Profession citoyen

Les diplômés de l’UdeS, des diplômés écoresponsables?

Certaines disciplines et programmes font une place plus importante à la question de l’écoresponsabilité. C’est notamment le cas des programmes du CUFE, dont la mission est de « créer un espace interdisciplinaire de formation, de réflexion et d’actions en environnement pour une société plus responsable ». En complément à l’offre de formation spécialisée dans le domaine, quelle est la spécificité des diplômés de l’UdeS en matière d’écoresponsabilité? (Y en a-t-il une? Comment cette notion est-elle abordée dans les programmes?) Voilà le thème que nous proposons d’aborder ici. Avant de présenter le point de vue de quelques membres de la communauté universitaire sur le sujet, qu’en disent les étudiants?

Une majorité d’étudiants se disent plus écoresponsables grâce à leur passage à l’UdeS

Une enquête sur l’écoresponsabilité des étudiants a été menée par une équipe d’étudiants du CUFE à l’automne 2018. L’équipe avait réussi à obtenir la participation de 318 étudiants répartis dans toutes les facultés présentant les caractéristiques de la population cible (étudiants à temps plein au premier cycle sur l’un des trois campus). Malgré certaines réserves méthodologiques, cette enquête donne une idée de la perception et des comportements des étudiants en matière d’écoresponsabilité. Selon celle-ci, une majorité significative (77 %) des répondants estiment que leur passage à l’UdeS leur a permis d’améliorer un peu ou beaucoup leurs habitudes écoresponsables. 17 % se déclarent déjà écoresponsables; donc ne considèrent pas que leur passage à l’Université a fait une différence. Enfin, 5 % des répondants estiment ne pas avoir amélioré leurs habitudes écoresponsables, ne sentant pas avoir été sensibilisé par l’UdeS à cet effet, alors que 1 % des répondants n’y accordent aucune importance. Une limite de cette enquête est à l’effet qu’on n’y fait pas la distinction entre ce qui est plus directement lié à la formation par rapport à l’ensemble des comportements écoresponsables.

En génie, le choix de l’approche cycle de vie

La formation d’ingénieures et d’ingénieurs plus écoresponsables à l’UdeS passe notamment par les travaux menés par le professeur Ben Amor depuis son embauche en 2013. Rattaché administrativement au Département de génie civil et de génie du bâtiment, le professeur Ben Amor a un statut de professeur facultaire, i.e. d’enseigner dans tous les départements. Il a été étroitement impliqué dans le processus d’agrément des programmes de la faculté. Depuis quelques années, le Bureau canadien d’agrément des programmes de génie (BCAPG) a changé sa façon d’évaluer les programmes en prescrivant des qualités à atteindre par les diplômés, dont la Qualité 9 – Impact du génie sur la société et l’environnement qui porte sur la

capacité à analyser les aspects sociaux et environnementaux des activités liées au génie, notamment comprendre les interactions du génie avec les aspects économiques et sociaux, la santé et la sécurité, les lois et la culture de la société; les incertitudes liées à la prévision de telles interactions; et les concepts de développement durable et de bonne gérance de l’environnement. (p. 13, Ingénieurs Canada, 2018)

Pour répondre à cette exigence, l’approche systémique (approche cycle de vie) est particulièrement adaptée au génie pour comprendre la portée et la complexité des enjeux non seulement techniques et économiques, mais aussi environnementaux et sociaux inhérents aux projets traités par les ingénieurs.

Cette approche cycle de vie – qui est l’une des spécialités du Professeur Amor – est intégrée (ou en voie de l’être) à différents niveaux d’apprentissage et selon le contexte dans chacun des huit programmes de baccalauréats en génie. Par exemple, dans les programmes en génie électrique et génie informatique, cela a pris la forme d’un apprentissage par projet (APP) dans le cours Chimie et physique de l’environnement donné pour la première fois en 2018. Lors d’une réunion d’évaluation de la session, la majorité des étudiants a témoigné de sa grande appréciation de cette activité jugée incontournable dans leur première année de formation.

Le lien entre environnement et santé

Pour la professeure Marie Giroux, vice-doyenne au développement pédagogique et professionnel à la Faculté de médecine et des sciences de la santé, cette réflexion sur l’écoresponsabilité des diplômés en sciences de la santé est amorcée. Dans le plan stratégique 2019-2023 de la Faculté, deux objectifs qui font écho à ces enjeux :

Objectif 1 : Adapter en continu la formation et la recherche en fonction des besoins sociétaux actuels et émergeants

Objectif 18 : Se positionner comme leaders scientifiques et citoyens dans les grands dossiers sociétaux influençant la santé, dans un but de développement durable, incluant les déterminants sociaux de la santé et les changements climatiques1.

