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Ces tendances qui changent le monde de l’éducation 

Chaque année, l’association EdTech, regroupant des entreprises à la pointe de nouvelles technologies, identifie les principales tendances concernant les technologies éducatives. En 2021, une étude sur le paysage technologique éducatif québécois (Edteq, 2021) révélait que l’analyse de l’apprentissage, l’intelligence artificielle et l’analyse de données massives seraient les tendances les plus déterminantes pour le domaine des EdTech au cours des cinq prochaines années. En 2023, les tendances EdTech à suivre de près, du fait de leur croissance continue, comprennent l’intelligence artificielle, l’edutainement, l’apprentissage immersif et la chaine de blocs. 

Comment ces innovations transforment-elles la manière dont nous enseignons et apprenons, et que devons-nous anticiper pour l’avenir?  

Dans les paragraphes qui suivent, nous explorerons de manière sommaire les quatre tendances mises en avant en 2023 : intelligence artificielle, edutainement, apprentissage immersif et chaine de blocs. Notre approche consistera à définir succinctement chacune des tendances, à identifier les changements qu’elles induisent, et finalement, leur impact potentiel sur l’apprentissage en illustrant par quelques exemples ou cas d’utilisation.  

L’intelligence artificielle, encore et toujours 

Depuis l’arrivée des intelligences artificielles génératives accessibles au grand public comme ChatGPT et DALL-E, l’intelligence artificielle (IA) gagne en popularité. Les outils d’IA générative les plus appréciés comptent par millions leurs abonnés. Ces outils offrent une interface conviviale et permettent de générer texte, image, son ou tout autre type d’information. 

À l’instar de huit personnes enseignantes interrogées sur l’impact des IA sur l’apprentissage pour le dossier spécial sur les IA en enseignement du Bulletin SSF, les IA génératives changent fondamentalement l’accès à la connaissance et le traitement des informations. Les outils de l’IA offrent plusieurs opportunités telles que générer des résumés, éditer, rédiger ou traduire des textes, vulgariser la science, programmer dans divers langages de programmation (ex. Python, Java, SQL, PHP), traiter et analyser des données, et plus encore. En contrepartie, la qualité des textes fournis par certains outils de l’IA générative donne l’illusion d’objectivité. Or, ces outils, nous le savons, peuvent transmettre de fausses informations avec une certitude qui leur confère une apparence de vérité (Léger-Rousseau et Beaudet, 2023). Pour plusieurs, les IA amènent un changement de paradigme étant donné son rapport à la connaissance. Plus que jamais, il est essentiel de favoriser le développement de l’esprit critique et la réflexivité, de même qu’il est indispensable de soulever les enjeux éthiques en lien avec l’utilisation des IA.  

Actuellement, les IA sont déjà utilisées dans divers scénarios d’apprentissage, qu’il s’agisse de tuteurs virtuels, de plateformes d’apprentissage personnalisées, de systèmes de notation automatisés ou d’outils de traduction (Lupeanu, 2023). Les IA ont la capacité d’améliorer le fonctionnement de l’apprentissage en analysant des quantités considérables de données, en identifiant des modèles et en réadaptant le contenu pour créer des parcours individualisés. Les IA peuvent ainsi être utilisées pour développer des systèmes d’apprentissage adaptatifs capables de modifier le niveau de difficulté du contenu en fonction de la réussite de l’utilisateur. C’est d’ailleurs ce que propose la plateforme de microlearning intelligente fondée sur les neurosciences Wooflash.  

Un autre cas intéressant d’utilisation est celui des manuels intelligents. Il s’agit d’un type de manuel numérique alimenté par l’IA, capable d’interagir avec les personnes utilisatrices sous la forme de questions-réponses. Dans ce type de manuels, la représentation des connaissances conceptuelles d’une discipline et des procédures d’inférence sont utilisées pour répondre aux questions de la personne utilisatrice. Cette dernière effectue ses requêtes en langage naturel de forme libre ou en sélectionnant des extraits du texte. Le système propose une réponse à la question et génère de nouvelles questions. Un exemple illustrant un prototype de manuel intelligent est Inquire Biology (Inquire: An Intelligent Textbook). Dans une expérience contrôlée, les personnes étudiantes des collèges communautaires utilisant Inquire Biology surpassaient celles qui utilisaient une version conventionnelle du même manuel (Chaudhri et al., 2015).   

L’edutain… quoi? 

