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Les médias sociaux et l’enseignement : minidossier de veille

Depuis quelques années, une nouvelle famille de technologies web fait beaucoup parler d’elle. Il s’agit des médias sociaux, un nouveau type de sites web où les visiteurs peuvent participer activement à l’élaboration du contenu du site. Il en existe une grande diversité, depuis les sites de réseautage privé ou professionnel (Facebook, Myspace, LinkedIn) aux sites de partage de contenu (YouTube, Flickr, Digg), en passant par les sites de création collaborative (Wikipédia). Plusieurs auteurs prônent l’utilisation des médias sociaux en éducation, et ce du niveau primaire jusqu’aux niveaux postsecondaires. Le présent dossier de veille vise à répondre aux questions suivantes : En quoi consistent les médias sociaux? Pourquoi voudrait-on les utiliser en enseignement? Comment peut-on les intégrer à la formation de façon pertinente? Quelles sont les limites des médias sociaux?

Qu’est-ce que les médias sociaux?

Généralement, les médias sociaux sont des sites web partageant la plupart des caractéristiques suivantes :

  • une partie du contenu est générée par les usagers (visiteurs) du site plutôt que par l’éditeur;
  • les usagers du site peuvent interagir;
  • on peut savoir quel contenu vient de quel usager.

Des auteurs anglophones ont même collé une expression imagée à ce type de site en parlant du read/write web (le web en lecture/écriture), par opposition à la première génération de sites web où le visiteur ne pouvait que lire ce qui avait été publié sans pouvoir y apporter sa propre contribution.

L’expression «web 2.0» désigne habituellement les sites web s’inscrivant dans ce courant du read/write web. Par extension, on a vu émerger l’expression «éducation 2.0» pour désigner les pratiques de formation qui utilisent les médias sociaux. Cependant, il n’existe pas de définition qui fasse l’unanimité autour des termes «web 2.0», «éducation 2.0», «web social» et «médias sociaux». Il est donc recommandé de porter une attention particulière aux nuances que chaque auteur veut donner à ces expressions quand on se renseigne sur le sujet.

Les sites du web 2.0 sont donc des sites participatifs où l’utilisateur est actif dans la construction du site ou de la communauté qui l’entoure. Chaque utilisateur est potentiellement à la fois un producteur et un consommateur de contenu, dans des proportions variables.

Bien évidemment, il existe des utilisateurs de médias sociaux qui consomment plus qu’ils ne produisent, voire ne font que consommer. Dans plusieurs des médias sociaux, la majeure partie de l’activité sociale consiste à commenter les contenus préparés par d’autres utilisateurs, ou même à commenter les commentaires que d’autres ont laissés, menant à des conversations et, éventuellement, à la formation de communautés. On n’a qu’à penser à YouTube ou aux blogues, par exemple, pour constater que le nombre d’utilisateurs qui consomment des contenus publiés est largement supérieur au nombre d’utilisateurs qui commentent ces contenus, qui est lui-même largement supérieur au nombre d’utilisateurs qui publient initialement du contenu.

Quelques exemples de médias sociaux

Nous avons préparé une liste avec quelques exemples de médias sociaux très populaires. La liste n’est pas exhaustive, loin de là. Les médias sociaux qui figurent dans cette liste ont presque tous des concurrents, mais nous avons choisi de présenter seulement le joueur dominant de chacun des créneaux : Facebook, LinkedIn, Youtube, Flickr, Delicious, les blogues, Twitter et les wikis.

Facebook

C’est possiblement le plus populaire des médias sociaux. Ce site permet à ses utilisateurs de se créer un profil web où ils peuvent partager leurs intérêts, leurs photos, des messages et différentes activités. Les utilisateurs y réseautent en s’invitant entre eux à devenir des «amis Facebook». Une fois qu’une demande d’amitié Facebook est acceptée, les amis recevront des notifications des derniers changements à leurs pages Facebook respectives : nouvelles photos ajoutées, commentaires sur ce qui se passe dans leur vie, liens vers d’autres sites ou contenus qu’ils veulent partager dans leur réseau, etc. Il est possible d’y créer des groupes et des pages spéciales dites pages de fans, qui permettent de dépasser la limite de 5000 amis des pages personnelles. La principale utilisation de Facebook tourne autour de la vie personnelle : on utilise Facebook pour communiquer à son réseau personnel ses états d’âme, ce qui se passe dans nos vies, ce qui a attiré notre attention. On peut aussi y lancer des invitations à des événements. Facebook est très populaire chez les étudiantes et étudiants, qui le consultent plusieurs fois par jour pour y mettre à jour leur page et consulter ce que leurs amis ont ajouté.

