Le 8 février dernier, dans le cadre du 20e anniversaire du Mois de la pédagogie universitaire s’est tenue la journée Favoriser l’innovation via l’apprentissage intégré au travail (AIT). Comme l’a judicieusement rappelé dans son mot de clôture Alain Tremblay, directeur général du Service des stages et du développement professionnel, il y a maintenant 58 ans que l’AIT est présent à l’Université de Sherbrooke, notamment par le biais du régime coopératif. Cependant, c’était la première fois que l’on y tenait une journée complète pour réfléchir à cette modalité de formation.
On définit l’AIT comme « une forme d’enseignement expérientiel pédagogique qui intègre aux études postsecondaires d’une personne étudiante des expériences d’apprentissage de qualité en milieu de travail ou dans un cadre pratique. Les expériences d’AIT comprennent un partenariat engagé d’au moins : un établissement postsecondaire, une organisation d’accueil et une personne étudiante. L’AIT peut se produire dans le cadre d’un cours ou d’un programme et implique la réalisation d’objectifs d’apprentissage liés à : l’employabilité, à l’agentivité, au transfert des connaissances et des compétences et à l’apprentissage tout au long de la vie. » CEWIL-ECAIT Canada (pour Co-operative Education and Work-Integrated Learning – Enseignement coopératif et apprentissage intégré au travail), qui a développé cette définition, fait d’ailleurs la promotion de ces objectifs.
Lors de cette journée, il a été question de l’intégration dans les parcours académiques de projets et mandats réalisés avec diverses organisations, d’apprentissages par le service communautaire, de stages de courte durée et d’AIT entrepreneurial. CEWIL-ECAIT Canada reconnaît neuf types d’AIT. On comprend donc que le concept d’AIT embrasse plus large que les seuls stages coop.
En avant midi, les personnes participantes ont d’abord pu entendre Anne-Marie Fannon, directrice du Work-Learn Institute de l’Université de Waterloo, venue présenter un cadre conceptuel pour l’évaluation de la qualité des programmes intégrant l’AIT. Les personnes intéressées par ce cadre conceptuel auront avantage à consulter ce livre blanc sur la question (en anglais). Par la suite, Charlene Marion, directrice générale de CEWIL-ECAIT Canada, a présenté des tendances émergentes dans le domaine de l’AIT. Parmi celles-ci, on compte l’impact de l’arrivée des intelligences artificielles, l’AIT en ligne dont l’approche COIL (Collaborative Online International Learning), des préoccupations pour les dimensions AEDIA (Approches autochtones, égalité, diversité, inclusion, accessibilité) de l’AIT, les microcertifications et la mise à niveau (upskilling) des compétences, notamment pour tenir compte de l’intégration de l’AIT à la formation continue. Par ailleurs, CEWIL-ECAIT Canada offre désormais un certificat d’intervenant en AIT (en anglais) pour favoriser la professionnalisation de personnes-clés habilitées à réfléchir aux processus institutionnels relatifs à l’AIT et à mettre en œuvre des stratégies d’amélioration de la qualité des programmes d’AIT.
Ce fut également le moment de découvrir diverses initiatives de membres de la communauté de l’UdeS en matière d’AIT. Karine Vézina, conseillère au Centre universitaire en environnement et développement durable a donné un aperçu travail effectué jusqu’à présent en vue d’un guide de référence sur diverses initiatives de types « clinique-école » (service à la collectivité) à l’UdeS. En préparation, ce guide important devrait être rendu disponible à la communauté universitaire vers la fin mai. Sondès Allal, coordonnatrice aux Programmes d’intervention dans la communauté (PIC) de l’École de gestion est venue présenter la différence et la complémentarité entre les projets du PIC et les Labos PIC dans le cadre du cours ADM651 « Moi, gestionnaires socialement responsable ». Par la suite, le professeur Jean Bibeau et Marie Texier, conseillère aux projets spéciaux à l’Accompagnateur entrepreneurial Desjardins (AED), ont partagé la philosophie qui sous-tend l’accompagnement qu’ils proposent aux personnes étudiantes porteuses de projets. Enfin, Djamila Ousmane Tinaou, agente de développement au Pôle régional en enseignement supérieur de l’Estrie, a présenté le portail « Apprendre avec VOUS » qui réunit sur une seule plateforme l’offre de services à la collectivité des universités et collèges estriens.
En après-midi, les personnes présentes ont pu vivre un atelier sous forme d’un « Café du monde » (World Café) qui a permis d’amorcer une réflexion institutionnelle sur les besoins et les moyens visant à soutenir l’innovation en matière d’AIT à l’UdeS. Les personnes participantes ont pu approfondir leurs réflexions sur des thèmes comme « les finalités de l’AIT pour une expérience de qualité », les « enjeux et leviers pour favoriser la qualité des expériences d’AIT », les « moyens et ressources pour assurer la qualité » de telles expériences. Dans une seconde ronde, on s’est questionné sur le développement des compétences des différentes parties prenantes (personnel enseignant, personnes étudiantes, milieux d’accueil), sur les changements souhaités pour de meilleures expériences et sur les impacts souhaités pour la communauté élargie.
Ainsi, certaines personnes participantes aspirent à ce que les diverses parties prenantes manifestent des intentions plus affirmées quant aux finalités de l’AIT, ce qui permettrait de clarifier les attentes mutuelles. On y voit des occasions de former de meilleurs citoyens pour l’université, de mieux connaître la relève pour les milieux de pratiques et de confirmer ses choix vocationnels en bâtissant son identité professionnelle pour chaque personne étudiante.
L’atelier aura aussi été l’occasion de voir émerger une foule d’idées visant à améliorer, mais aussi à mieux valoriser l’AIT à l’UdeS. Par exemple, le besoin de sensibiliser les parties prenantes à l’essence de l’AIT, la reconnaissance du travail sur l’AIT dans les processus de promotions professorales, la création d’un prix institutionnel pour les personnes enseignantes ou professionnelles qui se dévouent au développement de telles modalités pédagogiques exigeantes, l’apparition d’un « label » pour nourrir la fierté des employeurs et des milieux communautaires qui participent à la formation des personnes étudiantes, l’intérêt de voir les expériences d’AIT comme autant d’occasions d’enraciner l’appartenance régionale de personnes étudiantes.
Plusieurs ont reconnu le besoin de développer explicitement chez les personnes étudiantes des compétences dites « transversales » (ouverture, empathie, respect, collaboration, leadership, innovation, pensée systémique, éthique, etc.) pour les mieux préparer au marché du travail. Cependant d’autres constatent que le peu d’espace dans les programmes de formation et le peu de temps dans les milieux de pratique rendent difficiles de prioriser l’accompagnement et des modalités d’évaluation qui favorisent le développement individuel plutôt que la performance. En définitive, certaines personnes participantes souhaitent un changement de culture permettant de mettre la vocation pour l’éducation au cœur des actions des différentes parties prenantes, afin notamment de former des professionnelles et des professionnels réflexifs.