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Et si on allait dans le bois… (La pédagogie en plein air)

Pour se déconnecter.

Pour prendre soin de sa santé mentale et physique.

Pour donner une valeur à l’expérience d’être en nature, tout simplement.

Plusieurs personnes enseignantes en éducation supérieur penseront a priori que la pédagogie plein air n’a pas de lien avec leur discipline. Le présent article propose une autre posture de réflexion :

  • Et si l’extérieur était vu comme outil d’aide à la santé des personnes étudiantes?
  • Et si l’extérieur pouvait nous sortir du paradigme de l’enseignement magistral appuyé par des présentations PowerPoint?
  • Et si l’extérieur permettait aux personnes étudiantes de se déconnecter de la prise de notes sur ordinateur?

Tout à coup, la pédagogie en plein air devient l’affaire de tous.

Pourquoi se soucier de la déconnexion du numérique et de la connexion à la nature?

Entamons cette réflexion avec quelques statistiques. Bien qu’elles ne se penchent pas spécifiquement sur la clientèle étudiante, elles mettent de l’avant la santé psychologique précaire chez les jeunes adultes québécois. Elles nous permettent de constater qu’il devient urgent de se poser des questions sur notre santé psychologique collective.

  • 11 % de la population québécoise présente des symptômes du trouble d’anxiété généralisée, les femmes en plus grande proportion que les hommes (8 % hommes, 15 % femmes) (Institut de la statistique du Québec, 2023).
  • Environ 39 % de la population se situe au niveau élevé de l’échelle de détresse psychologique, une proportion plus élevée qu’en 2014-2015 (32 %). L’augmentation est constatée chez les femmes et chez les hommes, ainsi que dans tous les groupes d’âge (Institut de la statistique du Québec, 2023).
  • Ce sont les 18-34 ans et les personnes de 65 ans et plus qui utilisent les écrans de manière intensive (Radio-Canada, 2024).
  • Le temps maximal d’utilisation recommandé pour les adultes serait de 4 heures par jour (Radio Canada, 2024). Une étude réalisée aux États-Unis révélait qu’un adulte moyen passe 11 heures par jour devant un écran (ordinateur, télévision, téléphone intelligent, etc.) au travail et à la maison (Centre Mosaïque de Québec, 2024).

Décidément, nous sommes face à des enjeux de taille relativement à l’omniprésence du numérique, à la qualité de la santé, ainsi qu’au bien-être.

Y a-t-il des liens entre la pédagogie en plein air, la connexion à la nature et l’amélioration de la santé?

Dans la métanalyse menée par Huynh et al. (2022), on observe un lien (perçu) très prédominant entre la santé mentale, physique, le bien-être et la connexion à la nature. Les résultats des recherches présentent quatre canaux d’interaction entre la nature et l’humain, soit…

  • la forme (interaction avec des aspects tangibles de la nature, comme toucher des feuilles),
  • les pratiques culturelles (interaction dans le jeu en nature, l’expression et la communication en nature, la consommation de produits naturels, etc.),
  • les pratiques intellectuelles (interaction avec l’apprentissage et la nature) et
  • les pratiques spirituelles.

La métanalyse confirme donc en quelque sorte l’intérêt de l’éducation en nature puisque cet espace présenterait, selon l’article, un environnement propice à l’apprentissage et à l’acquisition de nouvelles connaissances. La pratique intellectuelle serait aussi un canal important pour l’amélioration de notre connexion à la nature (et par le fait même, de notre santé).

Le graphique ci-dessus présente les différents mécanismes et éléments constitutifs du bien-être humain qui sont ressortis dans les différentes études examinées. Bien que la dynamique qui relie ces concepts soit complexe, l’étude propose un regard intéressant dans la compréhension de la connexion à la nature et le bien-être humain. On y présente d’abord les services écosystémiques culturels « fournis » par la nature (première colonne du graphique, au-dessus de l’expression « Cultural ecosystem service »). La seconde colonne (au-dessus de « Channel of interaction ») montre les points en commun en ce qui concerne la façon dont les gens s’engagent consciemment ou inconsciemment par rapport à la nature (les quatre canaux présentés plus haut). La façon dont elles affectent le bien-être humain (3e colonne, au-dessus de « Mechanism ») et ce qui constitue le bien-être psychologique perçu (4e colonne, au-dessus de « Constituent of human well-being ») complètent le graphique. Malgré le fait qu’il soit difficile d’isoler des variables et de démontrer les liens clairs et sans équivoque entre les différents champs théoriques, la métanalyse nous informe sur d’une relation qui unit bel et bien nature, santé et plus précisément, l’apport de l’apprentissage dans cette relation (Huynh, L. et al., 2022).

Dans l’optique de faire vivre une expérience de déconnexion numérique et de connexion à l’environnement extérieur, quels types d’activités pédagogiques puis-je faire à l’extérieur?

Il est fort pertinent d’utiliser la méthode PPPP, le « plus petit pas possible »! On teste dans la simplicité. Idéalement, on annonce son intention à l’avance aux personnes étudiantes afin qu’elles soient habillées convenablement, mais également afin de faciliter une posture d’ouverture. À noter qu’il est possible de n’aller à l’extérieur que pour une partie de la séance de cours. Afin de rendre l’expérience plus fluide et agréable, prévoir des feuilles et des crayons.

Il est possible d’utiliser un environnement extérieur pour différents contextes d’apprentissage :

  • Favoriser une discussion engagée sur un sujet d’actualité ou sur un concept clé d’un cours. La disposition plus chaleureuse permet d’ouvrir de nouveaux canaux de communication entre la personne enseignante et les personnes étudiantes.
  • Animer un atelier qui alterne explication théorique et exercices à réaliser (individuellement ou en équipe).
  • Réaliser des séances de suivi (rencontre de coaching, d’encadrement, etc.).
  • Animer un débat sans support numérique.
  • Animer une simulation d’intervention.

