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Des alliances au service de la conception d’espaces d’apprentissage

Au cours des deux dernières décennies, l’Université de Sherbrooke s’est dotée d’espaces d’apprentissage actif tels qu’une salle des marchés (École de gestion), des salles d’apprentissage actif, un centre de simulation (Faculté de médecine et des sciences de la santé) et un studio de création (Faculté de génie) pour ne nommer que ceux-là. Ces espaces ont la vocation de rendre les personnes apprenantes plus participatives, plus actives, responsables de leurs apprentissages. Ces espaces façonnent les apprentissages selon la manière dont ils ont été configurés. Pour aider les personnes enseignantes à concevoir des activités pédagogiques actives dans ces lieux, il existe une grande variété de ressources et de formations. Cependant, celles-ci ne sont pas toujours contextualisées aux espaces et ne répondent pas nécessairement aux défis vécus par les personnes qui les utilisent.

Bien que de nouveaux espaces se construisent et que des réflexions sur ces espaces aient lieu depuis plusieurs années déjà, au cours de la dernière année le Service de soutien à la formation (SSF) a mis sur pied un groupe de travail sur les espaces d’apprentissage visant à affirmer son expertise. Ce groupe a notamment pour objectif de documenter les divers services et processus institutionnels impliqués dans la création de nouvelles salles de classe, et ce, afin de mieux informer et accompagner toutes personnes impliquées dans une telle démarche au sein des diverses facultés et centres de l’Université.

Complexité du processus de conception d’un espace d’apprentissage

Un des premiers mandats du groupe de travail a été d’accompagner la Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) dans la transformation d’une salle de classe en espace d’apprentissage actif. Ce projet a permis de confirmer la complexité perçue d’un tel projet et de mettre le doigt sur un des enjeux souvent implicites d’une telle opération : chacune des parties prenantes impliquées porte un jugement expert sur la fraction des composantes du projet qui la concerne et selon l’interprétation qu’elle s’en ait faite. Le résultat est que la prise de décision sur le plan d’aménagement final de tels espaces repose sur la conciliation d’une multitude de dimensions en tension.

Si l’impact de considérer certaines dimensions peut sembler évident, d’autres peuvent parfois surprendre et compliquer la prise de décision. Par exemple, les dimensions financières (ex. le budget disponible), physiques (ex. le local ciblé et le nombre de tables possibles en ce lieu) et pédagogiques (ex. les méthodes pédagogiques envisagées) sont sans grande surprise au centre des questions relatives aux projets d’aménagement.  Cependant la gestion administrative (ex. taille des groupes), l’accès à l’électricité, la sécurité (ex. normes et réglementations), le confort et l’ambiance (ex. luminosité et ambiance sonore) apparaissent plus particulièrement lorsque la parole est donnée aux personnes enseignantes, étudiantes, ainsi qu’au personnel des services en périphérie de ces projets.

Pour le groupe de travail, l’intention est de pouvoir animer une démarche de conception d’espace d’apprentissage qui considère et intègre, dans la mesure du possible, ces diverses perspectives en tension afin de développer l’espace le plus adapté aux besoins exprimés tout en respectant les contraintes inhérentes à ce type de projets. Pour ce faire, trois leviers essentiels ressortent de cette première expérimentation :

  1. Se centrer sur l’activité des personnes étudiantes
  2. Lier l’activité des personnes étudiantes aux possibles configurations de l’espace
  3. Agrandir le cercle des personnes impliquées dans les discussions

Levier 1: Se centrer sur l’activité des personnes étudiantes

Un premier constat est que, lors de la création de nouveaux espaces d’apprentissage, l’attention est souvent portée sur leurs caractéristiques physiques et technologiques. Dans un contexte inflationniste où les coûts explosent, les projets de construction d’espaces d’apprentissage n’échappent pas aux défis financiers de notre époque. Surtout que l’engouement technologique participe à faire grimper la facture sans pour autant que l’apport effectif des technologies intégrées à ces espaces ne soit toujours démontré (Pimmel et al., 2019). Pour le groupe de travail, il apparait avantageux d’entamer les discussions en considérant dans un premier temps l’espace, voire l’environnement physique et technologique, comme une ressource au service de l’activité d’apprentissage (Reeves et Lin, 2020). Ce faisant, l’attention se porte sur l’activité étudiante souhaitée, c’est-à-dire de réfléchir à ce que nous visons que les personnes étudiantes fassent réellement « mentalement, physiquement et émotionnellement, ​​pendant une période durant laquelle elles sont censées apprendre quelque chose » (Goodyear et al., 2021). Dès lors, la question qui en découle est : « Qu’avons-nous besoin comme espace physique, technologique et comme ressources matérielles pour faciliter cette activité? » À ce titre, nous faisons référence à l’intention de créer des espaces capacitants (Fernagu, 2022), c’est-à-dire de considérer la capacité des espaces à faciliter l’apprentissage et le développement des personnes étudiantes plutôt que de la limiter.

Levier 2: Lier l’activité des personnes étudiantes aux possibles configurations de l’espace

La consultation du corps enseignant d’une faculté ouvre la porte à l’identification d’une grande hétérogénéité d’activités pédagogiques déployées et met au défi toute vision unique de l’usage d’un espace d’apprentissage. Ainsi, après une collecte des activités pédagogiques favorisées et une meilleure compréhension de leur déroulement, il est possible d’établir quelles configurations de l’espace assurent un déroulement optimal et la réalisation du plus grand nombre d’activités. Cette idée de réfléchir sur l’activité menées par les personnes étudiantes, ensuite sur les configurations qui y sont associées et, finalement, sur l’organisation de l’espace d’apprentissage assure une réponse aux besoins réels du corps enseignant et des personnes étudiantes. Dès lors, ce souci d’arrimage nous évite de construire de couteux espaces qui finalement ne seront pas utilisés à leur plein potentiel.

