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Minerva Project : formation d’élite internationale et numérique

L’homme d’affaires Ben Nelson a réuni 70 M$ US en capital de risque pour démarrer Minerva Project, une institution privée à but lucratif qui offre de la formation supérieure pour élite comprenant des déplacements annuels à l’échelle internationale. Une première cohorte «expérimentale» d’une trentaine d’étudiants vient de démarrer. Si l’expérience est concluante, on voudrait recruter 200 étudiants l’année suivante, puis doubler ce nombre chaque année par la suite. Dans le paysage universitaire américain, Minerva fait un peu figure d’OVNI : absence de locaux, utilisation d’Internet pour l’autoformation des étudiantes et étudiants, absence d’enseignement disciplinaire, années passées à l’étranger avec des séminaires en ligne… S’agit-il d’un modèle viable d’institution supérieure pour former les leaders du futur?

Le modèle d’affaires

À terme, les principaux clients de Minerva ne seront pas des Américains : «Wealthy and well-to-do parents in China and India are desperate to send their children to American-style schools. But elite U.S. institutions aren’t expanding their class sizes to accommodate all of those well-schooled, multilingual international students.» (Weissmann, 2014) Un journaliste fait remarquer que Minerva court relativement peu de risque puisque l’essentiel de ses étudiants sont des autodidactes qui réussiraient leurs études n’importe où.

L’entreprise peut offrir de la formation attrayante à coût relativement bas puisqu’elle ne dispose que de peu d’installations physiques et n’entretient pas de corps professoral régulier. «Minerva will maintain almost no facilities other than the dorm itself—no library, no dining hall, no gym—and students will use city parks and recreation centers, as well as other local cultural resources, for their extracurricular activities.» (Wood, 2014)

Les enseignants sous contrat peuvent demeurer partout sur la planète, du moment qu’ils ont accès à une connexion Internet. Notons qu’ils conservent la propriété intellectuelle de ce qu’ils enseignent. «Can a school that has no faculty offices, research labs, community spaces for students, or professors paid to do scholarly work still be called a university?» (Wood, 2014)

Coût : entre 10 000 $ et 28 000 $ par an, soit le quart de ce que des institutions équivalentes dans le marché d’élite aux États-Unis demandent. L’accréditation des diplômes fonctionne par accord avec d’autres institutions pour équivalences.

Les fondements pédagogiques

Stephen Kosslyn, ancien directeur du Center for Advanced Study in Behavioral Sciences à Stanford et ancien doyen des sciences sociales à Harvard, a développé la vision de l’enseignement à la base de Minerva. Elle serait basée sur des données probantes en apprentissage :

  • rejet complet de la leçon magistrale perçue comme «pedagogically unsound» (Wood, 2014);
  • les apprenants doivent aller chercher les notions de base par eux-mêmes sur Internet (via des MOOC, des vidéos sur YouTube ou autres);
  • enseignement donné uniquement par séminaires en ligne pour échanges entre étudiants et professeur;
  • maximum de 19 étudiants par «classe» virtuelle;
  • les «bonnes pratiques» basées sur les sciences cognitives sont intégrées à la plateforme de cours propriétaire de Minerva.

Le curriculum

Puisque tous les cours sont donnés en ligne, l’emplacement physique des étudiantes et étudiants a peu d’importance.

  • Première année : tous vivent en résidence à San Francisco, alors qu’ils développent 129 «réflexes intellectuels» (habits of mind).
  • La cohorte est divisée en deux groupes qui se déplacent de ville en ville à chaque année subséquente :
    • An 2 (direction) – Buenos Aires et Berlin : Choix d’un domaine de spécialité : B.A. ou B.Sc. en sciences naturelles, sciences informatiques, sciences sociales, arts et sciences humaines; administration
    • An 3 (focus) – Hong Kong et Mumbai : Conception d’un projet «“intended to be a bridge from college to the real world,” says Dr. Kosslyn.”» (Lapowsky, 2014)
    • An 4 (synthèse) – Londres et New York
  • Tous les cours sont interdisciplinaires, mais ne présentent pas de fondamentaux : «…[I]n a world where information is never more than a click away, what matters most is not what you know off the top of your head, but how you analyze and interpret everything you learn.» (Lapowsky, 2014)

Une formation qui tient compte de l’accessibilité de l’information?

Le principal intérêt de ce nouveau joueur en formation supérieure est qu’il tente de prendre acte de l’abondance d’information gratuite de qualité désormais disponible sur Internet. Minerva pose la question suivante : les universités doivent-elles absolument produire de nouveaux contenus? Ne pourraient-elles pas enseigner à partir des contenus disponibles sur le Web? Les MOOC sont-ils les manuels du
21 e siècle?

«”Minerva’s model, Nelson says, will flourish in part because it will exploit free online content, rather than trying to compete with it, as traditional universities do. […] We are a university, and a MOOC is a version of publishing,” Nelson explains. “The reason we can get away with the pedagogical model we have is because MOOCs exist. The MOOCs will eventually make lectures obsolete.”» (Wood, 2014)

Sources

Lapowsky, Issie, «This University Teaches You No Skills—Just a New Way to Think», Wired, 29 octobre 2014.

Rivard, Ry, «The Minerva Moment?», Inside Higher Ed, 5 avril 2013.

Walker, Tim, «Will The Minerva Project —the first ‘elite’ American university to be launched in a century — change the face of higher learning?», The Independant, 24 juillet 2014.

Weissmann, Jordan, «This For-Profit College Wants to Compete With the Ivies. And It’s a Brilliant Business Idea», Slate – The MoneyBox, 15 août 2014.

Wood, Graeme, «The Future of College?», The Atlantic, septembre 2014.

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