LinkedIn

C’est un réseau professionnel en ligne. Un peu comme Facebook, LinkedIn est orienté autour du profil individuel que l’on crée dans le site. Contrairement à Facebook, qui est plutôt utilisé pour la vie personnelle, le profil LinkedIn est orienté autour de la vie professionnelle. On y reproduit notre curriculum vitæ et nos références professionnelles. Et on y invite des collègues, patrons et autres partenaires professionnels actuels ou anciens à joindre notre réseau professionnel et éventuellement à nous écrire des recommandations qui seront associées à notre profil. LinkedIn sert donc principalement au réseautage d’affaires et d’emploi. Il est possible d’y créer des groupes pour faciliter la communication entre des personnes qui partagent certains intérêts ou affiliations. LinkedIn est populaire surtout chez les professionnels et les cadres. Les finissants du premier cycle et les étudiants aux cycles supérieurs sont susceptibles de s’y intéresser en vue de leur insertion professionnelle.

YouTube

C’est un site de partage de vidéos. Les usagers peuvent y visionner des vidéos, intégrer ces vidéos à même d’autres sites web, créer des listes de vidéos favorites, commenter les vidéos existantes, etc. [suite…] Certaines organisations et plusieurs artistes y ont leur «canal», où ils rendent disponibles des vidéos promotionnelles, des vidéos de formation ou des vidéoclips. Chaque usager peut y déposer ses propres vidéos.

Flickr

C’est un site de partage de photos et, dans une moindre mesure, d’illustrations. Les photos publiées sur Flickr sont habituellement étiquetées avec des mots clés, ce qui permet de trouver facilement des photos portant sur un même sujet dans l’ensemble du site. On peut aussi ajouter des commentaires sous les photos publiées, ou ajouter des annotations directement sur les photos. Il est facile de naviguer dans la collection de photos d’une personne dont on apprécie la production. Plusieurs photographes amateurs de talent y rendent disponibles des photos pour lesquelles ils accordent explicitement des droits d’utilisation sans frais.

Delicious

C’est un site de partage de signets web. Chaque fois que l’on ajoute un signet dans Delicious, on peut y associer plusieurs mots clés, un commentaire, et même l’envoyer à d’autres utilisateurs. L’organisation des signets est donc plus facile que sur le navigateur, puisque l’on n’a pas à créer de classement hiérarchique par catégories et sous-catégories : il suffit d’associer autant de mots clés que l’on juge nécessaire à chacun de nos signets pour pouvoir les retrouver aisément quand on en aura besoin. Au moment d’enregistrer un signet, Delicious propose automatiquement des mots clés populaires que d’autres usagers ont associés à la même page. Chacun est libre d’utiliser ou non ces suggestions et d’ajouter ses propres mots clés. Grâce aux mots clés, il y a moyen d’effectuer une recherche globale sur l’ensemble du site Delicious pour trouver les pages les plus populaires associées aux mots clés qui nous intéressent. De plus, en tout temps, la page d’accueil de Delicious affiche les pages populaires enregistrées récemment par plusieurs utilisateurs et les mots clés qui y sont le plus souvent associés.

Delicious sert également de répertoire unique de signets que l’on partage entre tous nos ordinateurs et autres appareils mobiles qui accèdent au Web (téléphones portables, etc.).

En plus du partage entre nos propres ordinateurs, on peut partager des signets d’une façon très organisée avec d’autres visiteurs du site. Il est possible de créer des collections de signets selon certains thèmes et de les rendre publiques pour les partager à d’autres utilisateurs qui ont des intérêts en commun avec nous. On peut donc également visiter les collections publiques créées par d’autres utilisateurs.

Pour une introduction plus étoffée, voyez cette vidéo originale et très bien faite qui explique le fonctionnement de Delicious (en anglais, 3 min 22, avec bouton pour changer la narration en français) : Social bookmarking, in plain English.

