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Le doctorat professionnel en éducation : pour former des professionnels leaders, experts de l’intervention en milieu de pratique

Un collège propose une pédagogie innovante. Des directions d’établissements scolaires réfléchissent à la meilleure façon de mobiliser le personnel enseignant pour soutenir la réussite éducative et scolaire des élèves. Qui accompagnera les acteurs dans l’une ou l’autre de ces situations professionnelles? Comment tenir compte des résistances émergentes ou des enjeux relatifs à ces situations?

C’est avec l’objectif de former des leaders experts dans un domaine d’intervention au sein des organisations éducatives publiques ou privées que la Faculté d’éducation offre depuis 2015 le doctorat professionnel en éducation – menant au grade D. Éd. – dont la première cohorte de 11 doctorantes et doctorants diplômera en 2020. Ces futurs diplômés sont, pour la plupart, des professionnels à temps plein. C’est l’une des raisons pour laquelle le programme est offert en mode hybride (en présentiel à Longueuil et à distance) sur une période de six ans.  

Pre Suzanne Guillemette

Mais en quoi le doctorat professionnel en éducation (D. Éd.) se distingue-t-il du doctorat en éducation (Ph. D.)?  La professeure Suzanne Guillemette, responsable du programme, explique : « Il faut savoir que les deux programmes ne poursuivent pas le même objectif.  Dans le cas du Ph. D., on vise à former des chercheurs qui développent des compétences méthodologiques relatives à la recherche. Ils sont tenus de développer de nouveaux savoirs scientifiques et d’en témoigner par la rédaction d’une thèse. »

« Dans le cas du D. Éd., on vise à former des leaders dans leur champ d’expertise.  Il s’agit de partir d’une problématique professionnelle et de documenter les savoirs professionnels qui s’en dégagent afin de répondre à cette problématique. Ces savoirs professionnels s’appliquent à des situations semblables ou connexes, alors que certaines actions sont susceptibles de produire les mêmes retombées.  Par conséquent, ces savoirs deviennent transférables dans la communauté professionnelle et permettent d’en soutenir le développement. S’ajoutent à cela les savoirs professionnels que la doctorante ou le doctorant développe à travers deux projets d’intervention (9 crédits chacun) qu’elle ou il mène au sein de son organisation professionnelle. » Par
« intervention », on entend…

  • Dresser un portrait de la situation, la documenter en mettant de l’avant sa pertinence sociale (enjeux) et sa pertinence théorique (liens avec la littérature scientifique) ;
  • Planifier un projet dans le but de répondre à la situation, de développer une pratique innovante et d’en dégager des savoirs professionnels ;
  • Opérationnaliser et réguler la démarche d’intervention proposée tout en tenant compte de l’éthique de l’intervention (ce qui oblige à démontrer la façon dont les acteurs du milieu collaborent et à justifier les ajustements à apporter en cours de projet) ;
  • Rendre compte des résultats et des retombées du projet dans le milieu ; 
  • Poser un regard sur l’évolution ou le développement de ses propres savoirs professionnels, à titre de leader expert de son champ d’expertise.

Alors que la direction de recherche d’une doctorante ou d’un doctorant au Ph. D. provient exclusivement du monde universitaire, le comité de direction au D. Éd. comprend une directrice ou un directeur provenant du corps professoral de l’Université de Sherbrooke ET une codirection assurée par une personne provenant du milieu de la pratique ou de la communauté professionnelle. La direction et la codirection accompagnent et dirigent la doctorante ou le doctorant dans l’interrelation entre la pratique et la théorie qu’exige la démarche doctorale professionnelle. Toutes deux sont reconnues pour leurs connaissances et leurs compétences au regard du champ d’expertise dans lequel s’inscrivent les projets d’intervention de la doctorante ou du doctorant.

Mme Liane Desharnais

Aux dires de Liane Desharnais, conseillère pédagogique aux programmes facultaires d’études supérieures, une des preuves du succès de ce programme, c’est que les projets d’intervention menés par les doctorantes et les doctorants peuvent perdurer dans le temps et avoir un impact réel dans le quotidien au sein des organisations.  Une fois le parcours complété avec engagement, persévérance et professionnalisme, les doctorantes et les doctorants obtiennent un grade de Docteur en éducation.  Bien que ce ne soit pas l’objectif du programme, une doctorante vient d’obtenir un poste de professeure à l’UQAT. D’autres se voient offrir des promotions au sein de leurs organisations respectives ou encore au sein d’autres organisations, ce qui démontre la rigueur et les exigences élevées de ce programme.