« Clairement, les changements climatiques ont et auront des impacts majeurs sur la santé des populations. Le développement durable prend ici toute sa place, » soutient la professeure Giroux. The Lancet Countdown, une initiative internationale et multidisciplinaire qui documente les avancées en matière de changements climatiques et santé est un exemple de la mobilisation croissante de la communauté scientifique en santé à l’égard de ces enjeux. La professeure Giroux observe également une mobilisation chez les étudiants, un facteur clé des transformations culturelles nécessaires à plus grande échelle en santé selon elle. Charles-Antoine Barbeau-Meunier, actuellement candidat au programme de MD – PhD à l’Université de Sherbrooke et impliqué dans l’Organisation mondiale de la Santé, incarne cet engagement en s’interrogeant à savoir si le droit à la santé même ne serait pas menacé par la crise environnementale. La Fédération internationale des associations d’étudiants en médecine tenait l’automne dernier son congrès sur le thème « Santé et changement climatique » au campus de la santé. Bref, l’environnement est un enjeu émergeant important en santé et il sera intéressant de suivre le cheminement de la FMSS à cet égard.

Enquête au baccalauréat en adaptation scolaire et sociale

La professeure Carine Villemagne, spécialiste des questions d’éducation relative à l’environnement et à l’écocitoyenneté, en collaboration avec des chercheurs chiliens qui mènent une étude similaire dans leur université, documente le profil écoresponsable des diplômés. Les étudiants de quatrième année du baccalauréat en adaptation scolaire et sociale (BASS) ont été sondés à cet effet. En gros, la question qui leur est posée « Votre programme vous forme-t-il à enseigner des questions socio-écologiques ? » La professeure Villemagne sait que des éléments de réponse se trouvent du côté de certains cours déjà intégrés au programme du BASS (didactique de l’univers social, didactique de la science et de la technologie, éthique et culture religieuse). Mais les étudiants, une fois devenus enseignants, se sentent-ils aptes à intégrer cette dimension à leur enseignement ? La question mérite d’être posée, car bien que le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) identifie l’environnement et la consommation comme l’un des domaines généraux de formation, ceux-ci sont par définition des enjeux transversaux et « relèvent d’une responsabilité partagée » comme indiqué dans le programme. Concrètement, les domaines généraux de formation ne sont pas liés de manière spécifique à des compétences à développer ou à des domaines d’apprentissage. Visant à intégrer de façon plus formelle l’écocitoyenneté au PFEQ, une Coalition rassemblant différents acteurs dont des chercheurs est d’ailleurs à l’origine d’une Stratégie québécoise d’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté.

Selon la professeure Villemagne, l’écocitoyenneté et l’écoresponsabilité se posent comme des valeurs fondamentales en éducation, soit : le développement d’une conscience, voire un sentiment de responsabilité, à l’échelle personnelle autant qu’en interaction avec les autres et l’environnement biophysique, ici localement autant qu’à l’échelle planétaire, maintenant et à long terme. Dans le cadre d’un groupe de discussion réunissant les différents intervenants du programme, la professeure Villemagne entend relayer les résultats de l’étude menée auprès des étudiants du BASS. Pourrait-on imaginer la formalisation d’une compétence liée à l’éducation relative à l’environnement (ERE) pour les futurs maîtres ?

Les artistes, témoin des changements sociaux

Le rapport à l’autre, au milieu (environnement, ville, société) et au cœur du cours Pratique environnementale de l’in situ, qu’enseigne Josianne Bolduc au Certificat en arts visuels dont elle est également la coordonnatrice. La Fabrique culturelle.tv témoignait en juin dernier des œuvres des étudiants de ce cours réalisées au centre-ville de Sherbrooke.