Peut-être l’aurez-vous deviné, l’edutainment est la contraction des mots éducation et entertainment. Cette tendance désigne la démarche qui consiste à introduire une dimension ludique aux activités d’apprentissage. L’edutainment prend ainsi la forme de médias, de jeux et d’expériences conçus pour offrir des expériences d’apprentissage motivantes et permettre une meilleure rétention des apprentissages. 

L’intégration du divertissement est une tendance qui a pris de l’ampleur ces dernières années. De plus en plus de startups EdTech proposent des solutions innovantes pour la ludification de l’apprentissage. La recherche en andragogie, elle, montre que les activités d’apprentissage ludiques lorsqu’elles ont fait l’objet d’une réflexion approfondie et d’une conception soignée peuvent favoriser l’engagement des jeunes adultes, de même qu’elles peuvent améliorer leur processus d’apprentissage (Conklin, 2012; Dachner et Pollin, 2016). Cependant, la ludification n’est pas simplement l’ajout de jeux ou d’éléments de jeu dans un environnement d’apprentissage. Selon Gardet et Riché (2022), la ludification de l’enseignement consiste à concevoir une expérience d’apprentissage épique donnant du sens à une action et stimulant les personnes apprenantes à s’engager, permettant la validation de compétences, de niveaux et de progression, possédant une part d’imprévisibilité et de défis, et favorisant la collaboration ou la participation à une communauté.  

L’un des principaux avantages à adopter une approche ludique est qu’elle peut améliorer la motivation des personnes apprenantes, de même que leur perception de leur capacité à traiter de l’information complexe. Les activités d’apprentissage ludiques permettent de non seulement développer des compétences techniques et disciplinaires, mais également des compétences transversales telles que la capacité de communication, de collaboration, d’organisation, de résolution de problèmes complexes, de prise de décision stratégique, etc. De plus, la ludification est souvent réfléchie comme une activité de groupe qui suscite des interactions riches et encourage les échanges et les confrontations d’idées. Cette approche génère plus de spontanéité, un esprit d’initiative, de la créativité et de l’entraide chez les personnes étudiantes (Gardet et Riché, 2022). 

Un exemple éloquent d’edutainment est certainement l’environnement virtuel créé par l’Université du Québec à Chicoutimi pour son programme court en relation d’aide offert en ligne par le Centre des Premières Nations Nikanite (Pouliot et Rocheleau, 2020). Plongées dans un milieu urbain fictif, conçu à la manière d’une télésérie, les personnes étudiantes sont exposées à des interactions entre différents personnages aux prises avec des problèmes psychosociaux qui nécessitent un engagement collectif afin de les résoudre. Sur le plan pédagogique, des études de cas ont été utilisées, des jeux et des outils.  

Le E-LearningScape Access de l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés en France est un autre exemple de ludification de l’apprentissage (Arneton et al., 2022). Conçu autour de la mise en œuvre d’une société inclusive, le jeu a pour but de sensibiliser les personnes apprenantes aux notions d’inclusion et d’accessibilité. Les personnes sont ainsi plongées dans le rêve de Camille, avatar d’une jeune professionnelle, et invitées à répondre à ses interrogations avant son réveil. Sur le plan pédagogique, une réflexion métacognitive leur est ensuite proposée afin de leur permettre de prendre du recul sur ce qu’elles ont fait et appris. 

L’apprentissage immersif 

Comme son nom l’indique, l’apprentissage immersif consiste à immerger la personne apprenante dans un univers virtuel pour lui faire vivre des simulations réalistes de scénarios basés sur le monde réel. L’apprentissage immersif regroupe des applications technologiques qui ont des caractéristiques et fonctionnalités différentes : réalité virtuelle, réalité augmentée, réalité mixte, vidéo immersive 360 degrés et téléprésence. Cette approche ne remplace pas les solutions existantes, mais vient enrichir les expériences d’apprentissage tout en augmentant leur efficacité. Pourquoi l’apprentissage immersif figure-t-il parmi les prochaines révolutions de la formation? D’abord, les environnements immersifs attirent inévitablement l’attention des personnes apprenantes en les gardant engagées, alors qu’en présentiel, le temps de concentration optimale d’un adulte serait de 25 minutes (Institut des troubles d’apprentissage, s.d.). Ensuite, ils permettent la mise en pratique et exploitent la manière la plus naturelle de l’humain d’apprendre, soit par l’expérimentation. Finalement, ils sont facilement accessibles et permettent la répétition et le droit à l’erreur. 

