Bulletin SSF
Réflexi2P

Je m’engage en FAD… Qu’en est-il de mes étudiantes et de mes étudiants?

par la professeure Marilou Bélisle, Nathalie Lefebvre et Géraldine Heilporn

Depuis 2018, l’i2P organise annuellement une table ronde pour discuter des pratiques et des défis que pose la formation à distance (FAD) pour les enseignantes et enseignants, ainsi que pour les étudiantes et étudiants. Dans la situation actuelle de pandémie, la FAD est maintenant au cœur des pratiques de tous les acteurs et de toutes les actrices de la formation universitaire. Ce sujet a fait l’objet d’une rencontre de la communauté de pratique en avril, puis d’une table ronde sur l’engagement des étudiantes et étudiants à distance en mai.

La première partie de cette rubrique vise à partager avec les lecteurs et lectrices les pistes de solutions qui ont été expérimentées par les membres de la communauté de pratiques et qui sont susceptibles de répondre à des questions du corps enseignant en général. En seconde partie, nous soulevons des questions au regard des trois dimensions de l’engagement des étudiantes et des étudiants (cognitif, affectif et comportemental) et proposons des stratégies à mettre en œuvre aux trois principaux temps d’un cours (avant-pendant-après).

Des réponses aux questions sur la FAD

Combien de temps dédier à une séance synchrone?

Fortes des expériences de travail auxquelles nous avons toutes et tous été récemment confrontés, nous, personnes enseignantes, avons accru notre conscience au regard de notre réelle capacité d’attention à distance. Imaginons un peu ce qu’il en est pour nos étudiantes et nos étudiants… Combien de séances synchrones vivent-ils chaque semaine?

L’expérience nous dit que la durée optimale d’une séance synchrone avec les étudiantes et étudiants est de 90 à 120 minutes, en réduisant le temps d’exposé le plus possible. Au-delà de deux heures, il sera incontournable de prévoir une pause (micros et caméras fermés) et d’annoncer l’heure précise de la reprise des activités (caméras allumées).

Pour des solutions applicables à l’enseignement afin de réduire le « décrochage » des étudiantes et étudiants lors des séances synchrones.

Comment rendre les étudiantes et étudiants actifs pendant les séances synchrones?

En privilégiant la présentation d’un exposé sous forme de capsules (captation audio ou vidéo) que les étudiantes et étudiants pourront regarder avant la séance, on peut alors consacrer le temps de présence à distance pour des échanges avec et entre les personnes étudiantes.

Pour en savoir davantage sur Adobe Connect ou Microsoft Teams, les plateformes synchrones disponibles à l’UdeS, ainsi que sur les façons de les intégrer dans Moodle.

Peu importe que les activités s’effectuent en grands groupes ou en petits groupes, donner un temps déterminé (1 à 5 minutes) aux étudiantes et étudiants pour réfléchir individuellement à une question et formuler une réponse par écrit (pour eux-mêmes ou dans le clavardage) leur permettra de se sentir mieux préparés et de contribuer de manière plus efficace aux échanges. Restera aux enseignantes et aux enseignants le défi d’apprivoiser ce temps de silence…

En grand groupe, il est possible de réaliser :

  • un sondage éclair et d’utiliser les réponses obtenues pour engager une discussion ou encourager les étudiantes et étudiants à défendre l’une ou l’autre des réponses;
  • un débat sur un sujet sensible ou d’actualité, ou sur la meilleure décision à prendre face à une situation donnée (après avoir assigné les deux positions qui s’affronteront à deux groupes d’étudiantes et d’étudiants);
  • un bocal (« fishbowl ») dans lequel quelques étudiantes et étudiants sont sélectionnés (aléatoirement ou pas) à un débat, jeu de rôle ou encore une simulation alors que leurs collègues sont des observateurs actifs qui se voient confier une tâche ou qui se donnent un défi à relever en tant qu’observatrices et observateurs;
  • un séminaire où, à tour de rôle, chaque étudiante ou étudiant présente une synthèse des écrits et anime une discussion sur un sujet donné ou simule une intervention à des fins de rétroaction et d’analyse en groupe;
  • une foire aux questions interactives où des questions de clarification ou d’approfondissement soumises au préalable par les étudiantes et les étudiants font l’objet d’une brève explication par la personne enseignante ou par un individu volontaire ou désigné (parfois les explications sont plus accessibles lorsqu’elles viennent des pairs, surtout lorsqu’on leur accorde un temps de réflexion lorsque nécessaire).