Parce que les œuvres d’art « sont réalisées sans aucune pensée (ou presque) », parce que le produit culturel « trouve son acheteur et non l’inverse », parce que sa production s’inscrit dans une réelle démarche artistique, Josianne Bolduc estime que l’œuvre a un caractère fondamentalement « durable ». C’est d’autant plus vrai qu’elle prend le plus souvent de la valeur et qu’elle est généralement conservée (dans la famille, cédée à un musée, revendue). Depuis l’artiste Marcel Duchamp et les dadaïstes, Josianne Bolduc estime que la pratique de l’artiste ne repose plus sur la transformation de matière brute comme les peintres et les sculpteurs le faisaient jusqu’alors mais consiste en la mise en scène et l’interprétation d’objets trouvés. Dénués de toute fonctionnalité, ces objets transformés et dénaturés deviennent de réelles œuvres d’art. « Cela ne confère pas nécessairement une valeur écoresponsable à l’artiste ou à l’œuvre. Ceci dit, les artistes sont aux premières loges pour déceler et comprendre les changements de la société. » Dans le certificat en arts visuels, ce rôle social des artistes est bien ancré dans l’un des objectifs du programme : « permettre à l’étudiant de réfléchir au phénomène de l’art dans ses rapports avec la vie, la société et la culture tant comme individu que comme membre d’une collectivité ».

Informaticiens responsables, scientifiques engagés

La professeure Hélène Pigot, du Département d’informatique de la Faculté des sciences, est responsable du cours Informatique et société où les étudiants du baccalauréat en informatique sont invités à réfléchir à l’impact social des technologies de l’information en adoptant une démarche éthique. Au cœur de ce cours, des enjeux divers sont abordés : le transhumanisme, les machines autonomes et l’intelligence artificielle, la question du rôle des TI comme langage fondamental de nos sociétés, ainsi que l’illettrisme numérique ou la fracture numérique qui en découle. La professeure Pigot observe que la protection de la vie privée et la confidentialité des données interpellent particulièrement les étudiants. La déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle, que présente la professeure Pigot à ses étudiants, repose essentiellement sur des principes liés au développement durable (bien-être, protection de la vie privée, solidarité, démocratie, équité, inclusion de la diversité, prudence, développement soutenable sur le plan écologique).

Bien que ces éléments ne fassent pas spécifiquement partie de son cours, la professeure Pigot estime que des enjeux écologiques importants se posent en informatique : l’empreinte écologique des données (hébergement, consommation énergétique), de même que l’empreinte écologique et le cycle de vie des appareils informatiques eux-mêmes en sont des exemples. La question de l’obsolescence est importante. « On est au-delà de l’obsolescence programmée. L’obsolescence est en quelque sorte le moteur de l’informatique, dans la mesure où il s’agit toujours de doubler les performances. L’innovation est glorifiée, il faut toujours être à la fine pointe » selon la professeure Pigot.

Depuis 2007, à l’échelle de la Faculté des sciences, les nouveaux diplômés sont invités à signer l’Engagement du scientifique lors de la collation des grades. Cet engagement convie les diplômés à « travailler pour un monde meilleur où la science et la technologie seront utilisées d’une manière socialement responsable », à ancrer leur pratique professionnelle dans une démarche éthique et à agir de manière responsable sur les plans sociaux et environnementaux.

La pointe de l’iceberg

L’objectif de cet article était de mettre en dialogue différents points de vue sur la thématique de l’écoresponsabilité des diplômés. Plusieurs perspectives sont évidemment manquantes. Nous pensons notamment à la démarche du baccalauréat en administration qui vise la formation de gestionnaires socialement responsables, aux différentes activités terrain menées en politique appliquée, aux différentes cliniques et projets d’apprentissage dans la collectivité qui se déroulent dans plusieurs disciplines.

[1] Le plan stratégie de la FMSS sera disponible en ligne à partir de mars 2019.

Remerciements

Nous tenons à remercier les professeurs Ben Amor, Marie Giroux, Hélène Pigot et Carine Villemagne, de même que Mme Josianne Bolduc pour leur collaboration à cet article. Également, merci à l’équipe Homéostats du cours de projet intégrateur formée par Étienne Bélanger, Arianne Lefebvre, Marc-André Plante-Lacombe, et Vincent Thériault, alors étudiants au baccalauréat en études de l’environnement.

Sources

Université de Montréal. Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle. Consulté le 5 février 2019.

Faculté des sciences de l’Université de Sherbrooke. S.d. Engagement du scientifique de la Faculté des sciences. Consulté le 5 février 2019.

Ingénieurs Canada. (2018). Normes et procédures d’agrément 2018. Document récupéré du site d’Ingénieurs Canada. Consulté le 5 février 2019.

Office québécois de la langue française. 2011. « Vocabulaire du développement durable ». Consulté le 5 février 2019.

Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur. S.d. Programme de formation de l’école québécoise. Consulté le 5 février 2019.

Université de Sherbrooke. S.d. Certificat en arts visuels, fiche du programme, consultée le 4 février 2019.

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