Les blogues

Ce sont des sites personnels où un auteur rédige des billets sur des sujets qui l’intéressent et où ses lecteurs peuvent laisser des commentaires sous chaque article. Les blogues ont connu une grande popularité grâce à certaines technologies qui permettent de s’abonner à un site et ainsi recevoir des avertissements quand de nouveaux billets y sont publiés, sans avoir à aller visiter le site régulièrement pour vérifier s’il y a du nouveau. Les commentaires permettent à des gens de former une communauté où ils s’échangent leurs idées sur les sujets abordés dans le blogue. Il arrive qu’un autre blogueur réponde à un billet par un article sur son propre blogue, qu’il indiquera dans les commentaires du billet auquel il répond. Les sujets abordés sur les blogues sont très variés, au goût de chaque blogueur.

Twitter

C’est un site de microblogage où l’on publie de petits billets d’une longueur maximale de 140 caractères. Les billets se nomment des gazouillis (tweets). Chaque utilisateur s’abonne au flux twitter des personnes dont il trouve les gazouillis intéressants – on dit que l’on «suit» (follow) une personne – et il reçoit ensuite les gazouillis de tous les utilisateurs suivis au fur et à mesure qu’ils sont publiés, tout au long de la journée. Twitter est beaucoup utilisé pour partager spontanément des liens vers d’autres sites et pour commenter l’actualité en général ou celle de la vie personnelle : réaction à une nouvelle récemment publiée, commentaire en direct sur une émission de télé, lien vers un site d’intérêt, réflexion qui vient en tête du gazouilleur, etc. Au fil du temps, diverses conventions ont émergé parmi les utilisateurs de Twitter pour faciliter la communication, comme un système de mots clés nommé le hashtag (un mot clé précédé du caractère dièse, par exemple, #education2.0), qui permet de savoir ce que des personnes que l’on ne suit pas disent d’un sujet. Une autre convention est le retweet, où l’on republie pour notre propre réseau un gazouillis émis par une personne que l’on suit, avec attribution du gazouilli original à son auteur. Le format court de 140 caractères maximum force la concision et la créativité. Il existe des applications spécialisées qui permettent d’utiliser Twitter sans avoir à visiter directement le site web de Twitter, que l’on nomme des clients Twitter. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cet article d’Infobourg et cette procédure rédigée par le Centre régional de veille stratégique d’Alsace.

Les wikis

Ce sont des sites de documentation ou de référence dont la rédaction se fait de façon collaborative par un groupe de personnes. Le wiki le plus connu est Wikipédia, l’encyclopédie en ligne rédigée par des milliers d’internautes dans leurs temps libres. Les wikis permettent à chaque utilisateur d’ajouter des articles ou de modifier ceux qui existent déjà. Il est possible de consulter l’historique des modifications de façon à savoir par qui elles ont été faites et à quel moment. On peut ainsi consulter d’anciennes versions des articles. Certains wikis ont même une page de discussion associée à chaque article pour que les contributeurs puissent discuter entre eux des modifications réalisées ou projetées pour cet article (c’est le cas de Wikipédia). Les wikis sont beaucoup utilisés pour la documentation de concepts, de systèmes et de procédures et leur mise à jour est continuelle par une équipe. En éducation, plusieurs enseignantes et enseignants les utilisent pour proposer des activités d’apprentissage collaboratif à leurs étudiantes et étudiants. Pour une courte vidéo originale et très bien faite qui explique plus en profondeur le fonctionnement des wikis, voyez Wikis, in Plain English (3 min 34, en anglais, avec bouton pour changer la narration en français).

Pourquoi utiliser les médias sociaux en enseignement?

Plusieurs auteurs ont suggéré ou expérimenté des usages pédagogiques des médias sociaux. Les idées exprimées par un certain nombre de ces auteurs sont rapportées dans la suite de cet article avec des hyperliens pour en savoir plus. Ils avancent diverses raisons pour intégrer certains médias sociaux à la formation : trouver des contenus pertinents à proposer aux étudiantes et étudiants pour enrichir leur formation, aller rejoindre les étudiants dans les espaces numériques qu’ils occupent déjà, impliquer plus directement les étudiants dans la construction de leurs connaissances plutôt que de simplement leur transmettre des informations, développer leur esprit critique par rapport à l’information accessible sur Internet, explorer le potentiel pédagogique de nouvelles technologies, etc.