L’apprentissage immersif est véritablement captivant. Nous sommes appelés à repenser l’enseignement et l’apprentissage sous un nouvel angle, tant d’aspects fascinants peuvent être explorés grâce aux technologies immersives. Il ne faut cependant pas se surprendre, cela peut être très exigeant en ce qui a trait à la conception. Selon Angulo Mendoza et al. (2023), la conduite de projets d’apprentissage immersif devrait ainsi suivre une démarche de gestion de projet des plus rigoureuse. Définir des objectifs pédagogiques et tenir compte de la charge cognitive associée au média qu’on prévoit d’intégrer sont alors essentiels. Lorsque ceci est pris en considération, les avantages sont nombreux. L’apprentissage immersif a le potentiel de stimuler l’engagement et la motivation des personnes apprenantes, de favoriser une compréhension approfondie de la matière et d’améliorer la rétention des connaissances grâce aux expériences d’apprentissage qui sont stimulantes et signifiantes. De fait, l’apprentissage immersif place les personnes dans des situations authentiques où elles peuvent expérimenter et résoudre des problèmes sans prendre de risques et sans les autres contraintes de la réalité.  

Selon une étude sur les usages des technologies immersives en enseignement supérieur (Lewis et al., 2023), on peut retrouver l’apprentissage immersif dans les domaines médical, artistique, historique et archéologique, et en astronomie. À titre d’exemples, ces technologies sont utilisées pour permettre aux personnes étudiantes d’effectuer des visites virtuelles de musées ou de sites anciens éloignés (histoire et archéologie), ou encore pour observer des phénomènes qui ne sont pas visibles à l’œil nu (astronomie). À l’Université de Sherbrooke, quelques projets d’apprentissage immersif et semi immersif (multimédia et vidéo 2D) menés à la Faculté de médecine et des sciences de la santé ont récemment été appuyés par un fonds d’innovation pédagogique :  

KnowledgeOne, une société d’experts-conseils montréalaise, a quant à elle utilisé l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle pour faire revivre un personnage historique : une conversation avec Isaac Newton (voir le prototype). Il s’agit là d’une expérience de réalité virtuelle totalement immersive, où la personne utilisatrice peut rendre visite à Isaac Newton dans sa salle d’étude recréée au manoir de Woolsthorpe et avoir une conversation avec lui, sur n’importe quel sujet lié à sa vie et à son travail. L’expérience intègre des capacités de synthèse du langage parlé au texte et du texte au langage parlé pour garantir une communication bidirectionnelle entre la personne utilisatrice et le Newton virtuel (Ping, 2023). 

La chaine de blocs 

La chaine de blocs (Blockchain en anglais) est une technologie permettant d’enregistrer et de stocker des transactions d’actifs numériques (par exemple, identités numériques, dossiers médicaux, dossiers éducatifs, etc.). Chaque transaction est enregistrée de manière à faciliter la traçabilité de l’opération (De Bem Machado et al., 2019). Cette technologie constitue une transformation majeure en matière de transparence, de sécurité et de décentralisation. 

Pour les établissements d’enseignement supérieur, la chaine de blocs semble très prometteuse. Dans une étude réalisée par l’entreprise Gartner (Moore, 2019), plusieurs aspects motivants ont été identifiés. Parmi ceux-ci, on souligne l’amélioration de la gestion des dossiers académiques, l’optimisation de l’efficacité des processus opérationnels existants, ainsi que la création d’un nouveau marché pour les actifs numériques.  

Cette technologie, caractérisée par sa traçabilité, peut notamment améliorer la gestion des dossiers académiques en simplifiant, par exemple, les transferts de dossiers et la reconnaissance des acquis entre divers établissements. Ceci permet une économie significative sur les couts de vérification des qualifications. À cet égard, on ne peut passer sous silence le cas Malta Blockchain Credentials (Grech et Camilleri, 2017). En 2017, le ministère de l’Éducation et de l’Emploi de Malte, en collaboration avec divers partenaires, a démarré un projet pilote pour numériser et émettre des titres et certificats académiques à l’aide de la technologie de la chaine de blocs et en utilisant la norme Blockcerts open standard. Ce système permet aux personnes détentrices de certificats d’accéder, de vérifier, de stocker et de partager leurs informations académiques à l’aide d’un portefeuille numérique (Blockcerts Wallet). Ce projet pilote a permis de délivrer plus de 2 000 certificats. Devant ce succès, le gouvernement maltais a étendu l’utilisation de la chaine de blocs envisageant d’inclure tous les établissements d’enseignement du pays et d’utiliser cette technologie également pour les archives publiques (Smolenski, 2021).  

