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Encadrer l’IAg : des balises pour un usage responsable

Avec l’émergence des outils d’intelligence artificielle générative (IAg), de nombreuses personnes enseignantes à l’Université de Sherbrooke se sont engagées avec détermination à relever les défis et à saisir les opportunités qu’ils offrent. Elles reconnaissent que les personnes étudiantes utiliseront ces technologies à divers niveaux dans leur vie professionnelle, citoyenne et personnelle. C’est pourquoi l’Université a opté pour une approche proactive : plutôt que d’interdire ou d’investir dans des solutions visant à en détecter l’utilisation, elle encourage la communauté enseignante et étudiante à se familiariser avec ces outils, à les intégrer progressivement et de manière critique dans les parcours de formation. Mais comment gérer cette intégration? Comment encadrer les usages pour permettre une utilisation dans certains cas, mais pas dans d’autres? Comment minimiser les risques d’usages non autorisés ou irresponsables?

Pour relever ce défi à la fois stimulant et complexe, une équipe de conseillers et conseillères pédagogiques du Service de soutien à la formation (SSF) a développé des outils qui visent à baliser les usages responsables de l’IAg en contexte universitaire. Développées en cinq niveaux, ces balises sont présentées dans cet article, ainsi que le processus qui a mené à leur création.

Des balises à cinq niveaux

Les balises d’utilisation des outils d’IAg se déclinent en cinq niveaux : niveau 0 (utilisation interdite), niveau 1 (limitée), niveau 2 (guidée), niveau 3 (balisée) et niveau 4 (libre). Celles-ci sont idéalement communiquées dans le plan de cours de chacune des activités pédagogiques d’un programme de formation de manière à permettre aux personnes étudiantes d’en être informées dès le début de la session. Les balises peuvent par ailleurs être précisées en annexe des consignes des activités d’apprentissage et d’évaluation, de même qu’elles peuvent être déposées sur le site Moodle du cours.

Ces niveaux d’utilisation ne sont pas prescrits par l’Université. Ils servent plutôt de balises pour encadrer l’utilisation de l’IAg dans les situations d’apprentissage et d’évaluation, et permettent de soutenir la réflexion quant à l’intégration de celle-ci dans les parcours de formation. D’ailleurs, les outils qui ont été développés sont disponibles sous la licence Creative Commons CC BY, ce qui permet à toutes et tous de les utiliser, de se les approprier et d’en faire une adaptation pertinente à l’égard de leur contexte pédagogique. Un dossier complet contenant les balises, et autres outils, est téléchargeable sur le site du Service de soutien à la formation.

Une posture transparente pour différentes parties prenantes

Les balises d’utilisation des outils d’IAg proposent la mise en place d’un processus transparent entre les personnes enseignantes et étudiantes. Ce processus implique entre autres, pour la personne enseignante, de préciser les usages permis et les conditions d’utilisation de l’IAg et, pour la personne étudiante, de déclarer l’utilisation qu’elle fait des différentes formes d’IAg dans le respect des règlements universitaires en vigueur.

Au niveau du programme

D’une part, les balises sont utiles aux directions de programme qui souhaiteraient réfléchir à l’intégration de l’IAg à l’échelle d’un programme. Ainsi, une direction de programme pourrait faire des recommandations à son équipe enseignante afin de favoriser une intégration progressive et judicieuse des IAg dans le parcours de formation. L’approche programme permet d’avoir une vision commune de l’apprentissage des outils d’IAg. De plus, elle favorise la cohérence entre les composantes d’IAg intégrées dans le parcours et l’harmonisation des pratiques pédagogiques et d’évaluation entre les personnes qui interviennent dans le programme.

Au niveau de l’activité pédagogique

D’autre part, pour la personne enseignante, il est attendu qu’elle précise les usages permis et les conditions d’utilisation des outils d’IAg de manière globale ou ponctuelle. Une personne enseignante pourrait déterminer que l’utilisation de ce type de technologies est cohérente avec les objectifs d’apprentissage ciblés dans son cours. Elle pourrait ainsi envisager d’intégrer l’IAg dans son cours complet ou dans une ou des activités d’apprentissage ou d’évaluation ponctuelles.