Y a-t-il un effet de mode dans l’engouement pour les médias sociaux en éducation? Certainement. Mais derrière cette mode, il y a des outils qui peuvent contribuer à une formation de qualité. La thèse présentée ici n’est pas de chercher à intégrer ces outils à tout prix, mais plutôt de les avoir à notre disposition lorsqu’une activité d’apprentissage peut en bénéficier.

Comment utiliser les médias sociaux en enseignement?

On peut concevoir de nombreuses façons d’utiliser les médias sociaux en enseignement. Nous avons choisi de les regrouper en trois grandes catégories d’utilisation, sachant toutefois très bien que ces catégories ne sont pas des contenants étanches. En effet, certains des usages proposés touchent à plusieurs catégories. Notre classement se fait autour des catégories suivantes :

  • repérer des contenus ou des pratiques que l’enseignante ou l’enseignant voudra utiliser directement dans ses cours, ou alors dont il voudra s’inspirer dans la création de ses propres activités et matériels pédagogiques;
  • faciliter la communication avec les étudiants et entre étudiants par le biais de technologies avec
  • lesquelles ils sont déjà familiers;
  • proposer aux étudiantes et étudiants des activités d’apprentissage où ils créent eux-mêmes des contenus seuls ou en collaboration, de façon à les mener à s’approprier plus en profondeur les connaissances abordées dans le cours et à les maîtriser suffisamment pour pouvoir les transmettre.

Repérer du contenu pertinent, trouver de quoi s’inspirer

Les médias sociaux peuvent être une source de contenu pertinent pour la formation. Voici les usages les plus courants.

Trouver des vidéos relatives à la matière du cours (sur YouTube ou d’autres sites semblables) que l’on peut présenter en classe ou dans le site web associé au cours (en respectant le droit d’auteur) ou en insérant un hyperlien vers la page originale où l’on a trouvé la séquence.

Trouver des photographies qui peuvent accompagner certains de nos documents ou diaporamas présentés en classe (sur Flickr ou un site équivalent, en respectant le droit d’auteur).

Consulter régulièrement des wikis et des blogues qui portent sur les sujets que l’on enseigne, de manière à pouvoir en proposer certains articles aux étudiantes et étudiants.

Joindre des communautés virtuelles (possiblement via Twitter, Facebook, LinkedIn et bien d’autres) qui partagent nos intérêts disciplinaires ou pédagogiques, pour partager des informations qui sont utiles en classe.

Par exemple :

La vitrine technologie-éducation propose de joindre des groupes Facebook de pédagogues qui partagent des pratiques et des réflexions sur l’utilisation des médias sociaux en éducation.

Certaines personnalités très actives sur Twitter publient beaucoup de commentaires et d’hyperliens portant sur l’usage des médias sociaux en éducation. Mario Asselin est l’un des plus connus et des plus prolifiques au Québec. Ancien directeur d’école, Mario Asselin dirige aujourd’hui une firme qui aide les établissements d’enseignement à s’approprier les technologies pour rehausser la formation. On peut suivre ses écrits sur Twitter et sur son blogue.

Un de ses articles qui a généré des discussions est la traduction d’une liste de 50 utilisations potentielles de Twitter en éducation, issue d’un billet original de Carol Cooper-Taylor.

Favoriser la communication avec les étudiants et entre eux

Facebook pour les cours? Pourquoi pas

S’il est délicat de devenir l’ami Facebook de ses étudiants et que plusieurs auteurs suggèrent de l’éviter, cela ne signifie pas que Facebook ne puisse pas servir en contexte éducatif.

Dans un diaporama rendu public, l’auteur Jim Pettiward propose de créer une fan page pour chaque cours dans Facebook, à laquelle les étudiantes et étudiants s’abonnent. C’est une façon de pouvoir communiquer avec les étudiants qui permet d’éviter la situation inconfortable de les avoir comme amis Facebook. Par le biais de la fan page, l’enseignante ou l’enseignant peut communiquer les consignes et échéances des travaux  faire des rappels répondre aux questions des étudiants pour le bénéfice de toute

échéances des travaux, faire des rappels, répondre aux questions des étudiants pour le bénéfice de toute la classe et permettre aux étudiants de contribuer eux aussi à la page du cours en publiant leurs trouvailles et en communiquant entre eux sur les thèmes abordés dans le cours.

