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Intégrer la vidéo à ses cours : par où commencer?

Avant d’intégrer la vidéo dans le cadre d’une formation, il importe de répondre à certaines questions fondamentales. Les réponses à ces questions orienteront les choix à faire et seront les garantes de la réussite de votre projet.

Les questions initiales

Quels objectifs voulez-vous atteindre avec la vidéo? Qu’est-ce que la vidéo apportera à votre cours ou à votre enseignement?

Les objectifs d’apprentissage liés à cette vidéo peuvent être très variés, mais détermineront le type d’usage et le genre de vidéo nécessaire. Ils indiqueront quels moyens seront requis et orienteront le choix de produire, de faire produire ou de rechercher une vidéo existante.

À qui s’adresse votre vidéo? Quel en est le public cible?

Comme on ne s’adresse pas de la même façon à un public d’étudiants qu’à un public d’experts, certaines caractéristiques de votre public cible détermineront le ton, la durée, le rythme du document vidéo à présenter ou à adopter.

Quel est le sujet traité et quel genre de vidéo voulez-vous produire?

Le sujet doit être le plus précis possible, de manière à bien en cerner le contenu. Il faudra également en définir le genre (démonstration technique, entrevue, simulation, documentaire, fiction, publicité, etc.).

Vers quel support ou média votre vidéo est-elle destinée?

Produire un DVD d’une heure ou une vidéocapture d’écran de trois minutes que vous voudrez mettre en ligne ne nécessiteront pas les mêmes ressources. Il importe de déterminer le mode de diffusion du produit final.

Avez-vous un délai à respecter pour la production de cette vidéo?

Trop souvent, pour les instigateurs d’un projet vidéo, le tournage apparaît comme la priorité à réaliser. Il faut cependant résister au désir de se lancer dans l’action sans préparation. Le temps accordé à la planification d’un projet vidéo est directement proportionnel au gain de temps fait en cours de production. L’idéal est donc de se réserver suffisamment de temps pour chaque étape de la production, planification y compris.

Vos options

Allez-vous réutiliser un document produit par quelqu’un d’autre? Faire produire les étudiants? Produire vous-même? Seul ou en équipe?

Utiliser une vidéo déjà existante

Une façon d’intégrer la vidéo dans un cours est de proposer un document vidéo propre à stimuler la discussion et à favoriser la réflexion autour d’un thème précis.

Hobbs (2006) encourage les enseignants à inclure des concepts et des activités permettant aux étudiantes et étudiants d’aborder les productions médiatiques de manière éclairée :

  • en intégrant des discussions préalables aux visionnements;
  • en favorisant la prise de notes dans une stratégie de «visionnement actif»;
  • en abordant des questions ouvertes de nature critique qui amènent les étudiants à analyser l’objectif du réalisateur, son point de vue, les façons de représenter (genre, race, etc.), les manières de développer des idées par le langage, l’image et le son…

Il peut s’agir de n’importe quel type de vidéo, l’essentiel étant que vous l’ayez vous-même sélectionné et ayez réfléchi aux réinvestissements possibles avec votre groupe.

Pour Snelson et Elison-Bowers (2009), l’utilisation de la vidéo en formation peut être l’occasion d’appliquer des principes de microdesign pédagogique. Compte tenu de la brièveté des vidéos disponibles sur le Web, il devient aisé d’y identifier certains messages que l’on souhaite transmettre aux étudiantes et étudiants en lien avec notre intention pédagogique. Ensuite, on associe chaque message à un ou plusieurs de nos objectifs pédagogiques. Cela permet de scénariser l’ordre dans lequel on veut présenter les vidéos portant ces messages.

Étant donné la diversité d’origines des vidéos disponibles sur le Web, Snelson (2008) convient qu’il est légitime de se préoccuper de la qualité et de la pertinence des contenus. La qualité technique des documents trouvés sera aussi très variable. Par conséquent, Snelson évoque l’éventualité d’abonnement à des services d’accès payants. Il reste que de nombreuses banques de ressources thématiques ou pédagogiques gratuites sont accessibles, rendant disponibles une multitude de vidéos.

Faire produire une vidéo par les étudiants

Proposer aux étudiantes et étudiants la production d’une vidéo comme travail d’équipe est une façon de les mettre en situation authentique d’apprentissage, de les motiver et de les mettre à l’œuvre dans un projet qui ouvre la classe sur le monde :

«Bishop (2009) argues that students’ production of video compositions extends their learning beyond the classroom environment by engaging them in “outside” relationships, as well as challenges an authoritative discourse with “multivoicedness” replete with different meanings and multiple utterances.» (cité dans York et Owston, 2012)

La production d’une vidéo exige plusieurs compétences que les étudiantes et étudiants apprécieront développer, telles que la collaboration, la recherche et l’écriture, la cueillette de données, l’organisation et la logistique d’une production l’initiation et la manipulation de matériel et l’apprentissage de logiciel la logistique d une production, l initiation et la manipulation de matériel et l apprentissage de logiciel spécialisé, etc. Hobbs (2006) rappelle d’ailleurs que l’intégration d’activités de production simples est une bonne façon de désensibiliser les étudiants au caractère «construit» des messages médiatiques. La diffusion en ligne de leurs productions est source de fierté pour les étudiantes et étudiants qui développent ainsi leur propre perspective sur différentes questions :

«… 80 % of the participants attached value to the opportunity to have their voice heard in their online learning community and beyond through a visual narration of their knowledge and thinking. [Another] advantage of the web video production activity was having an opportunity to clarify ideas and knowledge about the topic while planning, designing, editing and producing a digital video narration.» (York et Owston, 2012)

Cette option suppose un bon encadrement de la part du formateur. Cependant le Service de soutien à la formation de l’Université de Sherbrooke offre une gamme de services en soutien aux étudiants : documentation, séances d’information de groupe, prêt d’équipements, initiation à la manipulation des équipements, conseils techniques, initiation en salle de montage, etc.

