Voilà bien quelques années que l’arrivée de l’ordinateur portable dans nos salles de classe alimente les discussions du personnel enseignant. Le Service de soutien à la formation a d’ailleurs offert, il y a un peu plus d’un an, une activité afin de permettre au personnel enseignant de discuter sur ce thème. Depuis, la demande a été soutenue pour que nous abordions cette thématique dans le cadre de certaines de nos interventions.
Les opinions sont fort variées quant à la solution idéale. Alors que certains insistent pour bannir le portable de la salle de classe, d’autres y voient un phénomène naturel qu’il faut apprendre à gérer.
Du point de vue des étudiants : les avantages du portable en classe
Les étudiantes et étudiants, lorsqu’on les interroge, voient beaucoup d’avantages à l’utilisation de leurs portables dans un cadre académique (Kay et Lauricella, 2011). Le personnel enseignant, aux prises avec les désagréments associés à la présence du portable, a tendance à réduire les avantages du portable à la prise de notes.
Et pourtant, les étudiants rapportent que le portable leur permet non seulement de prendre des notes plus efficacement, mais aussi de suivre les notes de cours fournies par le professeur sans avoir à les imprimer. Ils considèrent également que l’utilisation du portable leur permet de mieux se concentrer sur l’activité en cours. Il faut donc éviter d’adopter une attitude «totalitaire» face au portable et plutôt chercher un compromis sur l’utilisation des portables.
Du point de vue des enseignants : les défis posés par la présence du portable
L’utilisation non pertinente du portable est certes l’inconvénient le plus souvent rapporté par le personnel enseignant. Qu’il s’agisse d’étudiants suivant un match de hockey, naviguant sur Facebook ou terminant un travail pour un autre cours, ces situations ont tendance à perturber le formateur qui sent que les étudiants ne sont pas attentifs. Les distractions provoquées par les rires à la suite de l’affichage d’une page web rigolote ou la recherche effrénée d’information pour contredire le professeur sont aussi des comportements fréquemment mentionnés par les enseignants.
Une situation encore plus délicate survient lorsque des étudiants enregistrent ou filment le cours sans la permission du formateur. Il va sans dire que certaines situations en classe, telles que les jeux de rôle, ne doivent pas être sorties du contexte de la classe, sinon elles risquent d’être mal interprétées.
Un nouveau défi semble se dessiner à l’horizon : l’utilisation du cellulaire en salle de classe pour «texter». Plusieurs enseignantes et enseignants rapportent beaucoup d’activité sous la table des étudiants! Encore une fois, c’est le manque d’attention des étudiants qui irrite le plus les professeurs et chargés de cours.
Toutes ces situations ont un dénominateur commun : les étudiantes et étudiants ont l’impression qu’ils peuvent faire plusieurs tâches en même temps. Ce n’est pas le cas, comme le démontrent certaines études. Les étudiants ont parfois de la difficulté à faire la distinction entre éplucher un oignon en regardant la télévision et suivre un cours universitaire en faisant le ménage de la galerie de photos sur Facebook. Il ne s’agit pas de tâches de même niveau.
Même les étudiants interrogés par Kay et Lauricella avouent être parfois dérangés par la présence du portable en classe. Jusqu’à 50 % des étudiantes et étudiants se disent dérangés par les portables des autres étudiants et 43 % d’entre eux sont d’accord pour affirmer qu’ils réussiraient mieux dans un cours s’il n’y avait pas d’Internet pour les déconcentrer. Fait encore plus troublant quoique marginal, 16 % des étudiants affirment que la pornographie sur le portable d’un autre étudiant était dérangeante ou très dérangeante!
Des pistes de solution
La chargée de cours ou le professeur, seul dans sa classe, peut mettre en place certains paramètres qui lui permettront de gérer l’utilisation du portable. Cependant, le département voire le programme dans lequel évolue cet enseignant peut contribuer à lui faciliter la tâche. Le fait d’émettre une consigne aux étudiantes et étudiants qui stipule que les formateurs pourront à certains moments demander de fermer leurs appareils électroniques, qu’il s’agisse de portable ou de cellulaire, évitera au formateur d’avoir à faire face aux comparaisons entre ses consignes et celles d’autres enseignants du même secteur. De plus, une consigne aussi large permettra à ceux qui tolèrent bien la présence des portables de n’émettre aucune directive particulière autre que celle diffusée par le département ou le programme.
La faculté, quant à elle, a un rôle à jouer en rappelant aux étudiantes et étudiants l’interdiction de filmer ou d’enregistrer un cours sans la permission expresse des gens qui sont filmés ou enregistrés. Elle peut également préciser les conséquences de telles activités. Les professeurs, quant à eux, devraient rappeler cette consigne aux étudiants au début de leur cours.
La professeure ou le chargé de cours devrait inclure dans son plan de cours sa politique par rapport à l’utilisation du portable en salle de classe. Il doit être aussi précis que possible sur ses attentes. L’humour étant un outil d’une puissance redoutable, l’enseignant peut très bien s’en servir dans ce contexte. Il vaut mieux prévenir l’utilisation inconvenante du portable plutôt que d’avoir à gérer des situations difficiles par la suite.
Une fois ses attentes bien formulées, le professeur ou chargé de cours devrait adopter certains comportements qui faciliteront la gestion de la classe. Il aura avantage à circuler dans la classe et à poser des questions impromptues lorsqu’il sent qu’un étudiant «s’absente» virtuellement. Bien entendu, les étudiants doivent démontrer un certain sens des responsabilités dans l’utilisation qu’ils font de leur portable. Toutefois, la personne formatrice ne doit pas hésiter à s’affirmer et à faire comprendre aux étudiants qu’elle les accueille dans «sa» classe et qu’à ce titre, elle a le droit de demander le respect de certaines consignes.
Par ailleurs, les portables peuvent devenir des atouts précieux lorsqu’ils sont intégrés à certaines activités pédagogiques et ce, dès la conception. Cette intégration du portable à la pédagogie fera l’objet d’une chronique ultérieure.
Sources et ressources
Bowman, Laura L. et L. Levine, B. Waite and M. Gendron, «Can students really multitask? An experimental study of instant messaging while reading», Computers & Education, vol. 54, n o 4, mai 2010, p. 927-931.
CEFRIO, « Les C en tant qu’étudiants» (fascicule), Génération C, Centre francophone d’informatisation des organisations, vol. 1, n o 4, mai 2011.
Dubé, Jean-Sébastien, «Les portables en salle de classe : usages exagérés ou bien gérés?», Nouvelles UdeS, Université de Sherbrooke, 10 février 2010.
Ertzscheid, Olivier, «Ordi en cours : Soyons pragmatiques, n’ayons l’air de rien», OWNI, 26 avril 2011.
Kay, Robin H. et Sharon Lauricella, «Exploring the benefits and challenges of using laptops in higher education classrooms», La Revue canadienne de l’apprentissage et de la technologie, vol. 37, n o 1, printemps 2011, p. 1-18.
Wallis, Claudia, «The Multitasking Generation», Time Magazine, 27 mars 2006.