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Utilisation d’une production étudiante : avez-vous demandé la permission?

Ce travail étudiant est tellement bon que…

  • la professeure en a mis une copie sur Moodle à titre de modèle de ce à quoi ressemble le type de travail étudiant auquel elle s’attend;
  • le chargé de cours en a fait des copies qu’il a distribuées à des collègues d’autres départements dans d’autres facultés et à des membres de son association professionnelle;
  • le partenaire en a publié une copie sur le site de son entreprise dans la section Ressources pour que ses employés s’en servent dans leur travail;
  • un professeur a inclus des schémas qu’il contenait pour une présentation dans un colloque ou encore pour un article scientifique;

Dans tous les cas, l’étudiante ou l’étudiant avait-il autorisé l’utilisation de son travail?  Parce que la Politique sur la protection de la propriété intellectuelle des étudiantes et étudiants et des stagiaires postdoctoraux est claire à ce sujet :

[e]règle générale, l’Université reconnaît que l’étudiante, l’étudiant possède les droits moraux et commerciaux du droit d’auteur sur les productions académiques* qu’il a accomplies pour répondre aux exigences de son programme d’études avec, toutefois, les modulations suivantes. (Article 6.2.1 Les productions académiques)

*    Production académique – Une production conçue ou mise au point par une étudiante, un étudiant, seul ou en collaboration, durant son programme d’études pour répondre à des exigences d’évaluation et de promotion.

L’Université de Sherbrooke n’est pas la seule à avoir pris cette position.  En effet, selon Couture et Malissard (2010), 28 autres établissements universitaires reconnaissent que les étudiants sont les seuls détenteurs du droit d’auteur sur toutes leurs productions académiques.  Les deux chercheurs affirment que la reconnaissance de la titularité des droits sur les œuvres reliées aux cours ou programmes, devrait en principe aller de soi compte tenu des objectifs pédagogiques et de l’évaluation qui leur sont associés.

En septembre 2019, Copibec a rappelé aux étudiantes et étudiants qu’ils sont les premiers titulaires du droit d’auteur sur leurs travaux.

Vos travaux scolaires constituent, aux yeux de la Loi sur le droit d’auteur, des œuvres originales protégées. Dès la création de vos travaux, la Loi vous confère un droit exclusif sur l’exploitation de vos travaux. Ainsi, sauf exception, ni vos camarades ni vos professeurs ne peuvent exploiter vos travaux sans votre permission.

Ce principe fondamental du droit d’auteur s’applique à toute forme de travail scolaire, que vous soyez un élève de 1re année du primaire ou une éminente chercheuse en études postdoctorales.

[…]  Vous êtes autorisé à réutiliser vos travaux scolaires comme bon vous semble. Il n’est pas seulement question ici de les insérer dans votre portfolio pour gagner l’intérêt de vos futurs employeurs ou clients. En effet, vous pouvez en faire une exploitation commerciale. Par exemple, vous pouvez adapter votre maîtrise afin de la faire publier par un éditeur, reprendre votre thèse pour en faire un reportage scientifique ou exposer dans une galerie vos œuvres créées dans vos cours d’art. Les possibilités sont multiples!

Copibec mentionne dans une dépêche sur son site que certains établissements ont un règlement qui exige que leurs étudiantes et étudiants leur accordent une licence d’utilisation avec des conditions limitées. Mais pourrait-on imaginer qu’une étudiante, un étudiant préfère accorder d’emblée la permission d’utiliser sa production académique en lui appliquant une licence Creative Commons? Une première recherche documentaire sur Internet a permis de trouver un établissement universitaire, la Kwantlen Polytechnic University (KPU) de Colombie-Britannique, qui offre à ses étudiantes et étudiants la possibilité de signer une entente dans laquelle ils autorisent l’utilisation de leurs productions académiques en y appliquant une licence Creative Commons (Student Agreement to Publish Course Work under a Creative Commons License…). La signature de l’entente est à la discrétion des étudiantes et étudiants.

