Lors de sa réunion du 27 février dernier, le Conseil des études a choisi de recommander au Conseil universitaire l’adoption de la refonte du programme de maîtrise en administration, concentration en gestion internationale. Regards sur un programme transformé en parcours de professionnalisation.
Bien plus qu’une mise à jour
Ce programme, créé il y a presque vingt ans, vient d’être réformé en profondeur. D’une part, l’environnement économique mondial a grandement évolué. L’importance que prennent désormais les pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil était difficilement prévisible il y a deux décennies. Si l’anglais est aujourd’hui la langue des affaires, il devient désormais important de maîtriser en plus une troisième langue.
D’autre part, tout en souhaitant capitaliser sur les grandes forces du programme dans sa forme précédente (cohorte fermée avec des étudiants de plusieurs pays, double diplomation qui facilite l’accès aux marchés du travail d’Europe et d’Amérique, personnel enseignant très mobilisé), on croit qu’il fallait en augmenter la cohérence. Des commentaires d’étudiants laissaient entendre qu’ils avaient l’impression de cumuler des cours utiles soit, mais sans toujours bien comprendre comment ils s’articulaient les uns aux autres… comme autant de morceaux d’un casse-tête difficile à assembler.
En vue de créer davantage de liens entre les activités pédagogiques, il a été décidé de tout mettre sur la table et d’effectuer une réelle rupture. « C’est un bouleversement énorme » explique Catherine Parissier, professeure responsable de la concentration, « On a revu les objectifs mais aussi les méthodes pour les atteindre. » Ce sont ainsi pas moins de vingt et un nouveaux cours qui seront développés. Le jeu en valait la chandelle puisqu’elle a la conviction que le contenu du nouveau programme est particulièrement bien adapté au milieu professionnel et que les étudiants en sortiront mieux préparés.
Branché sur le milieu
La concentration en gestion internationale constitue le premier programme de la Faculté d’administration transformé en parcours de professionnalisation. Pour la professeure Parissier, ce modèle de conception permet de maintenir un équilibre et d’établir des ponts entre l’acquisition de connaissances et le développement de compétences. « Je trouvais ça génial. Partons de l’expérience des milieux professionnels et essayons de voir où ça nous mène pour créer une formation universitaire solide sur les plans disciplinaires. » Pour y arriver, trois situations professionnelles types (SPT) ont été élaborées à partir d’entrevues avec des gestionnaires qui vivent la dimension internationale au quotidien :
« La complexité croissante des situations professionnelles amènera les étudiants à prendre peu à peu conscience des enjeux de la gestion internationale. Ils s’impliqueront d’autant mieux dans l’acquisition de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être », estime la professeure Parissier. Ainsi, le contexte géopolitique et culturel s’éloignera peu à peu des référents occidentaux. À l’usage du français comme langue utilisée dans les activités pédagogiques, on ajoutera progressivement l’anglais, puis une autre langue.
Toujours en vue de favoriser l’arrimage avec le milieu professionnel: une des activités pédagogiques de la troisième session se veut un projet intégrateur basé sur une problématique d’entreprise réelle. La quatrième session est conçue comme une porte d’entrée préparant à la vie professionnelle. Outre un séminaire intensif de stratégie, l’étudiant vivra un stage avec essai dans une entreprise, ce qui pourrait devenir un véritable « test avant l’embauche » dans certains cas. Ce qui rend Catherine Parissier le plus fière quant à ce programme refondu, ce sont les cours transversaux planifiés conjointement par des collègues de plusieurs départements. Cette interdisciplinarité s’avère enrichissante pour les enseignants tout en étant utile aux étudiants. Par ailleurs, la maîtrise compte un cours sur les équipes de travail virtuelles (« un défi majeur de l’internationalisation »), ainsi que des cours de réseautage (« une stratégie qui s’apprend »).
