L’acquisition d’expériences pratiques est au cœur du plan stratégique de notre université. Souvent, l’expérience pratique est associée au stage en milieu de travail, au projet et à la simulation. Mettre en œuvre ces stratégies d’apprentissage expérientiel dans les programmes demande du temps, de l’argent et une vision bien ancrée dans une approche programme.
Mais favoriser et valoriser l’acquisition d’expériences pratiques peuvent aussi être l’affaire d’une seule personne enseignante ou, à tout le moins, s’inscrire dans les limites d’une seule activité pédagogique.
Quelles méthodes pédagogiques utiliser pour favoriser l’apprentissage expérientiel?
Le terme « expérience » réfère aux situations au cours desquelles il y a présence d’une interaction concrète entre la personne et son environnement. Pour assurer la qualité de l’apprentissage expérientiel, la situation d’apprentissage proposée devrait engager l’apprenant dans un processus qui demande de la réflexivité pour un apprentissage profond et un développement personnel significatif (Bédard et al., 2019).
Des situations d’apprentissage expérientiel à votre portée
Le présent texte propose des pistes à explorer qui ont été retenues parce qu’elles donnent aux personnes apprenantes le pouvoir sur leur processus d’apprentissage, qu’elles offrent une expérience d’apprentissage singulière et qu’elles demandent un temps de planification raisonnablement réaliste.
- Le jeu de rôle : cette stratégie consiste à inviter les étudiantes et étudiants à faire une interprétation spontanée et subjective du rôle d’un personnage dans une situation précise afin de mieux comprendre les motivations qui justifient des comportements. La personne apprenante a une grande liberté d’action quant à la manière d’interpréter ce rôle. La situation qui fait l’objet du jeu peut être structurée à l’avance ou non et elle vise à permettre d’aborder un problème particulier sous différents angles. Le jeu requiert la préparation d’un scénario de la situation simulée qui explicite l’environnement et le contexte de réalisation.
- Les ressources du milieu : cette stratégie consiste à faire appel à une ressource externe issue du domaine d’études. Cette ressource peut être une personne experte qui est soit invitée en classe, soit visitée dans son milieu de travail. Pour être significative, cette stratégie requiert des personnes apprenantes qu’elles réalisent un travail de préparation avant l’activité et de la personne enseignante qu’elle prévoit une activité de rétroaction et de suivi pour faire une synthèse des apprentissages réalisés une fois l’activité terminée. Les ressources du milieu permettent aux étudiantes et étudiants de varier leurs sources d’apprentissage et d’approfondir les notions préalablement acquises. L’exemple du cours Ateliers et classes de maître en musique illustre bien l’attractivité et la pertinence de mettre en relation les personnes apprenantes avec des personnes expertes du domaine d’études.
- L’aquarium : certaines techniques peuvent aider la mise en œuvre des stratégies de jeu de rôle et de ressources du milieu. C’est notamment le cas de la technique d’animation aquarium (ou fishbowl). Cette technique consiste à créer une classe à l’intérieur de la classe. Au centre, les personnes réalisent une tâche et, à l’extérieur, les personnes écoutent, observent et analysent les interactions. L’exemple du cours Counseling et modification de comportement démontre bien l’importance du retour réflexif sur l’expérience vécue, en plus d’expliquer comment l’aquarium aide à organiser concrètement le jeu de rôle. Avec une personne du milieu, cette technique constitue une alternative à la présentation traditionnelle et permet de donner aux personnes participantes le pouvoir d’orienter la présentation en fonction de leurs intérêts et de leurs besoins.
- La conférence de presse : cette autre technique serait tout à fait appropriée avec une ressource du milieu. La technique consiste à simuler un point de presse pendant lequel les journalistes (apprenants) posent des questions au président (la personne ressource) sur le sujet annoncé.
Préciser le contexte
Dans le cadre de travaux réalisés au début des années 2000, la professeure Lucie Mandeville affirmait qu’une situation d’apprentissage doit trouver une résonance chez l’apprenant pour être signifiante (Mandeville, 2009). En d’autres termes, cette situation devrait répondre à un besoin, qui reste le principal levier pour désirer apprendre. Selon cette auteure, l’activité proposée a de la valeur aux yeux de la personne apprenante lorsqu’elle favorise le développement de ses ressources qui seront, elles, réutilisées à d’autres moments ou dans d’autres lieux.
