Roxane Meilleur est professionnelle de recherche à l’Accélérateur entrepreneurial Desjardins (AED)
Pour les parties prenantes et les personnes enseignantes qui valorisent l’apprentissage expérientiel, ce terme peut signifier plusieurs choses : activités pratiques, situations authentiques, développement de la réflexivité… Qu’en est-il dans notre université? La mise en commun de trois cas d’apprentissage expérientiel nous permet de constater à la fois la diversité des contextes dans lesquels il peut se vivre et les composantes communes qui rassemblent ces expériences.
Des contextes distincts
1. L’École de politique appliquée (Faculté des lettres et sciences humaines)
Marie-Ève Chrétien, conseillère pédagogique, explique que les activités pratiques ont toujours été présentes à l’École de politique appliquée : c’est la raison même de sa création en 2007. Ces activités pratiques font d’abord partie des cours obligatoires. À mi-parcours de leur programme de baccalauréat en politique appliquées, les personnes étudiantes vivent des activités de gestion d’espace public (3 crédits) qui peuvent prendre plusieurs formes : une simulation de l’ONU à New York, des activités d’assemblée délibérante jumelées avec un député, la rédaction et la publication d’articles journalistiques, etc. Les personnes étudiantes ont aussi la possibilité de réaliser des microstages et des mandats de 3 à 9 crédits avec des organismes qui les contactent avec différents besoins. À la suite de l’une ou l’autre de ces expériences, elles sont amenées à poser un regard réflexif sur les cours qui les ont aidées à développer les compétences nécessaires à leur réussite, leurs forces et leurs zones de développement. Enfin, elles peuvent réaliser des stages de 12 à 15 crédits dans des milieux de pratique ou à l’international. Les modalités d’évaluation prennent la forme de journaux de bord qui témoignent de leur évolution, de rapports réflexifs et d’entrevues post-stage.
2. La Clinique d’orientation (Faculté d’éducation)
La Clinique d’orientation de l’Université offre des services gratuits à la population sherbrookoise[1] et représente le principal lieu où se concrétise l’apprentissage expérientiel des personnes étudiantes dans les programmes d’études en orientation. Dans leurs cours de counseling de carrière, les personnes étudiantes doivent réaliser un processus d’intervention complet avec une personne vivant une problématique au niveau de ses études ou en emploi (orientation, insertion ou adaptation). Ces cours permettent de mettre en pratique au sein de la Clinique les apprentissages réalisés et les contenus plus théoriques vus dans les cours. Le professeur Eddy Supeno explique que la Clinique permet une « immersion dans le marché du travail », puisque le contexte y est très similaire : aménagement physique en bureaux, attribution de clients, problématiques réelles, prise de rendez-vous, gestion des dossiers et des notes évolutives pour répondre aux exigences de l’ordre professionnel, respect des principes éthiques et déontologiques relatifs à l’intervention en orientation, etc. La différence réside dans l’accompagnement, puisque que les personnes étudiantes sont en formation initiale sous la supervision de la personne enseignante et d’une personne conseillère d’orientation.
3. Le programme de génie mécanique (Faculté de génie)
Une réforme du programme de génie mécanique en 1996 a mené à sa division en deux parties : 1) les quatre premières sessions, où chaque session comporte un projet d’intégration, et 2) les trois dernières sessions articulées autour d’un projet majeur de conception. La complexité et l’envergure des projets évoluent (p. ex., balises plus claires au départ, augmentation de la taille de l’équipe) au fil des sessions. Le projet d’intégration est une modalité d’évaluation commune à plusieurs activités pédagogiques d’une même session qui permet aux personnes étudiantes de réaliser un projet concret, « où ils doivent dimensionner un artefact précis et initier des activités de conception », comme l’explique le professeur François Charron. Dans certains cas, les professeurs prennent même contact avec des entreprises pour collecter des informations, élaborer un projet et le soumettre aux personnes étudiantes. L’avantage du projet d’intégration est d’exposer rapidement les personnes étudiantes à des problèmes ouverts, pour lesquels elles n’ont pas toutes les informations, pour lesquels il n’existe pas de solution unique et pour lesquels elles doivent travailler en équipe. Pour le projet majeur de conception de 12 crédits, deux options sont possibles pour les personnes étudiantes : 1) bâtir une équipe autour de leur propre idée de projet ou 2) choisir une idée de projet proposée par un partenaire industriel ou un organisme sans but lucratif. De plus, afin de vivre une expérience complète de conception, les personnes étudiantes doivent fabriquer, tester et présenter un prototype achevé et fonctionnel. Finalement, le professeur Charron explique que «cette expérience de conception ne serait pas totalement complète si elle n’était pas multidisciplinaire. C’est pourquoi les projets majeurs de conception impliquent maintenant des personnes étudiantes de différents programmes de baccalauréat de la Faculté de génie.»
Des points de convergence
Qu’est-ce qui se dégage de ces trois expériences? Premièrement, l’apprentissage expérientiel vise à faire vivre une expérience qui se rapproche le plus possible de la pratique professionnelle, que ce soit via des mandats réels ou des simulations. Cette dimension pratique a un effet motivant pour les personnes étudiantes, car le sens de leur parcours devient plus clair. Par exemple, la refonte du programme en génie a permis d’éliminer des questions comme « Pourquoi j’ai besoin d’apprendre ça? » et « À quoi ça va me servir? ».
Deuxièmement, l’apprentissage expérientiel soutient la préparation au marché du travail, qu’il s’agisse de répondre à des mandats d’organisations (politique appliquée), de mettre en pratique des compétences et une attitude professionnelle exigées par un ordre professionnel (orientation) ou de développer la capacité à résoudre des problèmes complexes et ouverts (génie mécanique). L’apprentissage du travail en équipe est également un bénéfice de certaines formes d’apprentissage expérientiel.
Troisièmement, la réflexivité est une dimension importante de l’apprentissage expérientiel. Elle se traduit à la fois dans la phase de réflexion suivant une expérience vécue (p. ex., se questionner sur la généralisation des apprentissages) et dans le développement d’une conscience réflexive professionnelle, comme pour les conseillers d’orientation qui doivent apprendre à expliciter les intentions derrière leurs actions professionnelles et à reconnaître les limites de leurs interventions.
Quatrièmement, les trois expériences décrites témoignent d’un engagement élevé et soutenu de la part des personnes enseignantes, qui investissent temps et ressources dans leur planification (p. ex., partenariat avec des organismes externes), leur mise en œuvre et l’évaluation des apprentissages réalisés. L’engagement pour les personnes étudiantes est aussi important, alors qu’elles sont appelées à développer leur réflexivité, à travailler en équipe et à résoudre des problèmes complexes.
En résumé, si les expériences d’apprentissages expérientiel se vivent différemment à l’École de politique appliquée, à la Clinique d’orientation et dans le programme de génie mécanique – ne serait-ce qu’en raison de leurs contextes disciplinaires distincts – elles partagent aussi des similitudes dont : la proximité avec la pratique, la préparation au marché de l’emploi, la réflexivité et l’engagement requis chez les personnes enseignantes et des personnes étudiantes.
Pour en savoir plus
- La Clinique d’orientation
- La liste des cours de counseling de carrière
- L’École de politique appliquée
- Le programme de génie mécanique
- L’Accélérateur entrepreneurial Desjardins (AED) de l’UdeS
[1] La Clinique d’orientation se distingue du Service de psychologie et d’orientation qui, lui, offre ses services exclusivement à la communauté étudiante de l’Université de Sherbrooke.