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Partager ses ressources d’enseignement sous licence ouverte : une manière concrète de contribuer aux savoirs francophones de haut niveau 

Cet article est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International 

Comptant plus de 50 000 téléchargements des 37 documents qui constituent pour le moment la collection de ressources éducatives libres (REL), il semble évident que le partage des ressources en enseignement supérieur dessert une plus large collectivité francophone. Dans un billet de blogue récemment diffusé, il était d’ailleurs question de cette collection de REL qui est diffusée grâce à Savoirs UdeS, le dépôt de l’Université de Sherbrooke. Parmi les œuvres les plus téléchargées se trouvent celles du professeur David Sénéchal, affilié au département de physique depuis 1992. 

C’est au printemps 2020 que le professeur Sénéchal a mis à disposition sa série de notes de cours selon les conditions d’utilisation de la licence ouverte CC BY-NC 4.0 international. Les notes de cours en question sont plutôt costaudes et pourraient certainement être qualifiées de manuel car on y retrouve l’étendu du contenu de son cours et le traitement des informations est plutôt complet. On y retrouve notamment des notions et concepts théoriques, des démonstrations, des exercices, des définitions, des annexes, etc. L’ampleur des documents partagés varient d’un ouvrage à l’autre, mais se chiffrent en moyenne à un peu plus de 200 pages chacun. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, des liens d’accès à ces ouvrages apparaissent ci-dessous. 

En acceptant ainsi de partager largement ses ressources pédagogiques de grande qualité en français, ce professeur contribue à la libre diffusion des savoirs francophones en physique, un domaine disciplinaire pour lequel peu de ressources d’enseignement dans cette langue sont disponibles. Cela explique probablement le grand nombre de téléchargement de ses documents, notamment en début de session. En effet, on peut observer que janvier et septembre sont les mois où les téléchargements doublent, même triplent. Voici un retour d’expérience sur cette initiative qui illustre la collaboration et le partage des savoirs francophones.  

Top 3 des téléchargements des notes de cours du Pr Sénéchal, disponibles sous licence ouverte depuis leur mise en ligne au printemps 2020 : 

1. Relativité générale : 8 696 téléchargements 
2. Histoire des sciences : 7 190 téléchargements 
3. Mécanique quantique II : 6 364 téléchargements 

Consultez l’ensemble des notes de cours ouvertes du professeur dans Savoirs UdeS 

Innover dans le partage

Au-delà de son intérêt pour la science ouverte, le professeur Sénéchal partageait déjà, et le fait encore d’ailleurs, ses notes sur sa page départementale pour permettre aux personnes étudiantes d’y avoir accès gratuitement. Lorsqu’il a été approché par la fabriqueREL à l’automne 2019 pour diffuser plus largement ses ressources, l’idée d’aller plus loin dans le partage l’a motivé. En plus d‘apposer une licence ouverte à ses notes de cours, il a également décidé de partager les fichiers sources, soit les fichiers qui permettent facilement la modification (fichiers en format LaTex et code source des illustrations dans ce cas-ci). Ces derniers permettent aux tiers utilisateurs d’adapter facilement la ressource en fonction de leurs besoins, tout en respectant les conditions d’utilisation prescrites par la licence. Ainsi, une personne enseignante au Togo pourrait très bien, conformément aux conditions d’utilisation, adapter ces ressources en fonction des objectifs pédagogiques de son cours, sans avoir à obtenir de permission. 

Ma motivation était d’aller encore plus loin en partageant les sources pour faciliter la réutilisation par d’autres, ce que je n’avais pas fait auparavant.

Pr David Sénéchal

Les multiples retombées du partage 

Pour la personne enseignante : on entend souvent que la notoriété est le salaire du libre. Toutefois, le Pr Sénéchal mentionne partager sans attente particulière en retour : un partage gratuit, plutôt désintéressé. Son partage relève davantage d’une conviction profonde que la science doit être enseignée, réfléchie et discutée dans la langue d’enseignement afin d’éviter des enjeux majeurs telle la diglossie qui placerait le français comme une langue inférieure dans un contexte d’enseignement supérieur et de recherche. Il y a aussi la cohérence pédagogique : l’avantage de pouvoir adapter l’ensemble du contenu en fonction de ses besoins pédagogiques, d’utiliser l’entièreté de la ressource, selon l’ordre désiré de présentation des chapitres, en cohérence avec sa planification de cours. 

Pour les prochaines personnes utilisatrices (personnes enseignantes, chercheurs et chercheuses de la francophonie) : le Pr Sénéchal mentionne que l’investissement de temps et d’énergie lié au partage de ses notes de cours est minime comparativement aux retombées positives que d’autres personnes utilisatrices francophones pourraient en retirer. Très peu de ressources en physique sont disponibles en français, et encore moins gratuitement, avec une licence ouverte qui permet d’adapter la documentation en fonction de ses besoins pédagogiques.  

Pour les personnes étudiantes : en plus d’être accessibles gratuitement dès le début du cours, ces ressources sont en totale adéquation pédagogique et la quasi-totalité de celles-ci est exploitée durant la session. Cela n’est pas le cas des manuels ou des volumes de référence du commerce qui ne seraient, dans la majorité des cas, utilisés qu’à 27 % de leur contenu (fabriqueREL, 2022). 

Le Pr Sénéchal reçoit des retours positifs par courriel, tant de la part de personnes enseignantes que de chercheurs et chercheuses de l’Europe, de l’Afrique francophone ou des Antilles.