Mme Parissier se montre aussi très heureuse de la place donnée à l’apprentissage des langues grâce à un microprogramme intégré à la maîtrise et conçu en collaboration avec François Bleys, directrice de l’École de langues. « En affaires internationales, l’acquisition d’une troisième langue donne de la crédibilité », explique-t-elle. « Cela permet à l’étudiant d’être à l’aise dans les situations informelles, ce qui est essentiel dans certaines cultures où le fait de tisser des liens devient un gage de réussite pour ses projets. »
Rassembleuse
Le nouveau programme a nécessité la concertation d’acteurs de six départements de la Faculté d’administration, de l’École de langues, de l’institution-partenaire (ESCEM-Poitiers FBS), de Passeport- Réussite, du Service de soutien à la formation, du Service des stages, etc. Certains auraient pu voir l’apport de toutes ces parties prenantes comme une véritable cacophonie. D’aucuns disaient que ça ne marcherait jamais.
Catherine Parissier perçoit son rôle comme celui d’une chef d’orchestre. Elle mise beaucoup sur la transparence : tout soumettre et faire confiance. Elle a donc profité de la plateforme Basecamp, rendue disponible par le Service de soutien à la formation (SSF), afin de faciliter la collaboration en ligne. À chaque étape du travail, elle invitait ses collègues à réagir aux divers documents qu’elle y déposait et à l’alimenter.
Après avoir découpé les tâches à accomplir, elle a bâti un plan de travail et le programme s’est transformé grâce à la participation de tous les acteurs. Plusieurs séances de travail réunissaient tous les membres de l’équipe parcours, alors que d’autres se déclinaient en binômes. Cela a permis d’échanger des idées et de répondre aux appréhensions.
Défis et synergies
Il est vrai que, devant l’ampleur de cette aventure, certains enseignants vivent des craintes quant à la quantité de travail requise. En effet, préparer 15 heures de cours en commun peut être aussi exigeant (sinon plus) que de préparer 45 heures seul. Il peut être délicat de discuter de compétences et de connaissances à transmettre aux étudiants lorsqu’il y a des zones de chevauchement entre les disciplines (ex : le rôle du Fonds monétaire international n’est pas perçu de la même manière si l’on est en économique ou en finances). Cela nécessite de développer des visions communes. Accepter de travailler en collaboration n’est pas toujours aisé pour des professeurs et chargés de cours qui enseignent habituellement seuls et selon des méthodes pédagogiques traditionnelles.
Toutefois, de belles synergies ont émergé autour des trois situations professionnalisantes. Par exemple, l’apport des collègues du Département de systèmes d’information et méthodes quantitatives de gestion à des cours touchant les finances ou le marketing international a été une agréable surprise. Les membres de l’équipe parcours en sont venus à développer davantage de curiosité pour les autres disciplines. Pour la professeure Parissier, un effet de groupe s’est fait sentir et a porté le projet. On parle maintenant de la « gang de l’international ».
Reste que la professeure est catégorique: sans l’appui des différents paliers de direction, la refonte du programme n’aurait jamais vu le jour. Le fait que la vice-doyenne Rémillard et la doyenne Turmel aient crû au projet a permis son avènement, sans oublier l’appui du vice-rectorat aux études par le biais du Fonds d’innovation pédagogique. L’équipe parcours a aussi été accompagnée tout au long de la démarche par des conseillers pédagogiques du SSF. Catherine Parissier est bien consciente que le plus gros du travail reste à faire. En effet, si la refonte a été acceptée sur papier, les cours doivent encore être montés, offerts, évalués et réajustés.
Chose sûre, on va parler encore un certain temps de parcours de professionnalisation à la Faculté d’administration, puisque la maîtrise en communication marketing a connu une refonte du même genre. Elle sera bientôt soumise à son tour aux diverses instances. Bien qu’il soit encore relativement jeune (six ans seulement), ce programme a su profiter de l’approche « parcours de professionnalisation » pour capitaliser sur ses forces et confirmer l’adéquation de ses activités pédagogiques avec la réalité du marché du travail, tout en conservant le caractère rigoureux d’une maîtrise.
Le mardi 9 avril, dès 11 h 30, à la salle A9-162 de la Faculté de Droit, les professeurs Catherine Parissier et Jean-François Guertin partageront leurs expériences lors d’une communication intitulée Les parcours de professionnalisation à la maîtrise de type cours : deux parcours, deux démarches. Inscription requise auprès de Mme Maryse Beaulieu.