En mars 2017, Twitter comptait 313 millions d’utilisateurs actifs par mois qui envoyaient 500 millions de tweets par jour dans 40 langues. Cette masse d’information a rapidement été exploitée par des chercheurs pour en extraire des tendances quant à la dissémination de nouvelles, d’idées démocratiques, de maladies, etc. Par exemple, elle a récemment permis à des journalistes de Radio-Canada de constater que des faux-comptes avaient été utilisés pour amplifier l’opposition aux pipelines canadiens et à l’immigration.
S’il peut servir de base à différentes recherches, Twitter peut aussi leur donner de la visibilité. Un article publié au début du mois de février 2019 dans la revue Nature considère qu’une diffusion par Twitter peut augmenter le facteur d’impact d’un article scientifique. D’autre part, des appels se font entendre pour que Twitter serve de mesure d’impact alternative, donnant une idée de la résonnance d’un article hors de la communauté scientifique.
En enseignement, son utilisation peut constituer un facteur important de motivation au moment de demander des travaux aux étudiants, et ce à tous les niveaux d’études :
« Certaines activités menées avec Twitter « […] donnent un sens à l’intention d’écrire », dit un enseignant, par le lien que cette plateforme de micro-blogging établit avec un lectorat étendu au-delà des murs de l’établissement… […] [L]es enseignants constatent un engagement plus fort dans les apprentissages et une meilleure participation. Différentes formes collaboratives de travail des élèves en classe sont mises en œuvre. » (Delasalle et Marquié, 2015)
Les étudiants peuvent se servir des mots-clics (hashtags) pour se documenter sur un sujet et identifier des communautés d’intérêt pour approfondir leurs connaissances (par exemple, le mot-clic #highered aurait été mentionné 17 000 fois en une semaine à l’été 2018).
La concision requise par ce réseau (280 caractères depuis septembre 2016) permet aux enseignants d’envoyer des rappels aux étudiants, de leur présenter des résumés de la matière vue en classe ou d’organiser des quiz rapides. Plusieurs s’en servent pour échanger de bonnes pratiques pédagogiques avec des collègues, y voyant même une « salle des profs virtuelle ». De facto, Twitter est autant « objet de formation (en autoformation, en co-formation ou par l’institution), lieu de formation (sessions en ligne, communautés de spécialistes), support de contenus et de ressources et outil de veille et de perfectionnement de compétences dans la durée. » (Delasalle et Marquié, 2015)
Toutefois, tous les réseaux sociaux sont chronophages, ce qui peut certainement nuire à une carrière universitaire productive :
“…The self-discipline required to establish an academic career – not to mention to handle the workload encountered once that career is established – may be incompatible with the worst extremes of time-wasting behaviour. However, when it comes to conducting or writing up their research, academics and students often lament the perils of procrastination – and social media is a ready-made consumer of time when deadlines are vague and far off.” (Custer, 2018)
L’immédiateté et la virulence des réactions sur Twitter peut parfois surprendre, surtout quand elles ont trait à des projets développés pendant des mois ou à des articles rédigés avec nuances par leurs auteurs. C’est ce qu’ont vécu la professeure Rebekah Tromble de la Leiden University et Patricia Rossini, chercheure postdoctorale à l’Université Syracuse dans l’état de New York. Elles ont reçu des menaces de viol et de mort dans les heures et les jours suivants l’annonce d’un projet de recherche… portant sur les discours intolérants véhiculés par Twitter.
Notons que le potentiel de recherche du réseau a été considérablement restreint l’été dernier. Auparavant, des chercheurs pouvaient développer des logiciels qui sollicitaient l’Interface de programmation d’application (Application Programming Interface ou API) de Twitter, afin d’obtenir les données dont ils avaient besoin sur un sujet précis pour une période de temps spécifique. En juillet 2018, la compagnie a annoncé que les chercheurs devraient d’abord demander accès à son API pour de tels projets, afin d’éviter des usages malicieux de ce programme.
Le problème, c’est que cette demande d’autorisation permet aussi à la compagnie de décider quel chercheur peut utiliser ses données. Voilà qui inquiète la professeure Kara Alaimo, qui pense que certaines recherches féministes, sur le genre ou la racialisation pourraient s’en voir refuser l’accès:
“…[I]t shouldn’t be up to Twitter or Facebook to decide whether professors are allowed to study subjects like identity politics. They should make access to their data available for free to academic researchers. The social networks should either make all historical posts available on their websites through advanced searches or, if they want companies to have to pay for such data, they should set up a separate way for academics to access past posts for free without having to justify their projects.” (Alaimo, 2018)
Comme d’autres outils technologiques puissants, Twitter peut faciliter le travail des universitaires… ou l’entraver.
Sources
Alaimo, Kara, « Twitter’s Misguided Barriers for Researchers », Bloomberg, 16 octobre 2018
Custer, Sara, « Social media: the good, the bad and the ugly », Times Higher Education, 12 juillet 2018
Delesalle, Cécile et Gérard Marquié, « Pratiques numériques en éducation : l’exemple des usages de Twitter en milieu scolaire », Terminal, no. 117, 2015
Lee, Jet-Sing M., « How to Use Twitter to Further your Research Career », Nature, 8 février 2019
Lynch, Mathew, « 12 Ways to Use Twitter in the Classroom », The Tech Edvocate, 13 janvier 2019
Mathews, David, « Threatened scholars: online harassment risks academic freedom », Times Higher Education, 14 février 2018
Yates, Jeff et Roberto Rocha, « De faux comptes Twitter étrangers contre les pipelines et l’immigration au Canada », Radio-Canada, 12 février 2019
Wikipédia, « Twitter », sans date [page consultée le 18 février 2019]