Le Gloucestershire College utilise Facebook de cette façon. Le taux d’abandon de ses étudiants aurait diminué depuis. Les principaux usages qui semblent en être faits sont le rappel des événements du cours, comme les consignes et échéances des travaux, et l’aide entre pairs et de la part des enseignants. On a prévu du temps réservé par les enseignants pour répondre aux questions sur la page du cours.

Cette façon d’utiliser Facebook imite des fonctions habituellement offertes dans des environnements numériques d’apprentissage comme Moodle. L’avantage est que les étudiantes et étudiants consultent Facebook quotidiennement, ce qui n’est pas toujours le cas de Moodle ou des autres plateformes comparables. C’est une façon d’atteindre les étudiants là où ils sont plutôt que de leur demander de venir à nous.

Delicious pour partager des signets

L’enseignante ou l’enseignant peut utiliser son compte Delicious pour créer des listes de signets commentés qui sont pertinents pour ses cours. Cette façon de procéder a l’avantage que les étudiantes et étudiants peuvent se référer à cette liste même après que le cours soit terminé et qu’ils auront en tout temps accès à la version courante de cette liste.

LinkedIn pour la création et l’entretien d’un réseau professionnel

Il arrive dans certains contextes de formation, notamment la formation continue ou la formation dans le domaine des affaires, que la création et l’entretien d’un réseau professionnel soit souhaitable dès la période des études. LinkedIn est l’outil tout indiqué pour cela, puisque le profil personnel de chaque utilisateur le suivra aussi longtemps qu’il le désire, de même que son appartenance aux groupes auxquels il décide de se joindre. Par le biais d’un groupe LinkedIn, les étudiantes et étudiants peuvent communiquer entre eux même longtemps après les études et entrer en contact avec d’autres étudiants qui ont suivi le cours avant ou après eux.

Faire participer les étudiants directement

Emmanuelle Erny-Newton, du réseau éducation-médias, propose d’utiliser les médias sociaux pour poursuivre les buts suivants.

  • Développer la pensée critique : en outillant les étudiantes et étudiants pour qu’ils sachent évaluer la crédibilité des sites et des informations qui circulent sur Internet, puis en leur donnant des travaux où ils devront s’exercer à le faire. Il s’agit d’une composante essentielle de ce qu’on appelle maintenant les compétences informationnelles.
  • Développer la pensée créative : le web social favorise la rencontre et la mise en relation d’idées qui ne sont pas d’emblée liées entre elles. En naviguant dans le web social, on s’expose à une grande diversité d’idées et de points de vue que l’on peut recomposer ou dont on peut s’inspirer pour élaborer des idées originales.
  • Avoir des échanges authentiques : en exposant ses idées au monde réel plutôt qu’à son enseignant ou à son groupe d’étudiants, on peut recevoir de la rétroaction diversifiée et authentique parce que désintéressée.

En mars 2010, Lucie Audet, du Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada (REFAD), a publié un dossier très complet qui s’intitule Wikis, blogues et web 2.0 : opportunités et impacts pour la formation à distance. Il est accessible gratuitement en format PDF à partir d’une page de présentation. En 99 pages, Lucie Audet fait un excellent tour de la question et ses conclusions s’appliquent aussi à la formation en classe appuyée par des technologies web. Il s’agit d’un texte très bien structuré et documenté où tous les enseignantes et enseignants intéressés au web 2.0 trouveront des idées et des pratiques fort intéressantes et pertinentes.

Marcel Lebrun, professeur en technologies de l’éducation et conseiller pédagogique à l’Institut de pédagogie universitaire et des multimédias de l’Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve, en Belgique, suggère dans un entretien vidéo d’exploiter le potentiel du web social comme environnement d’apprentissage par exploration. Il propose que l’on tente d’utiliser les médias sociaux en classe comme un moyen d’entraîner les étudiantes et étudiants à «faire sortir l’ordre du chaos», en les poussant à identifier, à évaluer et à synthétiser les informations qui y sont présentées.

