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Faut-il reconnaître les cours en ligne?

La demande de cours en ligne ne cesse de croître, mais on ne semble pas toujours accorder à ces formations une valeur équivalente à celles offertes en présentiel. D’un côté, une partie du personnel enseignant semble demeurer sceptique quant à la qualité des cours offerts sur la Toile (nous faisions d’ailleurs état en mars dernier de la situation aux États-Unis). D’un autre, une observatrice affirme : «Numerous employers (and students) see online degrees as being less credible than those earned at campus universities.» (Olivia Coleman, collaboratrice spéciale au blogue de Tony Bates).

Parallèlement à ces réserves, le fait que des universités ne reconnaissent pas toujours les cours en ligne offerts par d’autres institutions peut avoir comme effet de miner la crédibilité de cette modalité de formation. Cette non-reconnaissance est-elle justifiée?

Aux États-Unis : des motifs de rejet parfois discutables

Un article de John Richard Schrock paru dans University World News le 3 octobre indique que plusieurs universités américaines n’offriraient pas d’équivalence pour des cours universitaires suivis en ligne.

On comprend aisément que certaines universités ne reconnaissent pas d’équivalence pour des cours où la présence en classe peut effectivement avoir un impact sur l’apprentissage, par exemple, dans le cas de laboratoires, de cours d’expression orale, d’arts visuels ou d’arts de la scène, considérant l’importance de la rétroaction directe de l’enseignant sur la «performance» de l’étudiant. L’article rapporte d’ailleurs les justifications invoquées par l’Université de Californie pour expliquer de telles restrictions :

«Online visual and performing arts courses will not be approved because it is difficult for students taking online courses to experience the required performance component of performance arts courses and/or replicate the expected portfolio component of visual arts courses. […] The immediate feedback and coaching of an instructor (eg, adjusting the toe point of a dancer, correcting the musical intonation of a student musician, advising greater voice projection for a student actor, or demonstrating correct technique for a student artist) is a critical and necessary component of any course.»

Mais d’autres universités n’acceptent pas non plus de cours de mathématiques ou de sciences offerts en ligne et leurs réserves sont alors moins claires. À titre d’exemple, la mention de l’École de pharmacie de l’Université du Wisconsin, qui se veut on ne peut plus large : «All prerequisite science courses must be taken in a classroom setting.»

Pour expliquer ce désaveu apparent de la valeur de la formation en ligne, l’article conclut en exposant un problème d’un autre ordre : habituellement, on ne spécifie pas sur les relevés de notes si un cours a été suivi en ligne ou en classe. Cela entraîne une discrimination qui ne touche que les établissements «tout à distance» (souvent de propriété privée et «à but lucratif») et non les universités offrant les deux modes de formation. De là à y voir un réflexe compétitif plutôt qu’une évaluation impartiale de l’équivalence des contenus de cours, il n’y a qu’un pas… L’auteur affirme d’ailleurs : «On some campuses, a tension exists between administrators who want to compete with the online for-profit schools and their faculty who appear far less enamoured [with online courses].»

TELUQ et UQAM : cours de certificat non reconnus au bac

Plus près de nous, un reportage de l’émission La facture à Radio-Canada (reportage complet ici, 9 minutes) détaillait le 30 novembre la situation déjà rapportée dans certains journaux (comme ici), à l’effet que l’UQAM ne reconnaissait pas les cours du certificat de psychologie de la TELUQ – pas plus que ceux de son propre certificat d’ailleurs – en vue d’équivalences pour le baccalauréat en psychologie.

Puisque la TELUQ se présente comme l’université en ligne de l’UQAM, la surprise a été de taille pour certaines étudiantes témoignant dans le reportage, car leur plan était de commencer par un certificat, puis de le compléter avec le reste du baccalauréat, pour finalement tenter leur chance au doctorat professionnel. Cette approche «une bouchée à la fois» est fréquente dans les réorientations de carrière et dans la formation continue. Elle favorise d’ailleurs la persévérance aux études.