Où aller sur le campus?

Il existe sur le campus de Sherbrooke trois classes extérieures que l’on peut réserver. Deux d’entre elles sont près de la bibliothèque Roger-Maltais, devant le pavillon Georges-Cabana (L’Expérimentale et Le Théâtre), alors que la troisième se situe en face de la Faculté des lettres et sciences humaines (La Créative).

L’expérimentale
Le théâtre
La Créative

Il est également possible d’envisager des lieux informels qui peuvent très bien convenir. Les terrains en pente du campus principal nous offrent de nombreuses aires de jeux pour des classes extérieures officieuses! L’espace gazonné offrant beaucoup de zones d’ombre entre la faculté de Génie et de Sciences est d’ailleurs un site idéal. On retrouve même, dans le haut de la pente, un préau (espace recouvert) attenant à l’École de musique, tables de pique-nique incluses (voir la première photo de l’article)!

Au Campus de Longueuil, l’Oasis offre un lieu propice à des enseignements extérieurs. Un jardin communautaire et des arbres l’agrémentent.

L’Oasis du Campus de Longueuil

Bien entendu, qu’importe la classe extérieure, il est important de s’assurer que tous puissent y accéder (mobilité) et que tous y soient confortables (météo).

Et la recherche?

Saviez-vous qu’il existe une Chaire de recherche sur l’éducation en plein air (CREPA) au sein de l’Université de Sherbrooke? L’objectif principal du professeur Jean-Philippe Ayotte-Beaudet et se son équipe est « de faire progresser les connaissances et les pratiques dans le domaine de l’enseignement et l’apprentissage en plein air en contexte scolaire ». Une priorité a été accordée aux recherches portant sur les niveaux préscolaire, primaire et secondaire, mais un intérêt pour l’éducation en plein air aux études supérieures (collégiales et universitaires) est bien présent.

Puis-je être soutenu?

Absolument! Le Service de soutien à la formation (SSF) vous offre du soutien que vous soyez une personne enseignante ou une personne davantage impliquée dans les programmes (coordination, direction, etc.).  Le SSF pourra vous aider à valider vos besoins et vous soutenir dans l’exploration de solutions.

En espérant que cet article vous permettra d’explorer des réflexions sur votre pratique enseignante ou celle de votre équipe enseignante, sur l’importance de la déconnexion du numérique et de la connexion à la nature, en ayant en tête cette idée de bien-être pour notre communauté étudiante!

À noter que cet article a été rédigé à la suite d’expériences vécues au sein de formations du Centre universitaire de formation en environnement et développement durable (CUFE) ainsi que du Service de soutien à la formation (SSF). Il ne représente pas un portrait scientifique complet sur le sujet, mais plutôt le reflet de réflexions à la suite de ces diverses expérimentations.

Pour aller plus loin 

Bourassa, B. et al. (2007) Apprendre de son expérience. Presses de l’Université du Québec. Québec, 181 pages.

Centre Mosaïque de Québec (2024) Pour une relation plus saine avec les écrans. https://www.centremosaique.ca/pour-une-relation-plus-saine-avec-les-ecrans/

Giuliano Rocco Romanazzi et al. (2023). Cultural ecosystem services: A review of methods and tools for economic evaluation, Environmental and Sustainability Indicators. Volume 20. https://doi.org/10.1016/j.indic.2023.100304.

Huynh, L. et al. (2022) Linking the nonmaterial dimensions of human-nature relations and human weel-being through cultural ecosystem services. Université de Tokyo. Science Advances,https://www.researchgate.net/figure/Frequency-of-the-CESs-mechanisms-and-constituents-of-human-well-being-documented-in-the_fig2_362514766

Institut de la statistique du Québec (2023) Santé physique, mentale et environnementale : faits saillants. Gouvernement du Québec. En ligne : https://statistique.quebec.ca/fr/produit/publication/sante-physique-mentale-environnementale-faits-saillants

Kolb, D. A. (1984). Experiential Learning – Experience as the source of learning and development, FT Press, 389 pages.

Pruneau, D. et Lapointe, C. (2022) Un, deux, trois, nous irons aux bois : l’apprentissage expérientiel et ses applications en éducation relative à l’environnement. Éducation et francophonie, 30(2), 241-256. https//doi.org/10.7202/1079533ar

Radio-Canada (2024) Quel est le temps d’écran idéal pour un adulte? Moteur de recherche- Radio Canada https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/moteur-de-recherche/segments/rattrapage/496550/hyperconnectivite-cyberdependance-anxiete-sante-ordinateur-travail

Rose, C. (2006) L’apprentissage par le service communautaire. Association Canadienne de l’apprentissage par le service communautaire. Disponible à https://slideplayer.fr/slide/2825342/

Statistique Canada (2022) Les troubles mentaux au Canada, Statistique Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2023053-fra.htm

Université Laval (2024) Apprentissage expérientiel en milieu communautaire. Université Laval, disponible à https://www.enseigner.ulaval.ca/pedagogie/apprentissage-experientiel-en-milieu-communautaire

University of Waterloo (s.d.) Incorporating service Learning into University Courses. Centre for Teaching Excellence. Disponible à  https://uwaterloo.ca/centre-for-teaching-excellence/catalogs/tip-sheets/incorporating-service-learning-university-courses

Yemini, M., Engel, L., & Ben Simon, A. (2023). Place-based education  a systematic review of literature. Educational Review, 1–21. https://doi.org/10.1080/00131911.2023.2177260

 

 

 

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