Produire soi-même ou avec une équipe de professionnels

S’engager dans le processus de production vidéo est une expérience exigeante. On y recourt habituellement lorsque le document désiré n’existe pas ou bien que le point de vue unique que nous voulons y adopter répondra exactement à des objectifs propres à notre formation.

Deux avenues s’offrent à vous : l’autoproduction ou la production avec une équipe professionnelle, chacune offrant avantages et contraintes. Chose certaine, vous apprendrez ce que sont les rouages d’une production du tournage jusqu’au montage, vous découvrirez les dessous de la vidéo.

Les avantages de l’autoproduction sont évidemment la grande autonomie et la satisfaction de se réaliser qu’elle offre. S’il faut acquérir une bonne maîtrise des outils (caméra, logiciels de montage, de téléchargement), le temps gagné en vaut généralement l’investissement :

«Avec un peu de pratique, il est possible de réaliser de courtes vidéos en très peu de temps. Il faut toutefois éviter de tomber dans le piège du perfectionnisme. La préparation, l’enregistrement et le montage peuvent être des opérations de longue haleine pour l’apprenti réalisateur! Il ne faut pas perdre de vue l’objectif de départ qui était de réaliser une économie de temps pour les étudiant mais aussi pour l’enseignant.»
(Bourbeau, 2009)

Il convient ici de souligner l’apport possible de la théorie de la charge cognitive quant à l’identification de principes de conception de vidéos efficaces, susceptibles de maximiser les apprentissages. La théorie de la charge cognitive stipule que l’apprentissage optimal survient lorsque la charge cognitive extrinsèque (extraneous) est réduite tandis que la charge cognitive essentielle (germane) est augmentée. Or, la vidéo crée de la charge cognitive extrinsèque de par la nature fugace de l’information transmise. La recherche a donc tenté de limiter cette charge (Ayres et Paas, 2007).

Segmenter les séquences animées en petites unités, offrir à l’apprenant des mesures de contrôle sur la présentation de l’information (par exemple, possibilité d’arrêt sur image) mais également le fait d’accompagner la vidéo d’images statiques (par exemple, certains schémas) sont autant d’exemples de tels principes.

Enfin, produire avec une équipe permet d’obtenir une vidéo d’un niveau de qualité supérieure, un niveau dont il est difficile d’être assuré en mode autoproduction. Toutefois, le travail avec une équipe de professionnels nécessite habituellement plusieurs étapes, telles que la rédaction d’un devis, son envoi à différents fournisseurs, le choix d’une équipe, des rencontres de travail, etc.

Vous aurez également besoin de prévoir un budget de production. Dans la plupart des cas, les professionnels seront en mesure de réaliser un produit qui vous permettra d’atteindre vos objectifs pédagogiques, mais le montant disponible influencera l’ampleur du projet. Une rencontre avec un conseiller pédagogique est donc fortement recommandée afin de circonscrire les besoins auxquels la vidéo devra répondre.

Pour aller plus loin

Service de soutien à la formation,  Guide de production − La vidéo numérique, Université de Sherbrooke, août 2006 (2 e édition), 23 p. [document PDF].

Sources

Ayres, Paul et Fred Paas, «Can the Cognitive Load Approach Make Instructional Animations More Effective?», Applied Cognitive Psychology, n o 21, 2007, p. 811-820.

Bachmann, Philippe, et Marie-Claude Schultz, Concevoir et produire un document audiovisuel, Centre de formation et de perfectionnement des journalistes, 1991, 117 p.

Beauvais, Daniel, Produire en vidéo légère, Vidéo Tiers-Monde, 1989, 383 p.

Bourbeau, Jean, «Pourquoi répéter quand on peut filmer?!», Profweb, 23 mars 2009.

Hobbs, Renee, «Non-optimal uses of video in the classroom», Learning, Media and Technology, vol. 31, n o 1, mars 2006, p. 35-50.

Snelson, Charleen, « Web-Based Video in Education: Possibilities and Pitfalls», TCC 2008

Proceedings, 13 th annual Technology, Colleges and Community Worldwide Online Conference, Hawai, vol. 2008, n o 1, p. 214-221 [document PDF].

Snelson, Charleen et Patt Elison-Bowers, «Using YouTube videos to engage the affective domain in e- learning», Research, Reflections and Innovations in Integrating ICT in Education, vol. 3, Badajoz, Espagne, 2009, p. 1481-1485.

York, Dennis N. et Ron Owston, « Enabling learning with user-created web video in higher education», 2012 Annual Meeting (Proceedings), American Educational Research Association, Vancouver, 2012, 16 p. [document PDF].

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