Voilà une pratique pour le moins audacieuse!  Est-ce là une voie à envisager?  Y a-t-il des conditions à mettre en place pour encadrer une telle entente afin de respecter le fait que les étudiantes et étudiants sont avant tout en formation, que leurs apprentissages seront évalués afin de pouvoir diplômer des professionnelles et professionnels compétents… 

Et les projets de création pouvant conduire à une invention? 

À l’UdeS, la Politique sur la protection de la propriété intellectuelle des étudiantes et étudiants et des stagiaires postdoctoraux est née d’une volonté du vice-recteur à la recherche de l’époque, le professeur Jean Nicolas, de répondre à plusieurs pressions, dont une demande prioritaire des étudiantes et étudiants dans un contexte où la valorisation commerciale faisait miroiter des millions et que les partenaires externes, notamment les entreprises qui jouaient un rôle dans le soutien financier de plusieurs projets de recherche, souhaitent clarifier les droits des uns et des autres en matière de propriété intellectuelle.   C’était en 2001. 

Aujourd’hui, 20 ans plus tard, de nouvelles pressions s’ajoutent à celles de l’époque, dont les deux suivantes : 

  • l’évolution des approches curriculaires faisant la part large au développement de compétences et à l’agir-compétent, qui demandent que l’évaluation des apprentissages se fasse dans des situations aussi proche de la pratique professionnelle que possible avec, parfois des tiers et ce, à tous les cycles et pas uniquement en recherche;
  • la demande des étudiantes et étudiants de faire des travaux significatifs, des travaux qui font une différence, qui « aident », qui « servent », bref, des travaux qui participent à la société et pas uniquement à l’évaluation de leurs apprentissages pour obtenir un diplôme.

L’UdeS a très bien senti ce changement chez ses étudiantes et étudiants ce besoin de créer, d’innover, de participer activement à trouver des solutions à des problèmes complexes pour un mieux-être sociétal, de collaborer (cocréer, coconstruire) avec le milieu pour plus de pertinence… Si la réalisation de travaux étudiants en collaboration avec le milieu existe depuis longtemps dans certains programmes plus professionnalisants, la modalité s’est répandue et ce, dans tous les cycles. De plus en plus de programmes contiennent des cours où les étudiantes et étudiants sont appelés à réaliser des travaux dans leur futur milieu de travail, qu’il soit public, parapublic ou privé, des travaux qui relatent une intervention en lien avec une problématique du milieu professionnel. La pertinence est au rendez-vous, pour la plus grande satisfaction des parties prenantes. 

En 2018, on a vu naître Createk, qui se définit comme un laboratoire de recherche, qui offre, via le Fab Lab, de l’équipement pour le prototypage et qui gère le Concours Createk – Famille J.R. André Bombardier pour soutenir le développement entrepreneurial technologique. 

Le 6 février dernier, on annonçait le Programme d’intervention dans la communauté (PIC), dans lequel on offre le cours ADM651 :Moi, gestionnaire socialement responsable. 

Les équipes étudiantes de ce cours de tronc commun de premier cycle à l’École de gestion travaillent en collaboration avec les organisations du milieu afin de les aider à prendre le virage de la gestion responsable et de développer leur responsabilité sociale, qu’il s’agisse d’évaluer leurs forces, d’alimenter leur idéation, d’animer leur réflexion, de trouver des solutions innovantes à leurs défis de gestion actuels et futurs ou de les accompagner dans le diagnostic, la mise en place, le déploiement et l’ajustement de leurs projets ou de leurs pratiques.

Ce ne sont là que deux exemples récents.  Il en existe probablement beaucoup d’autres et, dans ce nouveau contexte, la valeur des productions étudiantes vient de grimper en flèche… 

L’actuelle Politique sur la protection de la propriété intellectuelle des étudiantes et étudiants et des stagiaires postdoctoraux couvre-t-elle les nouvelles conditions de réalisation de ces productions étudiantes avec des tiers, notamment dans des contextes professionnels?  Si on se fie aux éléments de son préambule, il est permis de croire que oui, même si une certaine actualisation pourrait être appropriée.  (L’emphase par le gras est de notre cru.) 