En petits groupes, pour une durée déterminée à l’avance, proposer des activités où les étudiantes et étudiants sont invités à :

  • soumettre des idées ou des parties de travaux au regard critique et constructif de leurs pairs;
  • résoudre un problème;
  • réaliser un projet;
  • expliquer leurs démarches et solutions proposées, réalisées ou en cours pour faire face à un problème ou une situation-problème;
  • mener un remue-méninges d’idées;
  • effectuer un jeu de rôle à trois où chacun joue, en alternance et pour une durée fixe, un rôle spécifique et différent des autres (ex. : client ou patient – praticien – conseiller);
  • se mesurer aux autres groupes pour réaliser un défi au cours d’une période de temps définie (ex. : résoudre un problème, proposer un plan d’action).

Pour assurer la participation du plus grand nombre possible, on interpelle chaque petit groupe lors d’un moment dédié à un retour en grand groupe. Lors des activités en petits groupes, un rôle différent peut être attribué à chaque membre du groupe, par exemple : rapporteur, scribe, gardien du temps, animateur. Lors des retours en grand groupe, c’est la personne qui a le rôle de rapporteur ou rapporteure, scribe, gardienne ou gardien du temps, animateur ou animatrice.

Pour éviter la redondance lors des retours en grand groupe, on propose que chaque nouveau rapporteur, chaque nouvelle rapporteure, revienne sur une intervention d’un groupe précédent (ex. : corroborer, contredire) ou présente des informations nouvelles ou une solution alternative permettant de répondre à la question ou de résoudre le problème discuté en groupe. On peut également soumettre une question ou un problème différent à chaque groupe; réponse ou solution qui sera ainsi soumise au regard critique et constructif de l’ensemble des individus dans le cours. Les forums de discussion peuvent également servir de lieu pour des échanges plus approfondis en mode asynchrone. 

De quelle manière fournir une rétroaction aux étudiantes et aux étudiantes sans me noyer?

L’utilisation d’une grille descriptive, comprenant des critères traduits en indicateurs sur une échelle d’appréciation en 3, 4 ou 5 niveaux, a l’avantage de fournir aux étudiantes et aux étudiants des attentes explicites, et connues à l’avance, pour obtenir un score ou une appréciation donnée. Pour la personne enseignante, même si la construction d’une telle grille exige du temps et des ajustements à la suite de mises à l’essai, le temps de correction pour chaque travail s’en trouve diminué. Pour ce qui est de commentaires personnalisés, la fonction audio dans la plupart des outils de bureautique et dans Moodle est généralement moins chronophage et très appréciée des personnes apprenantes.

Sachant que ces dernières ne tiennent pas toujours compte des commentaires émis sur une production ou une performance, on peut se demander

  1. si le moment où elles reçoivent une rétroaction est opportun pour leur permettre d’apporter des améliorations à leur production ou à une performance future dans le cours;
  2. si elles sont tenues de rendre compte des changements apportés à la suite d’une rétroaction de la personne enseignante ou d’un pair;
  3. si le nombre de commentaires émis est réaliste et axé sur des aspects que l’on juge prioritaires en fonction des apprentissages visés, des critères d’évaluation annoncés et du temps imparti pour effectuer les changements souhaités.

Si notre but est de soutenir l’apprentissage, se questionner sur l’ampleur et la pertinence de nos rétroactions, sur les meilleurs moments pour rétroagir et sur l’efficacité de nos stratégies amène naturellement à repenser certaines de nos pratiques d’évaluation.

Devrais-je évaluer la participation des étudiantes et étudiants dans un cours en ligne?

La réponse à cette question est mitigée, car elle varie selon les coutumes qui prévalent dans certains programmes, départements ou facultés. Si l’on revient à la raison d’être du cours en question, soit aux apprentissages visés, la réponse apparaît parfois un peu plus clairement. La participation est-elle liée aux apprentissages visés par mon cours? Comment se traduit-elle dans mon cours? Quels sont les indicateurs et les critères qui permettent de « noter » de manière signifiante la participation des étudiantes et des étudiants : le nombre de fois où un individu a été présent? le nombre d’interventions pendant une séance? la qualité de ses interventions? Même si un faible pourcentage de la note globale du cours est attribué à la participation, comment justifie-t-on une telle pratique, quel message cela envoie-t-il aux étudiantes et étudiants, quel sens revêt la note globale obtenue dans un cours? Par souci de cohérence, si la participation n’est pas liée explicitement aux apprentissages visés dans le cours et qu’elle est plutôt un moyen d’assurer une présence en classe (physique ou virtuelle), c’est qu’il est temps de revoir ses façons de faire pour favoriser l’engagement des étudiantes et étudiants.

L’engagement étudiant en trois dimensions et en trois temps

Comment susciter et maintenir l’engagement des étudiantes et étudiants dans un cours en ligne?

Cette question en sous-tend plusieurs autres que nous présentons ici en fonction des trois dimensions associées à l’engagement des étudiantes et des étudiants (Heilporn, 2020) : cognitif, affectif (émotionnel) et comportemental.

