L’examen manuscrit fait en classe est bien connu des étudiants de tous les niveaux. Il est utilisé depuis des centaines d’années pour mesurer les apprentissages dans le monde entier. À ce jour, il est le principal moyen pour évaluer les apprentissages de plusieurs programmes universitaires.
Pourquoi y a-t-il autant de mesures d’accommodement accordées pour les examens?
La rigidité de la forme de l’examen manuscrit et les limites imposées au moment de l’examen expliquent le nombre important de mesures d’accommodements accordées pour la réalisation des examens.
L’examen manuscrit en présence comporte de nombreuses contraintes, la principale étant précisément que l’examen est manuscrit. Il y a aussi la limite du temps accordé, le moment fixe de la passation, celle de la position assise durant toute cette période, sans oublier les irritants environnementaux (sons, mouvements environnants, alignement des personnes, nombre de personnes dans la même salle) et ainsi de suite.
Toutes ces contraintes inhérentes à la forme de l’examen sont indépendantes de la compétence ou des connaissances que l’examen lui-même est censé mesurer. Autrement dit, une personne peut très bien maitriser les savoirs ou savoir-faire demandés pour l’examen, mais avoir du mal à les démontrer parce que les contraintes de l’outil utilisé entravent cette démonstration. D’autres obstacles possibles? Non-fluidité de l’écriture manuscrite, attention portée davantage à la présentation qu’au fond par peur de laisser des erreurs ou des ratures, indisposition causée par un malaise soudain, fatigue, distraction causée par les personnes qui quittent la salle, immobilité du corps nuisible à la concentration… Cette liste apparaît infinie.
La forte présence de l’examen en contexte universitaire donne lieu à nombre de mesures d’accommodements qui engendrent des coûts humains et financiers. Ces mesures d’accommodement créent elles-mêmes la ségrégation d’un sous-ensemble de personnes étudiantes par rapport au reste du groupe. Sans compter que bien d’autres personnes sans accommodement sont contraintes par les obstacles inhérents à cette méthode d’évaluation.
Comment évaluer en délaissant le si populaire examen?
L’examen en contexte universitaire a la couenne dure. Romainville le soulignait en 2006 : même si les avancées scientifiques sur l’évaluation des apprentissages sont nombreuses, « la coutume tient lieu de compétence » et ces avancées percolent peu dans la pratique.
Plusieurs enseignants voudraient bien remplacer l’examen, mais par quoi? La réponse dépend de ce qu’ils veulent évaluer, c’est-à-dire les cibles d’apprentissage identifiées. En effet, évaluer sert à observer l’atteinte des cibles d’apprentissage par la personne étudiante. Avant de déterminer quelle méthode d’évaluation utiliser, il faut d’abord très bien cerner quels sont les apprentissages ciblés.
Un principe de base en pédagogie est l’alignement pédagogique (Biggs, 1996). L’alignement pédagogique à l’échelle d’un cours assure que toutes les activités du cours (exposés, conférences, travaux, lectures, discussions, etc.) concourent à permettre aux personnes étudiantes d’atteindre les cibles d’apprentissage. Ces cibles sont évidemment claires et bien connues de tous. Quant aux méthodes d’évaluation, un bon alignement pédagogique assure qu’elles collectent des données qui seront des « preuves observables » de l’atteinte des cibles d’apprentissage.
La nature des cibles d’apprentissage déterminera les méthodes d’évaluation qui permettent d’obtenir ces preuves pertinentes des apprentissages réalisés. Le domaine et le niveau des apprentissages influenceront quant à eux les méthodes d’évaluation utilisées, mais aussi l’ensemble des activités du cours.
Si des apprentissages de surface sont visés, des méthodes d’évaluation comme les questions à choix multiples (QCM), les quiz, les examens à réponses brèves permettent de recueillir des traces de ce type d’apprentissage. Si des apprentissages en profondeur et plus durables sont souhaités, la stratégie pour évaluer les apprentissages devra mettre en œuvre des moyens permettant d’observer des apprentissages plus ancrés. Ainsi, un travail de recherche, un portfolio ou un projet seront plus adaptés. En matière d’évaluation des apprentissages le one-size-fits-all n’existe pas! Ce tableau de Berthiaume et Deale (2013) illustre très bien ce propos.