Au-delà de fournir des balises claires, il importe de tenir compte de l’utilisation appropriée de l’IAg lors de la conception des critères d’évaluation et de fournir des exemples spécifiques d’utilisations acceptables et inacceptables de l’IAg pour aider les personnes étudiantes à mieux comprendre les attentes. Il est d’ailleurs nécessaire de souligner plus que jamais l’importance de l’intégrité académique, en déclarant les utilisations qui en sont faites. Il est également recommandé d’ouvrir le dialogue avec les personnes étudiantes sur l’utilisation de l’IAg dans les contextes académiques et professionnels. Ceci permet de les encourager à poser des questions sur l’utilisation de l’IAg et de leur fournir des réponses claires. Dans une enquête réalisée à l’UdeS à l’automne 2023, un grand nombre de personnes étudiantes exprimaient leur besoin d’être encadrés et outillés, ainsi que leur crainte d’iniquité entre elles et de dévalorisation de leur diplôme (Meyer et al., 2024). Le déploiement de telles balises vient pallier cette situation en clarifiant les usages et les attentes.

Utilisation progressive : les 5 niveaux

Les balises se déclinent en cinq niveaux qui suggèrent une utilisation progressive des IAg. Essentiellement, les niveaux 0, 1 et 2 limitent, voire interdisent complètement l’usage des IAg, alors que les niveaux 3 et 4 les permettent.

Dans les niveaux 0, 1 et 2, l’utilisation est interdite ou restreinte parce que la personne enseignante considère que l’usage de l’IAg nuit au développement de compétences essentielles. Ces compétences peuvent être disciplinaires, comme elles peuvent être d’ordre méthodologique, rédactionnel ou informationnel. Considérant que l’utilisation de l’IAg requiert un esprit critique, il peut également s’agir d’une situation d’apprentissage ou d’évaluation sans IAg qui vise à développer celui-ci. Dans ces situations, la personne étudiante produit le travail elle-même et peut, si la personne enseignante l’autorise, utiliser les outils d’IAg pour l’aider dans ses apprentissages ou pour améliorer le travail produit.

Figure 1. Niveaux d’utilisation restreints

À titre d’exemple, la personne enseignante pourrait autoriser un niveau 1 d’utilisation (limitée) puisqu’elle souhaite donner l’occasion aux personnes étudiantes d’utiliser les outils d’IAg pour s’inspirer, générer des idées et explorer un sujet pour mieux le comprendre. Ou encore, elle souhaite que les outils d’IAg puissent les aider dans le domaine des langues en leur permettant d’identifier leurs erreurs et de se les faire expliquer, de générer un plan pour aider à structurer un texte, ou pour en traduire.

Dans les niveaux 3 et 4, l’utilisation prononcée des outils d’IAg est permise parce que la personne enseignante considère que les personnes étudiantes sont en mesure d’exercer un esprit critique et sont capables de juger de la qualité des contenus produits par ces outils. Ou encore, l’utilisation est encouragée parce que la situation d’apprentissage ou d’évaluation proposée contribue à développer leur esprit critique. Dans ces situations, la personne étudiante a recours aux outils d’IAg pour produire le travail préliminaire et s’assure ensuite de sa qualité en l’améliorant.

Figure 2. Niveaux d’utilisation prononcée

À titre d’exemple, la personne enseignante pourrait autoriser un niveau 3 d’utilisation (balisée) puisqu’elle souhaite permettre aux personnes étudiantes d’utiliser les outils d’IAg pour résumer ou rédiger des parties d’un texte, pour générer des images ou autres contenus multimédias, ou encore pour générer un plan ou un modèle d’une production et l’adapter. Le niveau d’utilisation libre (niveau 4) inclut tous les autres niveaux, de l’exploration à la production, ainsi que toute autre tâche particulière jugée complexe.

Gestion des délits

Ce qui importe est que, quels que soient les usages autorisés, la personne étudiante est tenue de déclarer l’utilisation qu’elle en a faite selon les consignes fournies par la personne enseignante, sans quoi l’utilisation peut être considérée comme un délit.

