Tous les établissements universitaires se posent la question du recours à un logiciel de détection de similitudes pour lutter contre le plagiat. Certains ont choisi d’aller de l’avant, d’autres se questionnent encore.
Le groupe de travail sur le plagiat numérique rattaché au sous-comité sur la pédagogie et les TIC de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) a réalisé une enquête auprès de professeurs qui ont utilisé soit Turnitin, soit Compilatio afin de donner un avis à la CREPUQ sur la pertinence de ces outils pour la lutte antiplagiat.
Le recours à un logiciel de détection de similitudes présente des avantages, comporte des limites et, surtout, exige que son utilisation soit encadrée et soutenue.
Avantages d’un logiciel de détection de similitudes
- Il témoigne du souci que les établissements accordent à la valeur des diplômes qu’ils octroient.
- Il affiche le soutien institutionnel :
- aux enseignantes et enseignants dans leur souci de ne pas échapper des cas de plagiat lié au copier-coller;
- aux étudiantes et étudiants intègres, qui trouvent injuste que des plagiaires non détectés obtiennent de bonnes, voire de meilleures notes qu’eux.
- Il a un effet dissuasif (selon 71 % des répondants au sondage) auprès de certains étudiants.
- Il offre une occasion de discussion entre les enseignants et les étudiants sur les valeurs universitaires, sur la qualité des travaux attendus, sur la nécessité de produire de véritables nouvelles connaissances.
Limites d’un logiciel de détection de similitudes
- La base de données pour fins de comparaison est limitée au Web gratuit et libre, à la banque de travaux qui ont été versés antérieurement et à certaines banques à accès limité avec lesquelles les logiciels ont établi des ententes.
- On échappe tout ce qui n’est pas sur le Web ouvert, dont les revues scientifiques, les banques de données privées, les sites d’achat ou d’échange de travaux antérieurs.
- Les étudiants qui veulent tromper le système trouveront des moyens de contourner les logiciels.
- Dans le cas de Turnitin, la base de travaux est aux États-Unis et soumise au Patriot Act, une loi antiterroriste qui permet l’accès aux données personnelles. Certaines universités et certains étudiants sont très sensibles à la protection des données personnelles.
- Son utilisation peut entraîner diverses pratiques non désirables :
- la persistance de pratiques pédagogiques qui gagneraient à être revisitées en cette nouvelle ère du numérique;
- le règlement des cas de plagiat dans le seul bureau du personnel enseignant (potentiel d’iniquité dans le traitement et les sanctions, fausses accusations);
- une augmentation des plaintes pour non-respect des droits étudiants;
- une augmentation des cas à traiter par les responsables disciplinaires.
Exigences d’encadrement et de soutien à l’utilisation d’un logiciel de détection de similitudes
- L’utilisation d’un logiciel de détection doit se faire dans un cadre qu’il appartient aux établissements universitaires de baliser. La position de l’Université McGill avec sa Politique sur les logiciels de comparaison de textes est ici exemplaire.
- Les enseignants et les étudiants ont besoin d’une formation à son utilisation.
- Un soutien technologique pour la bonne marche du logiciel doit être mis en place : installation du logiciel, mode de téléversement des documents à vérifier, stockage des rapports d’analyse, diffusion, mise à disposition, gestion des comptes, soutien technique et technologique…
- Un soutien à l’épuration des «fausses» similitudes dans le rapport doit être envisagé afin de faciliter le travail d’analyse et de jugement des enseignantes et enseignants.
- Un processus de traitement des cas de plagiat mis en lumière par le logiciel doit être élaboré, ou revu, car il ne suffit pas de détecter les cas de plagiat, encore faut-il les traiter et les traiter avec équité, ce qui nécessite de s’entendre sur ce qui constitue du plagiat, sur qui doit recevoir les plaintes, les analyser à la lumière des définitions, déterminer la sanction appropriée.
Le rapport conclut que le recours à des logiciels de détection de similitudes a sa place dans la lutte antiplagiat, mais qu’il s’agit d’un moyen parmi beaucoup d’autres et que son recours doit s’inscrire dans une approche globale et intégrée faisant appel au principe de responsabilité partagée.
Des actions visant la sensibilisation, l’éducation, la prise en compte de la réalité numérique et le traitement des cas de plagiat avérés sont tout autant nécessaires au succès de cette lutte.