Le travail en amont de la diffusion 

Les ressources utilisées dans le cadre d’un cours doivent évidemment respecter la Loi sur le droit d’auteur (LDA). La LDA comporte des exceptions concernant, entre autres, l’utilisation équitable en contexte d’enseignement, permettant, à titre d’exemple, l’utilisation d’un graphique provenant d’une revue scientifique adéquatement sourcée et insérée dans un recueil de notes de cours. Toutefois, ce même graphique sourcé adéquatement dans ce même recueil de notes mais diffusé sous licence ouverte, ne respecte plus cette exception de l’utilisation équitable. La diffusion élargie n’est pas prévue par l’exception de la LDA car elle ne se limite pas qu’au contexte d’une salle de classe. Utiliser et distribuer des extraits de ressources (textes, notes, recueil, illustration, etc.) dans le cadre d’un cours respecte la LDA, puisque c’est une utilisation qui se restreint à la salle de classe. Toutefois, en diffusant largement et sous licence ouverte, l’utilisation équitable prévue à la LDA ne s’applique plus. 

Ainsi, le Pr Sénéchal a dû effectuer un travail de recension des composantes externes intégrées dans ses notes de cours tels les graphiques, les tableaux et les illustrations. Une fois identifiées, différentes stratégies s’offraient à lui : 

  • trouver une composante similaire sous licence compatible;  
  • demander la permission à la personne détentrice des droits (dans ce cas précis, cela fait référence à des revues scientifiques); 
  • utiliser un hyperlien qui mène vers une ressource en libre accès, sans nécessairement l’importer dans les notes de cours; 
  • créer une nouvelle illustration à partir des données en libre accès mises à disposition. 

Bien que la gestion des droits d’auteur ait été un aspect majeur à considérer avant la diffusion sous licence ouverte de ses notes de cours, le Pr Sénéchal considère que ce n’était pas un obstacle suffisant pour limiter sa contribution à l’enrichissement du savoir universitaire. 

En complément, il mentionne qu’il y a aussi une mise en forme minimale à effectuer. Ce travail aurait très bien pu être effectué par des personnes étudiantes. Dans le cas du Pr Sénéchal, puisque le document était rédigé à l’aide du langage LaTex et qu’il connaissait bien ses documents, il était la meilleure personne pour effectuer cette mise en page.  

Dans son élan de partage, le Pr Sénéchal a rallié deux collègues qui ont accepté de partager aussi leurs notes de cours sous licence ouverte : le Pr André-Marie Tremblay et le Pr Claude Bourbonnais.

Surmonter les réticences potentielles au partage 

Différents freins peuvent exister et compromettre le partage de ses ressources pédagogiques. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet d’un précédent article. Le Pr Sénéchal, pour sa part, identifie deux principales réticences potentielles au partage des ressources en enseignement en milieu universitaire que pourraient avoir ses collègues :  

  1. les préoccupations liées au respect des droits d’auteur; 
  1. la qualité jugée insuffisante des notes par le ou la professeure pour une diffusion élargie. 

Concernant la préoccupation du respect des droits, certes, c’est un aspect qui demande du temps et qui peut sembler aride, mais pour lequel il est possible de demander du soutien soit auprès du Service des bibliothèques et archives ou du Service de soutien à la formation de l’UdeS.  

Concernant la qualité de sa ressource, il faut garder en tête que la qualité de la formation à l’UdeS n’a certainement rien à envier aux autres universités de la francophonie. C’est d’ailleurs à même les établissements d’enseignement que sont créées d’excellentes ressources d’enseignement, et la communauté enseignante de l’UdeS n’y fait pas exception. Ainsi, les ressources d’enseignement mises à la disposition des personnes étudiantes sont, en principe, de qualité permettant une diffusion élargie afin d’en faire bénéficier un plus grand nombre.  

Bien que je ne sois pas un chercheur en relativité générale, j’ai pu approfondir ce sujet en rédigeant mes propres notes de cours au fil des années. Cette ressource est en parfaite adéquation avec mon besoin pédagogique. Ce sont les personnes inscrites à mon cours qui en sont les plus grandes bénéficiaires.

Pr David Sénéchal

Ce retour d’expérience du Pr Sénéchal permet de mieux comprendre ses motivations liées au partage, les défis rencontrés ainsi que certaines retombées potentielles liées à la diffusion de REL en milieu universitaire. Les statistiques de téléchargement de ses notes de cours démontrent l’importance de la circulation des savoirs francophones de haut niveau. Cela invite à réfléchir à la manière dont la circulation du savoir peut contribuer à l’enrichissement des pratiques d’enseignement en milieu universitaire. Il y a certainement un parallèle à explorer davantage entre les pratiques ouvertes largement répandues dans la mission de recherche universitaire (science ouverte) et celle de la mission d’enseignement (éducation ouverte/formation ouverte). 


Sources 

fabriqueREL. (2022). Création et adaptation de REL francophones au Québec : consultation auprès du personnel enseignant, ordre collégial et universitaire [Rapport]. Sous licence CC BY4.0 International. 

Dubé, M. (novembre 2023). Savoirs UdeS : un dépôt qui valorise l’éducation ouverte. Service de soutien à la formation, Université de Sherbrooke. Sous licence CC BY 4.0 International.  

Bisaillon, V., Dubé, M. et Piché, S. (2021). Libérer ou ne pas libérer? Pistes de réflexion pour favoriser des décisions optimales. Service de soutien à la formation, Université de Sherbrooke. Sous licence CC BY 4.0 International. 

Université Laval. (s.d.). Exceptions admissibles. Bibliothèque, Bureau du droit d’auteur.   

fabriqueREL. (s.d.). https://fabriquerel.org/  

Sénéchal, D. (2020). Relativité générale. Université de Sherbrooke. Sous licence CC BY-NC 4.0 International. 

Vignettes: ©Sénéchal, D. (2020). Relativité générale. CC BY-NC. 

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