Au-delà de la gestion de dossier, la chaine de blocs peut aussi faciliter la gestion de la propriété intellectuelle. Cette technologie peut servir à authentifier l’unicité d’une idée ou d’une invention, à enregistrer et protéger divers actifs liés à la propriété intellectuelle, tels que les droits d’auteur et les brevets, renforçant la protection contre les contrefaçons ou les usurpations (OMPI, s. d.). 

En matière de processus opérationnels, cette technologie peut simplifier le traitement des paiements des frais de scolarité. Ce processus habituellement complexe et impliquant plusieurs acteurs (étudiants, parents, institutions financières, etc.) peut être allégé par l’utilisation de cryptomonnaies. De nombreuses institutions ont déjà intégré cette utilisation. Par exemple, dès 2014, le King’s College à New York figurait parmi les premiers établissements américains accrédités à accepter le Bitcoin pour payer les frais de scolarité. En 2016, l’European School of Management and Technology de Berlin s’est distinguée en devenant la première université allemande à adopter le Bitcoin comme moyen de paiement et, l’année suivante, l’Université de Lucerne en Suisse lui emboitait le pas. Depuis 2017, un nombre croissant d’établissements d’enseignement supérieur, à travers le monde, a commencé à accepter le Bitcoin et d’autres cryptomonnaies, que ce soit pour les frais de scolarité, les dons, ou d’autres services.  

D’autres établissements ont décidé d’exploiter le potentiel de cette technologie au maximum. Tel est le cas de l’Université Woolf, initiée par des universitaires d’Oxford et Cambridge, qui aspire à être une université internationale, à but non lucratif, basée sur la chaine de blocs et les contrats intelligents, se positionnant comme l’Airbnb de l’enseignement supérieur. 

Conclusion 

L’utilisation des technologies en éducation et les technologies éducatives elles-mêmes sont en constante évolution, manifestant une agilité et une adaptabilité remarquables. Qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, de l’apprentissage immersif, de l’edutainment, ou encore de la chaine de blocs, chacune de ces tendances témoigne d’une quête constante d’innovation. En ce qui concerne les EdTech, plus qu’une simple fusion entre technologie et pédagogie, elles aspirent de plus en plus à repousser les frontières de l’enseignement et de l’apprentissage dans le but de s’adapter aux changements rapides de nos sociétés. 

Cependant, pour tirer profit de ces avancées, il s’avère indispensable d’adopter une approche pédagogique réfléchie pour s’assurer que, malgré ces innovations qui continueront à évoluer et à se succéder, l’éducation restera profondément ancrée dans une perspective humaniste. Dans cette perspective, la personne apprenante demeure le centre du processus et la technologie est un outil au service de l’apprentissage.  

Références bibliographiques 

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Arneton, M., Muratet, M., Vanbrugghe, A., Geffroy, V. et Ferrand, M.-H. (2022). Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 19(1). https://www.ritpu.ca/fr/articles/view/491  

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Dachner, A.-M. et Pollin, B. (2016). A Systematic approach to educating the emerging adult learner in undergraduate management courses. Journal of Management Education, 40(2), 121-151. https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1052562915613589  

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Lewis, F., Angulo Mendoza, G.-A., Brassard, C. et Plante, P. (2023). Usage des technologies immersives (réalité virtuelle, augmentée et vidéo 360) dans l’enseignement supérieur. Médiations & médiatisations, 15, 11-32. https://doi.org/10.52358/mm.vi15.330  

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Moore, S. (2019, 16 octobre). 4 Ways Blockchain Will Transform Higher Education. Gartner. https://www.gartner.com/smarterwithgartner/4-ways-blockchain-will-transform-higher-education  

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Ping, Ng (2023, 22 mars). [ÉTUDE DE CAS] Une conversation avec Newton. KnowledgeOne. https://knowledgeone.ca/etude-de-cas-une-conversation-avec-newton/?lang=fr  

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Smolenski, N. (2021). Blockchain for Education: A New Credentialing Ecosystem. Dans OECD Digital Education Outlook 2021. Pushing the Frontiers with Artificial Intelligence, Blockchain and Robots (p. 209-244). Éditions OCDE, Paris. https://doi.org/10.1787/6893d95a-en 

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