Des fiches pédagogiques détaillant des séquences d’enseignement et les configurations de la classe y étant associées ont été conçues pour le corps enseignant. Ces fiches sont disponibles sur le site du Service de soutien à la formation sous la licence Creative Commons CC BY. Téléchargez-les.

Levier 3: Agrandir le cercle des personnes impliquées dans les discussions

Aménager un espace d’apprentissage à l’Université est un processus complexe. Comme mentionné en début d’article, un projet d’aménagement de salle de classe comme celui de la FLSH nécessite l’expertise de plusieurs services : Service des finances, Service des immeubles, Service de soutien à la formation, Service des technologies et de l’information, Service à la vie étudiante, et encore. Le groupe de travail fait le pari que d’inviter les personnes représentantes de services-clés à la table de discussion est une stratégie qui pourrait certainement nourrir le processus. Le fait d’avoir une voix en cours de projet permet entre autres aux différents services de mieux exercer leur rôle d’expert-conseil. À titre d’exemple, lors des ateliers d’idéation réalisés à la FLSH, une personne technicienne en gestion de projets immobiliers et une conseillère en intervention psychosociale du Service de la vie étudiante étaient présentes, ce qui leur a permis, d’une part, de s’approprier ce que le corps enseignant souhaite réaliser comme activités pédagogiques et, d’autre part, de proposer des idées qui offrent un nouvel angle à ce qui est discuté.

Plan actuel du A6-1010 qui sera converti en salle d’apprentissage actif. Le Service des immeubles va retravailler l’éclairage, les finis ainsi que l’aménagement du local afin de le rendre plus adéquat aux besoins de la FLSH.

 Dans la suite des choses, le groupe de travail souhaiterait inclure également la communauté étudiante dans la démarche. On estime que leurs points de vue pourraient contribuer à enrichir à la fois les expériences d’apprentissage et les espaces qui y sont dédiés. D’ailleurs, lorsque des personnes usagères sont parties prenantes d’un projet, leur adhésion est généralement facilitée. À ce titre, la littérature sur l’étudiant partenaire (student partners) (Mercer-Mapstone et al., 2017) offre des modèles et des ressources pour réaliser de tels projets.

Conclusion

L’approche proposée par le groupe de travail en termes d’accompagnement à la création d’espace d’apprentissage actif est inspirée de celle de l’apprentissage par la conception (learning by design) (Cober et al., 2015; Voogt et al., 2015). Avec cette perspective, toutes les démarches où des personnes réfléchissent et discutent sur la conception d’espaces ou d’activités pédagogiques qui s’y dérouleront sont des occasions de mener une réflexion pédagogique, de fédérer une communauté de personnes autour d’enjeux pédagogiques et une opportunité pour le SSF d’offrir, ultérieurement, des formations et un accompagnement qui s’ancrent dans des besoins exprimés par la communauté facultaire. À ce titre, si vous êtes engagés dans un projet de conception d’espaces d’apprentissage, n’hésitez pas à communiquer avec nous à l’adresse suivante : SSF@USherbrooke.ca.

Pour aller plus loin

Nous vous invitons à participer à l’atelier L’espace d’apprentissage actif lors duquel vous aurez l’occasion de découvrir et d’expérimenter un espace d’apprentissage actif : un environnement flexible pour soutenir vos méthodes pédagogiques actives et pour favoriser la collaboration et l’engagement de vos étudiants.

Détails et inscription

Références bibliographiques

Cober, R., Tan, E., Slotta, J., So, H. J. et Könings, K. D. (2015). Teachers as participatory designers: Two case studies with technology-enhanced learning environments. Instructional Science, 43, 203-228. https://www.jstor.org/stable/43575284

Fernagu, S. (2022). L’approche par les capabilités dans le champ du travail et de la formation: vers une définition des environnements capacitants?. Travail et Apprentissages, 23(1), 40-69. https://shs.cairn.info/revue-travail-et-apprentissages-2022-1-page-40?lang=fr

Goodyear, P., Carvalho, L. et Yeoman, P. (2021). Activity-Centred Analysis and Design (ACAD): Core purposes, distinctive qualities and current developments. Educational Technology Research & Development, 69, 445–464. https://link.springer.com/article/10.1007/s11423-020-09926-7

Mercer-Mapstone, L., Dvorakova, S. L., Matthews, K. E., Abbot, S., Cheng, B., Felten, P., … et Swaim, K. (2017). A systematic literature review of students as partners in higher education. International Journal for Students as Partners. https://doi.org/10.15173/ijsap.v1i1.3119

Pimmel, É., Girardey-Maillard, M. et Gallie, É.-P. (2019, octobre). Modèle économique de la transformation numérique des formations dans les établissements d’enseignement supérieur [rapport]. Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR). République française. https://www.education.gouv.fr/modele-economique-de-la-transformation-numerique-des-formations-dans-les-etablissements-d-40853

Reeves, T. C. et Lin, L. (2020). The research we have is not the research we need. Educational Technology Research and Development, 68(4), 1991-2001. https://link.springer.com/article/10.1007/s11423-020-09811-3

Voogt, J., Laferriere, T., Breuleux, A., Itow, R. C., Hickey, D. T. et McKenney, S. (2015). Collaborative design as a form of professional development. Instructional science, 43, 259-282. https://link.springer.com/article/10.1007/s11251-014-9340-7

 

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