Une suggestion qui revient souvent est de demander aux étudiantes et étudiants certains travaux conçus spécialement pour être publiés sur un site web social choisi en tenant compte du contexte du cours. Au lieu de produire un travail qui ne sera vu que par l’enseignant et à la limite par ses collègues de classe, l’étudiant (ou les équipes d’étudiants) auront le défi de s’adresser au public vaste et diversifié du web social, qui pourra même possiblement s’appuyer sur leurs travaux et les commenter. Quelques exemples pour s’inspirer :

  • produire et publier des vidéos sur YouTube pour expliquer des notions apprises dans le cours;
  • publier sur Flikr des photos prises lors de travaux sur le terrain avec des commentaires permettant de démontrer la compréhension des notions relatives aux photos que les étudiantes et étudiants ont prises;
  • rédiger et publier des articles portant sur le sujet du cours dans des blogues ou dans des wikis publics.

Selon quelques témoignages recueillis, le fait que les étudiantes et étudiants sachent que leur production sera rendue disponible non seulement à toute la classe, mais à tout le Web, aurait un impact sur la motivation et sur la qualité des travaux rendus. Le travail scolaire peut alors avoir un impact réel sur le monde et être réutilisé par une autre personne à l’autre bout de la planète. Dans la tête des étudiants, il devient alors bien plus qu’un simple travail scolaire.

Plusieurs formations universitaires intègrent maintenant un type d’apprentissage que l’on nomme réflexivité : on amène l’étudiante ou l’étudiant à poser un regard critique sur la façon dont il applique ce qu’il a appris. Celui-ci peut partager cette réflexion avec son enseignant, mais aussi parfois à certains condisciples. Les blogues sont des instruments très utiles pour véhiculer la pensée réflexive lorsqu’elle doit être mise en commun avec un petit groupe. On les utilise parfois aussi comme un outil de portfolio électronique, habituellement là aussi avec une dimension réflexive. Le blogue est aussi un excellent moyen d’entraîner les étudiantes et étudiants à la rédaction de textes argumentatifs ou explicatifs qui s’adresseront à un public réel sur le Web.

Pour en savoir plus au sujet du blogue utilisé dans un but pédagogique, on peut consulter un article de Charles-Antoine Bachand, conseiller pédagogique au Cégep de l’Outaouais, rédigé pour Profweb et qui s’intitule «Bloguer pour enseigner et apprendre». Son article fait un très bon tour de la question des blogues en enseignement tant sur le plan technologique que sur le plan pédagogique.

Mais le blogue est un outil de rédaction personnel. Pour les enseignantes et enseignants qui cherchent plutôt un médium collaboratif, c’est le wiki qui est tout indiqué. Il est un excellent outil pour proposer aux étudiantes et étudiants des activités d’apprentissage collaboratif. Infobourg propose quelques scénarios d’utilisation pédagogique des wikis à partir des travaux de Renée Fountain, qui a développé une expertise en utilisation pédagogique des wikis et qui a publié un dossier complet sur le sujet sur le site ProfeTIC de la CREPUQ.

Entre le produit personnel partagé, comme le blogue, et le produit collectif partagé, comme le wiki, on trouve de nombreux outils, dont Twitter. Une enseignante française, Laurence Juin, a reçu beaucoup d’attention pour avoir expérimenté l’utilisation de Twitter avec sa classe. Elle a cherché à le faire de façon pertinente et bien intégrée au contexte de sa classe. Elle publie un blogue sur lequel elle partage ses réflexions sur cette expérience. En voici quelques articles triés sur le volet :

  • un qui résume le fonctionnement de Twitter;
  • un sur les retombées de son expérience;
  • et un sur les consignes d’utilisation de Twitter sur lesquelles elle s’est entendue avec sa classe.

Le site belge Pédago-TIC propose lui aussi une liste de 12 façons d’utiliser Twitter en éducation.

Critiques et limites des médias sociaux en enseignement

Bien évidemment, l’enthousiasme pour l’utilisation des médias sociaux en enseignement vient avec son lot de critiques.