Les cibles de formation du doctorat professionnel en éducation sont les suivantes :

Les sept cibles de formation du doctorat professionnel en éducation

Au terme de sa formation, la doctorante ou le doctorant démontre sa capacité à

  1. Réaliser des diagnostics situationnels dans des contextes complexes, en tenant compte des logiques mobilisées par les actrices et les acteurs et des cadres politiques en éducation ;
  2. Planifier, mettre en oeuvre et évaluer des interventions en contexte professionnel, en mobilisant de façon éclairée et critique des outils conceptuels, théoriques et méthodologiques issus de la recherche et de l’innovation en éducation ;
  3. Contribuer de façon autonome et originale à la production de savoirs professionnels relatifs à son domaine de pratique ;
  4. Développer et démontrer une posture éthique dans la conduite de ses interventions en milieu de pratique ;
  5. Accéder à une indépendance intellectuelle et le démontrer en portant un regard critique et sensible sur les développements relatifs à son domaine de pratique ;
  6. Développer des habiletés nécessaires à la communication et à la diffusion de savoirs professionnels en éducation ;
  7. Développer et démontrer un sentiment de responsabilité concernant la prise en charge de son développement professionnel continu et de celui de sa communauté.

Deux cheminements sont offerts dans ce programme : 1) changement en éducation : gestion et accompagnement et 2) innovation pédagogique et curriculaire en enseignement supérieur.  Ils correspondent à deux profils professionnels différents.  Alors que le premier s’adresse à des cadres et des directions d’établissement ou encore à des consultants en formation qui occupent des fonctions de gestion ou d’accompagnement d’équipes, le second s’adresse plus spécifiquement à des enseignants et à des conseillers pédagogiques qui interviennent en soutien au personnel enseignant dans les réseaux collégial et universitaire. 

Les doctorantes et les doctorants des deux cheminements forment une cohorte hétérogène alors que la teneur des projets d’intervention qu’ils privilégient diffère. Suzanne Guillemette rappelle que « chaque doctorante et chaque doctorant est unique, chaque projet est unique et nous souhaitons conserver cette unicité. C’est la richesse de l’hétérogénéiété de chaque cohorte qui permet aux doctorantes et aux doctorants de tirer profit des expertises de tout un chacun pour mieux réfléchir leurs projets respectifs tout comme leur propre développement professionnel. Ces réflexions ont lieu notamment dans le cadre des trois séminaires qu’ils suivent au cours de leur démarche. »

Un troisième cheminement devrait voir le jour d’ici l’automne 2020 compte tenu de la demande :  il s’adresserait cette fois aux enseignantes et aux enseignants ainsi qu’aux professionnels des milieux de l’enseignement de l’ordre préscolaire, primaire, secondaire ou en adaptation scolaire.

Trois séminaires (12 crédits), une épreuve doctorale (6 crédits) et quatre activités de groupes (3 crédits chacune) s’inscrivent dans la démarche doctorale en soutien aux projets d’intervention.  Les activités de groupes viennent présenter des contenus utiles aux différentes étapes d’une intervention : épistémologie, méthodologie de l’intervention (planifier, procéder, évaluer), éthique de l’intervention (droits des personnes/ cadres légaux), lecture et écriture (genres textuels, recension d’écrits, utiliser la recherche en intervention).

Liane Desharnais note que le programme répond aux besoins spécifiques de formation de la doctorante ou du doctorant et de son milieu de pratique, en offrant deux résidences (6 crédits) et 24 crédits d’activités optionnelles.  Celles-ci permettent de compléter la formation doctorale par des actvités spécifiques de formation ou des travaux dirigés, toujours soutenus et enterinés par le comité de direction.Par exemple, une recension d’écrits, des stages en milieu de pratique, le développement d’outils ou de dispositifs méthodologiques pour mener le ou les projets, etc.

À titre d’épreuve certificative, vient enfin l’activité de synthèse qui se décline par la rédaction d’unessai doctoral et la préparation d’unecommunication professionnelle. L’essai doctoral présente le parcours de la doctorante ou du doctorant. Il constitue un document autonome présentant à la fois la problématique professionnelle dans laquelle se sont inscrits les projets et le développement d’une posture d’expert-critique de l’intervention. L’essai constitue le lieu définitif où sont présentés les savoirs professionnels qui se dégagent de l’ensemble du processus doctoral. La communication professionnelle vise la diffusion soit des savoirs professionnels développés ou de l’une des dimensions vécues ou traitées dans le cadre de la démarche. Elle vise un public provenant de la communauté professionnelle élargie, c’est-à-dire au-delà de l’organisation d’attache de la candidate ou du candidat. Essai et communication sont évalués par un jury représentatif du milieu universitaire et du milieu de la pratique. 

Pour chaque cohorte finissante, une journée colloque est organisée afin de permettre aux doctorantes et aux doctorants finissants de présenter une dimension de leur démarche respective à la communauté universitaire et professionnelle. Cette première journée colloque aura lieu en avril ou mai 2020. Vous y êtes conviés! 

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