Sur le plan cognitif, quels liens font les étudiantes et étudiants entre les activités asynchrones et synchrones? L’utilisation d’organisateurs graphiques, comme un tableau ou une ligne du temps, pour synthétiser les éléments du cours par blocs ou par modules leur permettra d’avoir une vue d’ensemble du cours. En y intégrant les apprentissages visés dans le cours et les travaux ou modalités d’évaluation (tant formatives que sommatives) à réaliser tout au long du cours, on illustre la cohérence entre les différents éléments du cours (et de faire des ajustements au besoin). Comment les étudiantes et les étudiants s’approprient les contenus du cours? Quels liens font-ils entre les connaissances nouvelles et celles acquises antérieurement? Pourquoi ne pas les questionner sur leurs stratégies d’apprentissage et les encourager à partager leurs manières de faire et les outils qu’ils privilégient pour prendre des notes, rechercher, et colliger des informations, réaliser des synthèses, schématiser, rassembler des idées? Vous découvrirez sûrement une ou deux perles… Par ailleurs, les étudiantes et les étudiants apprécieront probablement que vous leur partagiez vos propres stratégies.

Sur le plan affectif, quel sentiment d’appartenance au groupe les étudiantes et étudiants entretiennent-ils? Quelles interactions ont-ils entre eux? Quel espace accorde-t-on à leur socialisation, leur intégration? Quel est leur degré d’intérêt pour ce cours? Le cas échéant, qu’est-ce qui explique leur manque d’intérêt? Quelle pertinence voient-ils aux activités proposées et aux travaux à réaliser en lien avec leurs orientations futures ou leur réalité professionnelle actuelle? Se sentent-ils capables d’y faire face? Sont-ils suffisamment outillés pour y arriver? Ont-ils le choix du sujet d’un travail, du format de sa présentation (ex. : présentation orale, capsule vidéo de type « Ma thèse en 180 secondes », Pecha Kucha)? Leurs travaux ont-ils une portée réelle, par exemple un public cible (pairs, praticiens, clients) ou une finalité signifiante (approfondir ses connaissances, faire avancer sa pratique)? Quelles occasions ont-ils de développer leur plein potentiel, de se responsabiliser face à leurs propres apprentissages et à ceux de leurs pairs? Se sentent-ils appartenir à une communauté apprenante? Voilà des questions qui méritent d’être posées aux étudiantes et aux étudiants et qui ont le potentiel de fournir des pistes d’amélioration prometteuses pour accroitre leur sentiment d’appartenance et de compétence au sein de votre cours.

Sur le plan comportemental, s’il est un aspect auquel la FAD confronte les enseignantes et enseignants, c’est celui de tenir compte de ce que les étudiantes et étudiants font en dehors des séances synchrones et d’estimer le temps qu’ils consacrent à ces tâches (ex. : lectures, travaux, échanges). L’exercice du questionnement peut être exigeant mais il permet parfois de comprendre pourquoi les étudiantes et étudiants arrivent peu préparés en classe. Est-ce par manque d’organisation, de temps, ou simplement parce qu’ils ne voient pas la nécessité de faire les lectures à l’avance? La présence en classe, la participation dans un cours (présentiel, en ligne ou hybride) et l’assiduité dans les tâches à réaliser sont autant d’indicateurs de l’engagement comportemental des étudiantes et des étudiants.

Si on adhère à l’idée qu’enseigner, c’est faire apprendre, on reconnaît alors toute l’importance de se pencher sur les pratiques mises en place par tous les acteurs (personnes enseignantes et apprenantes) dans un cours pour susciter et maintenir l’engagement des étudiantes et des étudiants. Car l’engagement est prédicteur non seulement de la persévérance dans les études mais également d’un apprentissage en profondeur et, ultimement, de la réussite. En tant que communauté universitaire apprenante, nous avons toutes et tous un rôle à jouer, un rôle dont les contours sont à définir en fonction des caractéristiques des individus dans un groupe et du contexte de formation. Il n’y a pas de recette magique, il n’y a que des bonnes questions à se poser et à creuser avec des personnes enseignantes et apprenantes!

En ayant en tête pour qui l’on enseigne et comment ces individus peuvent contribuer à l’avancement de nos propres pratiques, la figure ci-dessous présente quelques idées susceptibles de favoriser l’engagement de nos étudiantes et étudiants tout au long d’une session.

Téléchargez la présentation sur l’engagement (Heilporn, 2020) et à une synthèse des éléments discutés lors de la table ronde (Lefebvre, 2020).

Pour joindre la communauté de pratique, écrivez à i2p@USherbrooke.ca.

Références

Heilporn, G. (2020, mai). L’engagement des étudiants en F@D. Communication présentée à la table ronde de l’i2P. Québec : Université de Sherbrooke.

Lefebvre, N. (2020). Engagement des étudiants en formation à distance. Synthèse de la table ronde du 15 mai, Universi

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