Parmi celles-ci, le professeur Neil Selwyn émet les réserves suivantes quant à l’utilisation du web 2.0 en éducation :

  • L’immense majorité du discours sur l’usage des médias sociaux en éducation s’appuie sur des opinions et non sur des données probantes issues de recherches rigoureuses.
  • La majorité des utilisateurs de médias sociaux sont des consommateurs purs et non des producteurs de contenu.

Plusieurs chercheuses et chercheurs en sciences cognitives, en éducation et en neurosciences s’inquiètent aussi de l’effet de l’immersion des jeunes dans les médias sociaux sur leur capacité d’attention et de concentration. Divers spécialistes ont témoigné à ce sujet dans le documentaire Digital Nation, présenté sur les ondes de la chaîne publique américaine PBS et accessible en entier en ligne. Le journaliste Nick Carr a rédigé un article à ce sujet qui a reçu beaucoup d’échos et qui a mené à la publication d’un livre complet sur le sujet : The Shallows : What the Internet is Doing to Our Brains. L’usage des médias sociaux à consommation rapide (Twitter, Facebook, YouTube, etc.) aurait donc des effets secondaires lorsqu’on les utilise à long terme.

Dans l’ouvrage Efficiency in Learning : Evidence-based guidelines to manage cognitive load (publié en 2006 chez Pfeiffer), Ruth Colvin Clark, Frank Nguyen et John Sweller font une mise en garde sur l’apprentissage dans des contextes exploratoires et informels : il vaut mieux ne pas placer les novices dans de telles situations, à moins de bien les encadrer. En effet, les débutants dans un domaine quelconque n’ont pas assez de connaissances antérieures pour bien tirer parti d’une vaste sélection d’informations à explorer de façon libre. Clark et ses collègues proposent plutôt de commencer par des activités planifiées et encadrées pour que les étudiantes et étudiants construisent une base de connaissances préalables suffisamment étoffée pour leur permettre d’évaluer par eux-mêmes les nouvelles informations relatives au domaine. Une fois cette base bien installée, il peut être correct de les placer dans un environnement plutôt exploratoire et informel tel que la recherche libre.

Une autre critique de l’utilisation du Web social en éducation est que le choix d’une méthode pédagogique devrait se faire en fonction des connaissances à faire apprendre, et non en fonction des modes ou des tendances. Choisir d’emblée d’utiliser les médias sociaux avant même d’avoir considéré le contenu du cours serait mettre la charrue devant les bœufs : choisir les moyens avant d’établir les objectifs. Il est donc essentiel que l’utilisation des médias sociaux en éducation soit au service des objectifs d’apprentissage et non pas seulement pour répondre à un goût pour la technologie.

Conclusion

Comme toute nouvelle méthode pédagogique qu’un enseignant adopte, il convient d’aborder les médias sociaux avec un bon équilibre entre l’ouverture et la distance critique, et de bien se préparer avant d’y plonger.

Chez l’enseignante ou l’enseignant intéressé aux possibilités du web 2.0, les médias sociaux peuvent s’ajouter progressivement à son coffre à outils sans nécessairement y prendre toute la place. L’enseignant avisé les intègrera graduellement. Avant de débuter l’utilisation des médias sociaux, il convient de se renseigner et de se préparer pour bien comprendre et tenir compte des particularités techniques, pédagogiques et humaines de chacun de ces outils. Au moment de réaliser une première activité d’apprentissage de ce nouveau genre, il est essentiel que l’enseignante ou l’enseignant énonce des consignes claires à ses étudiants et qu’il s’en fasse des alliés dans cette nouvelle expérience. Il devra faire preuve d’adaptation si le déroulement diffère de ce qu’il avait anticipé.

Les gains pédagogiques les plus importants sont réalisés lorsque l’on intègre les médias sociaux dans des scénarios pédagogiques cohérents avec les objectifs d’apprentissage du cours et que l’on adopte des méthodes pédagogiques dites actives (où de nombreuses activités d’apprentissage consistent à faire travailler l’étudiant activement avec les connaissances qui lui sont présentées).

Les conseillers pédagogiques du Service de soutien à la formation sont disponibles pour aider les enseignantes et enseignants à s’approprier ces médias et à les intégrer pédagogiquement dans leurs cours.

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