 2014 par JWT», Viuz, 21 mars 2014.

Lancement du Concours vidéo des établissements de l’Université du Québec, Direction des communications, Université du Québec, 12 février 2014.

Couros, George, «The Myths of Technology Series – “Technology equals engagement”», The Principal of Change, 2 avril 2014.

Dauphinais-Pelletier, Camille, «La Fabrique en construction», La Tribune, 22 avril 2014.

De Queiroz, Julie-Anne, «Écrire pour Wikipédia, ça s’apprend maintenant à la fac», Figaro.fr, 21 mars 2014.

Georges, Benoît et Nicolas Reaultne, «Cinq innovations qui annoncent l’Internet du futur, Les Échos, 24 mars 2014.

L’entreprise avec AFP, «Les Fab Labs, l’avenir de l’innovation», L’express, 18 octobre 2013.

Lewis, Kate, «The teacher’s guide to using screencasts in the classroom», Edudemic, 9 mars 2014.

Martin, Valérie, «Imprimer des… objets», Actualités UQAM, 28 mars 2014.

Mathews, Brian, «Are Hackathons The Classrooms Of Tomorrow? My journey to the frontier of education», The Chronicle of Higher Education, 28 avril 2014.

New, Jake, «College students shifting from consumers to creators», eCampus News, 3 février 2014.

Parr, Chris, «4. Shift from students as consumers to students as creators ‒ Six trends that will accelerate the adoption of technology in higher education», Times Higher Education, 7 février 2014.

Santo, Rafi, «Is Making Learning? Considerations as education embraces the Maker Movement», Empathetics: Integral Life, 12 février 2013.

Sutton, Elizabeth, Ebook : une université va donner des cours d’autoédition, IDBOOX, 11 février 2014.

Université d’Ottawa, Avis aux médias : Le Centre Brunsfield, un terrain de jeu pour l’expérimentation et l’apprentissage des étudiants en génie (communiqué de presse), 7 avril 2014.

Wart, Sébastien, «L’engagement et le mythe technologique en classe», Infobourg, 4 avril 2014.

Watters  Audrey «Top Ed Tech Trends of 2012: The Maker Movement» Hack (Higher) Education

Watters, Audrey, «Top Ed-Tech Trends of 2012: The Maker Movement», Hack (Higher) Education – Inside Higher Ed, 13 décembre 2012.

Watters, Audrey, «The Case for a Campus Makerspace», Hack Education, 6 février 2013.

Articles Similaires

L’image s’invite dans les résumés scientifiques (abstracts)

Sonia Morin

Les tendances 2013 en enseignement supérieur

Perspectives SSF

Parlerez-vous « dégenré » dans votre classe cette année?

Véronique Bisaillon

Ajouter un commentaire