Lorsqu’il est question de l’IAg, les questions relatives au délit reviennent régulièrement. À cet égard, la position de l’Université demeure la même que pour tous les autres types de délit. C’est-à-dire, que tout motif laissant croire à la personne enseignante qu’il y aurait eu un usage non autorisé d’une IAg dans une situation d’évaluation est considéré comme un délit et doit être dénoncé auprès de la personne responsable des dossiers disciplinaires facultaires comme stipulé dans le Règlement des études. Faire un usage non autorisé des outils d’IAg est considéré comme du plagiat ou une forme d’aide non autorisée. La personne enseignante est alors responsable de produire la plainte en fournissant une preuve pertinente des faits reprochés.

L’importance de déclarer les usages

Toutes utilisations des outils d’IAg doivent être déclarées, et ceci est valable pour l’ensemble de la communauté universitaire. Lorsque les outils d’IAg sont utilisés par les personnes étudiantes, le SSF propose deux voies pour le faire : 1) utiliser un formulaire de déclaration de l’utilisation des outils d’IAg dans une production étudiante et 2) citer les contenus générés par l’IAg directement dans la production en utilisant les modèles de citations proposés.

Figure 3. Formulaire de déclaration: utilisation de l’IAg dans une production étudiante

Concernant le formulaire, il peut être utilisé par les personnes enseignantes qui ne souhaitent pas nécessairement que l’utilisation de l’IAg soit citée conformément aux normes en vigueur dans leur domaine disciplinaire, par exemple dans le style APA (American Psychological Association).

Ce formulaire à remplir par les personnes étudiantes propose simplement des champs à cocher qui consiste à préciser les utilisations qu’elles en ont faites, le type d’outils d’IAg utilisé, ainsi que les requêtes qui ont été utilisées. Au besoin, les personnes étudiantes sont invitées à insérer en annexe du formulaire ou de la production les réponses obtenues. Ces détails demeurent à la discrétion de la personne enseignante et doivent être clairement communiqués par celle-ci au moment d’expliquer le travail à effectuer.

Figure 4. Modèles de citations: utilisation de l’IAg dans une production

Les modèles de citations proposés permettent de citer correctement les contenus générés par l’IAg en se basant sur le style APA. Ceux-ci ont été produits conjointement avec le Service des bibliothèques et archives (SBA). Ainsi, ils concernent l’ensemble de la communauté universitaire et sont valables tant pour le contexte académique que celui de la recherche. À des fins pédagogiques, il est suggéré de toujours intégrer à une production les requêtes, de même que les réponses intégrales générées par les outils d’IAg. Celles-ci pourraient être intégrées directement dans le corps du texte ou en note de bas de page dans le cas de réponses courtes. Les réponses longues pourraient, elles, être insérées en annexe ou dans des documents supplémentaires, selon les consignes de la personne enseignante.

Considérant que les modèles de citations sont sujets à évoluer, il est suggéré de consulter régulièrement le libguide du SBA.

Choix des outils IAg

En guise de conclusion, il importe de préciser qu’à ce jour, l’Université de Sherbrooke ne fait aucune recommandation quant aux choix des outils d’IAg à privilégier. Néanmoins, pour sensibiliser la communauté universitaire à l’importance de les choisir judicieusement, le SBA suggère quelques critères de sélection, ainsi qu’une liste non exhaustive d’outils potentiellement intéressants. De manière générale, il peut s’avérer utile de se questionner sur la fiabilité de ces outils — dans quelle mesure les informations fournies sont-elles fiables? — sur les entités qui les ont produits — qui est le propriétaire ou le développeur de l’outil et à quelle fin a-t-il été développé? — et à l’égard des politiques de confidentialité des données — quelles sont les politiques prévues par l’entité créatrice, de quelle manière sont gérées les données fournies à l’outil et d’où proviennent les données obtenues à la suite d’une requête?

Certaines formulations de cet article ont été assistées par ChatGPT-4o mini (version 18 juillet).


Références bibliographiques

Meyer, F., Sénécal, A.-M., Piché, S., Bourque, C. et Lagacé, J.-C. (2024, 28-31 mai). Regards croisés: perspectives enseignantes et étudiantes sur les IAg [communication orale].  Congrès de l’AIPU, Sherbrooke, QC, Canada.

OpenAI. (2024).ChatGPT-4o mini (version du 18 juillet) [grand modèle de langage]. https://chat.openai.com/chat

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