Pour que l’expérience soit marquante, il importe de choisir un contexte stimulant. De façon générale, plusieurs auteurs plaident en faveur des contextes qui se rapprochent le plus possible des contextes réels ou authentiques. En pratique professionnelle, les situations problèmes rencontrées sont variées et complexes et exigent la mobilisation de plusieurs ressources acquises antérieurement. Au moment de rédiger la mise en contexte, il faut tenir compte qu’un problème devrait représenter un défi suffisamment grand pour que les étudiantes et étudiants puissent construire activement les nouvelles connaissances. Les problèmes, pour être efficaces dans tous les sens du terme, doivent être adaptés au niveau de connaissances des personnes étudiantes, clairs (sans conduire à la solution), complets et complexes (Bédard, 2006).
Guider la réflexion
Peu importe la stratégie d’apprentissage expérientiel utilisée, il importe de prévoir une période d’autoréflexion suivant l’activité afin de permettre l’intégration de l’expérience. L’autoréflexion peut se dérouler immédiatement à la fin de l’activité ou faire l’objet d’un temps d’arrêt, ce qui permet de prendre le recul nécessaire à l’intégration. Le tableau suivant fournit quelques pistes pour guider cette réflexion.
But de l’autoréflexion | Compréhension de ses ressources et celles des autres, par exemple1 la personne étudiante… |
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Donner du sens aux apprentissages réalisés | Se situe au regard de l’expérience et de la situation vécue; Reconnait les attentes liées à la profession dans la situation vécue. |
Prendre conscience de différents aspects de sa personne (besoins, intérêts, compétences, etc.) | S’interroge sur sa façon d’agir et de penser; Cherche, identifie et reconnait l’émotion ressentie; Explique l’impact de ses émotions sur sa pensée et son comportement et sur sa relation avec les autres; Essaie de comprendre et explore ses pensées, ses croyances, ses valeurs, ses biais et leurs impacts sur ses actions; Se donne des objectifs et des moyens à partir de ses ressources et des ressources des autres afin de progresser. |
Transformer ou consolider son identité | Accepte l’existence des valeurs et des attentes professionnelles et les intègre dans sa pratique ou en situation pratique. |
Comprendre, analyser et synthétiser son raisonnement, ses émotions et ses actions | Analyse la situation en faisant ressortir ses particularités; Ajuste sa façon de penser et d’agir au contexte de la situation. |
Argumenter les décisions prises et évaluer les implications et les conséquences des décisions prises et des actions posées dans le but d’améliorer ses performances futures dans des situations similaires | Reconnait l’intérêt d’un ajustement face à la situation discutée; Partage la justification de ses ajustements; Sollicite des expériences et des points de vue différents et les intègre dans sa réflexion; Établit des liens appropriés avec ses apprentissages antérieurs; Établit des liens appropriés avec des situations nouvelles et anticipe ses actions. |
Nous conclurons qu’il est en effet possible de favoriser l’apprentissage expérientiel dans son cours. Les stratégies proposées ne sont qu’une toute petite parcelle du champ des possibles comme en témoigne la littérature (ex. Daele et Sylvestre, 2013; Ménard et St-Pierre, 2014; Prégent, Bernard et Kozanitis, 2009). L’idée étant qu’elles inspirent les personnes enseignantes à créer des situations pédagogiques à partir desquelles les étudiantes et étudiants se souviendront de leurs expériences.
Sources
Bédard, D. (2006). Problème. Dans B. Raucent et C. Vander Borght (dir.), Être enseignant : Magister? Metteur en scène? (p. 101-111). Bruxelles : De Boeck.
Bédard, D. et collègues (2019, 14 novembre). Discussion sur le positionnement et la stratégie de l’UdeS en termes d’optimisation des Pratiques d’Apprentissage Expérientiel (PAE). Université de Sherbrooke, Canada.
Catelin, C. et Mathieu, S. (2017). Niveaux de réflexion dans RDPP. Document interne (Intranet). Service de soutien à la formation, Université de Sherbrooke.
Daele, A. et Sylvestre, E. (2013). Comment dynamiser un enseignement avec des grands effectifs? Dans D. Berthiaume et N. Rege Colet (dir.), La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques (p. 149-164). Berne : Peter Lang.
Mandeville, L. (2009). Une expérience d’apprentissage significatif pour l’étudiant. Dans D. Bédard et J.-P. Béchard (dir.), Innover dans l’enseignement supérieur (p. 123-138). Presses Universitaires de France.
Ménard, L. et St-Pierre, L. (2014). Se former à la pédagogie de l’enseignement supérieur. Chenelière éducation.
Prégent, R., Bernard, H. et Kozanitis, A. (2009). Amorcer le développement de compétences par des exposés fondés sur des situations authentiques. Dans R. Prégent, H. Bernard et A. Kozanitis (dir). Enseigner à l’université dans une approche-programme (p. 65-104). Presses internationales Polytechnique.