Il appert que les cours de ces deux certificats sont conçus pour permettre à des intervenants psychosociaux d’élargir leurs connaissances et non pour préparer à des études terminales en psychologie. Or, cette information n’était pas communiquée très clairement dans la documentation relative au certificat en psychologie de l’UQAM ou à celui de la TELUQ. Depuis, la TELUQ et l’UQAM ont précisé la documentation en question et certaines universités ont assoupli leur politique de reconnaissance d’acquis pour ces cours… mais pas l’UQAM.

Si on ne prend pas soin de l’écouter attentivement jusqu’à la fin, un tel reportage peut renforcer une certaine perception que la formation à distance est de moindre qualité. Or, il semble que ce soit un choix délibéré de la TELUQ que de créer un certificat en psychologie dont les objectifs des cours sont différents de ceux du baccalauréat. L’UQAM aurait fait le même choix avec son propre certificat en présentiel.

Indépendamment des modalités de transmission de la formation (en ligne ou face à face), la situation évoquée par le reportage de La facture pose d’abord la question de l’arrimage des programmes de formation continue (certificats, diplômes et microprogrammes) avec les programmes de formation initiale du même domaine et du même cycle. En réorientation de carrière, le modèle de formation continue en présentiel ou à distance est plus accessible. Veut-on rendre la formation initiale plus accessible par le biais de programmes de formation continue?

Différentes modalités pour différents besoins

De fait, diverses études tendent à démontrer qu’il n’y a pas de différences notables entre la qualité des apprentissages en ligne ou en présentiel. L’une de ces études (Means et al., 2009; mise à jour en septembre 2010), produite pour le Département américain de l’éducation, a même obtenu un certain écho dans les médias grand public parce qu’elle aurait démontré que la formation à distance mènerait à plus d’apprentissages que la formation traditionnelle (en guise d’exemple, ce titre du New York Times : «Study Finds That Online Education Beats the Classroom»).

Cela apparaît pourtant comme une lecture réductrice de cette recherche : de même que pour la formation en classe, il y a de la mauvaise formation en ligne et de la bonne. On peut quand même avancer que la formation à distance requiert généralement une solide conception pédagogique, ce qui pourrait amener les étudiants à travailler davantage pour développer leurs apprentissages.

«The main reason for this is that when studying online, students spent more time “on task” – in other words they studied harder. This is important, because it is a mistake to see online learning as an easy option.» (Coleman, 2010; article cité plus haut). La distance a peu à voir avec cet effet.

En somme, les deux modalités de formation sont complémentaires puisqu’elles répondent à des besoins et à des types d’étudiants distincts. Si l’absence d’horaire rigide de la formation en ligne convient bien à certains étudiants, ceux qui préfèrent un encadrement plus concret seront mieux servis par des cours en classe. La formation à distance exige discipline personnelle et méthodologie :

«For those who need a schooling routine, a classroom education may be better. Yet, for working adults who have been out of school for years and are used to tackling things in a timely manner, an online education could be a better option due to its flexibility of time and place.» (Coleman, 2010)

Compte tenu du contexte économique qui oblige de nombreux travailleurs à aller chercher des compléments de formation ou à se réorienter tout en maintenant un emploi, la formation en ligne va demeurer une option intéressante pour plusieurs. Avec la baisse démographique, il s’agit d’un bassin d’étudiants difficile à ignorer pour les universités.

Il est bien sûr nécessaire de s’interroger sur la qualité de la formation préalable d’un candidat, d’autant plus au moment de consentir ou non à lui reconnaître des équivalences pour des cours crédités ailleurs. Cependant, les modalités de transmission de cette formation ne devraient pas teinter cette évaluation outre mesure. Ce sont les activités d’apprentissage proposées aux étudiants qui sont garantes de la qualité d’un cours.

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