Il s’agit d’une expression qui nous vient tant d’Europe que des États-Unis et qui commence à se répandre dans les universités canadiennes (Western Ontario, Guelph, Toronto, Simon Fraser).
Alors que l’Association des universités et collèges du Canada traduit learning outcomes (ou LO) par résultats d’apprentissage et que l’École polytechnique fédérale de Lausanne évoque des acquis de formation, l’expression est parfois traduite par objectifs d’apprentissage ou même par objectifs pédagogiques. Nous avons préféré adopter la traduction qui semble la plus répandue en Europe francophone, soit celle d’acquis d’apprentissage.
La popularité de ces termes en Europe est directement attribuable au processus de Bologne et à la recherche d’équivalences entre les programmes pour faciliter la mobilité étudiante.
«L’Union européenne, dans son ECTS Users’ Guide – European Credit Transfer and Accumulation System for Lifelong Learning, les définit ainsi : il s’agit de propositions qui définissent ce que l’étudiant sait, comprend et est capable de démontrer au terme d’un parcours d’apprentissage (Learning outcomes are statements of what a learner is expected to know, understand and/or be able to demonstrate after a completion of a process of learning).» (Lebrun, 2011; en gras dans le texte original)
Chez nos voisins du sud, cette expression a été associée à des politiques visant à augmenter l’imputabilité des enseignants dans un système scolaire américain en crise.
«Les « learning outcomes » devraient être accompagnés d’examens critériés appropriés pour permettre de juger que ceux-ci sont bien acquis. Cette préoccupation centrée sur les résultats, et qui influence l’Europe, a été mise en œuvre aux États-Unis dans un contexte de grandes réformes du secteur éducatif primaire [Reagan, 1980; Bush, 2000]. Le but de ces réformes était d’agir sur le niveau de sortie des élèves de l’enseignement obligatoire en exerçant une pression sur les enseignants via des évaluations standardisées.» (Postiaux, 2013; notre emphase)
L’expression n’est pas nouvelle. Plusieurs auteurs l’attribuent à l’Australien John B. Biggs, coauteur de la taxonomie SOLO (Structure of Observed Learning Outcomes, 1982). Lors du récent colloque Questions de pédagogie dans l’enseignement supérieur qui s’est tenu à Sherbrooke en juin 2013, Nadine Postiaux, de l’École polytechnique de Bruxelles, la fait même remonter à Pavlov, Skinner et Watson : «Les learning outcomes ont donc un ancrage clairement behavioriste centré sur l’évaluation. L’objectif donné au système éducatif, son cahier des charges, est entièrement tourné vers le résultat de l’évaluation…» (Postiaux, 2013)
Ajoutons qu’il peut être question d’acquis d’apprentissage aussi bien au niveau des programmes – où ils touchent les profils de sortie des étudiants – que des cours individuels. On peut toutefois se demander pourquoi un concept associé aux résultats mesurables et observables d’une formation chez l’apprenant en vient à remplacer la notion d’objectifs pédagogiques dans certains plans de cours.
Les acquis souhaités pour une formation donnée sont «écrits, explicités et […] communiqués aux étudiants» qui deviennent partenaires de la démarche (Lebrun, 2011; emphase dans le texte original), d’où l’acronyme SLO (Student Learning Outcomes) souvent rencontré. La notion d’acquis d’apprentissage devrait donc s’inscrire dans une conception de l’enseignement où l’on se préoccupe autant du «comment l’on apprend» que du «qu’est-ce qui est appris». Sur son blogue, Marcel Lebrun, professeur en sciences de l’éducation à l’Université catholique de Louvain, explique en quoi les learning outcomes supposent un continuum entre les objectifs, les méthodes et les modes d’évaluation.
«… [C]’est à l’étudiant de construire ses connaissances et ses compétences au travers des activités qui lui sont proposées. Biggs préconise en effet une démarche pour accompagner l’étudiant dans son cheminement vers les Learning Outcomes. Après la détermination de ces derniers qu’il nomme d’ailleurs Intended Learning Outcomes (les Learning Outcomes projetés), il nous conseille de nous pencher sur l’évaluation (quels sont les critères et les indicateurs qui permettront à l’enseignant de dire que l’étudiant « sait, comprend et est capable de faire »). Ensuite, ensuite seulement, la méthode, le dispositif que l’enseignant mettra en place, et les ressources nécessaires. Voilà décrite brièvement « l’approche Learning Outcomes« . Il s’agit d’un alignement entre les méthodes (les tâches qui sont proposées), l’évaluation et les Intended Learning Outcomes… la fameuse cohérence entre les objectifs, les évaluations et les méthodes. (Lebrun, 2011; emphase dans le texte original)
Sources
«Educational Aims and Objectives», Wikipedia, dernière mise à jour : 23 avril 2013.
Daele, Amaury, «Rédiger des objectifs en termes de « résultats d’apprentissage »», Pédagogie universitaire – Enseigner et apprendre en enseignement supérieur, 5 août 2009.
Lebrun, Marcel, «Les compétences et les «CCC» : Capacités, Contenus et Contextes, Learning Outcomes, apprentissage et dispositif, approche programme», Blog de M@rcel, 8 juillet 2011.
Postiaux, Nadine, «Symposium : du référentiel de compétences aux Learning Outcomes, continuité ou
rupture? Expériences en formation d’ingénieurs», Actes du VII e colloque Questions de pédagogies dans l’enseignement supérieur, juin 2013, p. 930-932.