Par ailleurs, un cours universitaire comporte de nombreux apprentissages à réaliser. Tout évaluer étant impossible, il faut à cet égard faire des choix et se questionner. Est-il pertinent d’évaluer la restitution d’informations? Comment se servir de l’évaluation comme levier pour des apprentissages en profondeur? Quelle méthode d’évaluation pourrait transformer la motivation extrinsèque en motivation intrinsèque?
Passer du traditionnel examen à une stratégie d’évaluation intégrée et inclusive requiert une réflexion approfondie, mais qui peut s’avérer passionnante. En attendant, voici quelques moyens concrets et facilement applicables pour réduire les contraintes que génèrent les examens.
Avant les examens
- Formuler des cibles d’apprentissage claires pour tous et les rendre visibles.
- Donner de nombreux exemples de questions types pour permettre la préparation à l’examen pour tous.
- Fournir de la rétroaction sur les réponses aux questions types, ce qui permettra aux personnes étudiantes d’apprendre de leurs erreurs avant l’examen.
- S’assurer toujours d’une parfaite cohérence entre les cibles d’apprentissages et les questions d’examen.
- Organiser une séance ou des séances de révision collective structurée. Le travail collaboratif facilite l’apprentissage d’un grand nombre de personnes, notamment grâce à la rétroaction des pairs et parce qu’il favorise l’engagement.
Pendant l’examen
- Autoriser une ou plusieurs pages aide-mémoire durant les évaluations — à moins que la mémorisation soit un critère de performance des cibles d’apprentissages évaluées dans son cours ou son programme.
- Autoriser l’utilisation des correcteurs orthographiques, des vérificateurs de grammaire et d’un logiciel de prédiction de mots pour tous — à moins que la qualité de la langue écrite – sans recours aux outils – soit un critère de performance des cibles d’apprentissages évaluées dans son cours ou son programme.
- Accorder un tiers temps supplémentaire à tous — à moins que la contrainte de temps soit un critère de performance des cibles d’apprentissages évaluées dans son cours ou son programme.
- Encourager l’usage de coquilles (ou bouchons) pour réduire les bruits environnants– à moins que la concentration dans un environnement bruyant soit un critère de performance des cibles d’apprentissages évaluées.
- Éviter de présenter un trop grand nombre de questions à choix multiples qui défavorisent les personnes ayant certains troubles d’apprentissage connus ou non.
Sources
Berthiaume D. et Daele, A. (2013). CHAPITRE 4 Comment clarifier les apprentissages visés par un enseignement? Dans : Berthiaume et Rege Colet éd., La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques (pp. 55-71). Berne, Suisse : Peter Lang SA.
Biggs, J. (1996). Constructive Alignment in University Teaching. HERDSA Review of Higher Education. Vol. 1.
Rege Colet N. et Berthiaume, D. (2013). CHAPITRE 16 Comment choisir des méthodes d’évaluation adaptées? Dans : Berthiaume et Rege Colet éd., La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques (pp. 55-71). Berne, Suisse : Peter Lang SA.
RomainvilleRomainville, M. (2006). CHAPITRE 1. Quand la coutume tient lieu de compétence : les pratiques d’évaluation des acquis à l’université. Dans : Nicole Rege Colet éd., La pratique enseignante en mutation à l’université (pp. 19-40). Louvain-la-Neuve, Belgique: De Boeck Supérieur.
Références complémentaires
Aubin, André-Sébastien, Données probantes en éducation : pour en finir avec l’évaluation formative. Perspectives SSF, février 2014.
Dubé, Jean-Sébastien, 10 idées pour repenser l’évaluation en ligne des apprentissages. Perspectives SSF, février 2014.
Gagnon, Lucie, Mieux s’outiller pour évaluer. Perspectives SSF, janvier 2011.