1.1  Considérant

– que la formation des étudiantes et des étudiants, le perfectionnement des stagiaires postdoctoraux ainsi que l’avancement des connaissances sont au cœur de sa mission et que ces étudiantes et étudiants de même que ces stagiaires postdoctoraux s’engagent dans des activités d’enseignement, de recherche, de création et d’innovation;

–        l’importance de créer des conditions d’études et de recherche harmonieuses entre les divers acteurs et actrices de la recherche (étudiantes et étudiants, stagiaires postdoctoraux, professeures et professeurs, Université, partenaires externes) favorisant non seulement l’innovation, la diffusion des connaissances et leur accessibilité, la valorisation commerciale de la recherche et la protection contre l’utilisation abusive par une tierce partie, mais également une formation de qualité offrant un maximum d’atouts pour une carrière de haut niveau à tout étudiant ou étudiante qui termine son programme d’études et à toute ou tout stagiaire postdoctoral qui termine son stage;

–        que la reconnaissance de toute contribution intellectuelle à l’avancement des connaissances et à leur diffusion constitue l’enjeu central d’une politique sur la protection de la propriété intellectuelle;

–        la variété des intérêts des divers acteurs et actrices pouvant contribuer au succès des projets d’études des étudiantes et étudiants et ce, de tous les cycles, ainsi qu’au succès des stages des stagiaires postdoctoraux;

l’Université adopte la présente politique dans le but de traduire l’esprit dans lequel elle conçoit les droits et responsabilités des étudiantes et étudiants et des stagiaires postdoctoraux en matière de propriété intellectuelle et ce, dans le respect de sa mission et des valeurs universitaires.

1.2       La présente politique s’applique à toute personne détenant le statut d’étudiante ou d’étudiant ou de stagiaire postdoctoral à l’Université de Sherbrooke, conformément au Règlement des études et à la Politique d’accueil et d’encadrement des stagiaires postdoctoraux.

1.3       Elle porte non seulement sur les travaux réalisés dans le cadre des activités pédagogiques, sur les activités de recherche conduisant à la rédaction d’un essai, d’un mémoire, d’une thèse et sur ces documents, mais elle traite également des différentes situations dans lesquelles l’étudiante, l’étudiant ou la ou le stagiaire postdoctoral peut se retrouver.

1.4       Tous les membres de la communauté universitaire qui interviennent dans la formation et l’évaluation des apprentissages des étudiantes et des étudiants sont tenus au respect de la présente politique, et également, le cas échéant et dans la mesure du possible, tous les intervenantes et les intervenants avec lesquels l’étudiante, l’étudiant ou la ou le stagiaire postdoctoral se trouve en relation pour la réalisation de son projet d’études ou de recherche.

1.5       La présente politique vient préciser l’application dans le contexte de l’Université de Sherbrooke de la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur les brevets, de même que toutes les autres lois touchant la propriété intellectuelle, auxquelles tous les membres de la communauté universitaire sont soumis.

Dans tous les cas, une réflexion à l’aune d’une démarche éthique s’impose et promet d’être captivante…

Sources

Couture, M. et Malissard, P. La réglementation de la propriété intellectuelle dans les universités canadiennes. Chapitre 10 de l’ouvrage Propriété intellectuelle et université. Entre la privatisation et la libre circulation des savoirs (Couture, Marc; Dubé, Marcel et Malissard, Pierrick (2010), disponible en PDF sur  http://archipel.uqam.ca/3460

Copibec.  Saviez-vous que vous détenez les droits d’auteur sur vos travaux scolaires?  Site web de Copibec. 26 septembre 2019

Université de Sherbrooke.  Le Centre Lemaire de l’École de gestion de l’UdeS crée un programme unique au service des communautés.  Nouvelles UdeS.  6 février 2020.

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