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L’enseignement universitaire reprend du galon

Le scholarship of teaching and learning : de quoi parle-t-on?

Plusieurs institutions anglophones (anglaises, américaines, australiennes et canadiennes) ont développé une culture de valorisation de l’enseignement qu’elles traduisent par le scholarship of teaching and learning (SoTL). De nombreuses revues scientifiques portent sur ce sujet et différents évènements récents laissent croire que se réaffirme par ce biais l’importance d’une pédagogie de l’enseignement universitaire.

Voici quelques éléments qui ont retenu notre attention.

2004

67 professeurs de diverses universités de divers pays fondent l’International Society for the Scholarship of Teaching & Learning (ISSOTL).

2005

Premier symposium canadien sur le SoTL à l’Université de Toronto. Une centaine d’administrateurs académiques y participent.

2007

L’Université de Queensland (Australie) crée trois catégories de professeurs dont une qui se veut centrée sur l’enseignement, avec obligation de recherche en pédagogie universitaire dans la discipline ou le domaine de savoir [NDLR : C’est nous qui soulignons].

21 juin 2010

Premier numéro de la Revue canadienne sur l’avancement des connaissances en enseignement et en apprentissage (Canadian Journal for the Scholarship of Teaching and Learning) de la Société pour l’avancement de la pédagogie dans l’enseignement supérieur (SAPES).

16 août 2010

Dans Affaires universitaires, un article de Léo Charbonneau sur «L’étude de la pédagogie de l’enseignement universitaire» au Canada. Le journaliste y explique que cinq ans après un premier symposium sur la question, «le concept gagne en force au Canada, mais n’a pas encore déclenché de mouvement national». Néanmoins, un prochain symposium aura lieu en novembre 2011 à Banff, en Alberta, sous la responsabilité de l’Institute for Scholarship of Teaching and Learning de l’Université Mount Royal.

27 avril 2011

L’Université de Toronto annonce Top U of T teachers recognized by president, Provost – Five named winners of President’s Teaching Award. Ce prix, la plus haute marque de reconnaissance de l’excellence en enseignement décernée par l’Université de Toronto, comprend l’adhésion à la Teaching Academyde l’Université ainsi qu’une subvention de 50 000 $.

Ce vent de soutien à l’érudition en enseignement universitaire, qui souffle depuis déjà un certain temps dans les universités anglophones, semble atteindre le Québec si on se fie à la nouvelle suivante.

4 mai 2011

Laval lance un programme de chaires de leadership en enseignement (CLE).

L’expression  leadership en enseignement a le mérite de valoriser l’enseignement à la hauteur de la recherche, notamment en l’associant à la création de chaires. (Qui se rappelle qu’il y a une dizaine d’années, le CRSNG avait envisagé la création de chaires d’enseignement et avait essuyé un refus catégorique des universités?)

De quoi parle-t-on?

Il n’y a pas de traduction idéale pour scholarship of teaching and learning. Pour les fins du présent article et à défaut de mieux, les vocables érudition en enseignement et en apprentissage seront utilisés.

En 1990, Ernest L. Boyer, alors directeur de la Carnegie Foundation for the Advancement of Teaching, a écrit un article qui s’intitule The Scholarship of Teaching from Scholarship Reconsidered : Priorities for the Professoriate, dans lequel il tentait de faire valoir que l’érudition touchait quatre facettes de la tâche professorale :

  • L’érudition-découverte est celle de la recherche de nouvelles connaissances et de la contribution au champ de recherche.
  • L’érudition-intégration est rattachée à la capacité de transformer les découvertes en connaissances intelligibles, significatives, ce qui peut nécessiter de transcender les limites disciplinaires ou de faire des liens entre divers aspects d’un objet de recherche pour une compréhension élargie des découvertes.
  • L’érudition-application renvoie à l’engagement du spécialiste à relier théorie et pratique et ainsi participer à la résolution des problèmes qui affectent soit les individus, soit les institutions, soit la société en général.
  • Enfin, l’érudition-enseignement repose sur la planification des enseignements, leur évaluation et leur modification à la lumière des apprentissages faits par les étudiants; les modes d’évaluation utilisés devraient être aussi rigoureux que lorsqu’il s’agit de recherche.

Boyer souhaitait donner à l’enseignement une place aussi importante que la recherche.

Le concept d’érudition en enseignement et en apprentissage n’est pas bien arrêté et, par conséquent, il est difficile d’en trouver une définition qui fasse l’unanimité et de déterminer des moyens de soutenir et de reconnaître cette érudition.

Carolin Kreber (2002) a tenté de distinguer l’érudition en enseignement, l’excellence en enseignement et l’expertise en enseignement.

  • L’excellence en enseignement nécessite une connaissance approfondie de la discipline enseignée et une bonne compréhension des approches favorisant la progression des étudiantes et étudiants dans la discipline. Elle se construit dans le temps et s’évalue en termes de performance.
  • L’expertise en enseignement se construit elle aussi dans le temps et s’accompagne d’une réflexion critique sur sa pratique dans le but de comprendre quelles approches et stratégies pédagogiques fonctionnent et pourquoi elles fonctionnent. Les experts en enseignement examinent les situations difficiles, les analysent et leur cherchent des solutions pédagogiques en vue d’être efficaces. La recherche d’efficacité est leur motivation intrinsèque. Ces experts sont d’excellents enseignants.
  • Enfin, l’érudition en enseignement implique la construction des savoirs scientifiques à la fois théoriques et de pratique sur l’enseignement et l’apprentissage qui font l’objet de publications évaluées par des pairs. C’est le développement d’un champ de recherche.

Déjà, en 1998, l’Université de Sherbrooke reconnaissait dans sa politique 2500-001 – Promotion de la qualité de l’enseignement, à l’article 2. La valorisation de l’enseignement, alinéa 2.1, 2 e puce : «[…] qu’il existe un corpus de connaissances scientifiques au sujet de l’enseignement et de la pédagogie universitaires et qu’ils constituent un domaine de recherche autonome».

Pour clore cette tentative de clarification sur le scholarship of teaching and learning, voici une représentation de ce que Kreber nomme à juste titre un continuum de l’investissement des professeurs dans l’enseignement et l’apprentissage.

Sources

Boyer, Ernest L., «The Scholarship of Teaching from Scholarship Reconsidered: Priorities of the Professoriate», College Teaching, Winter 91, vol. 39, Issue 1, p. 11, 3 p.

Charbonneau, Léo, «L’étude de la pédagogie de l’enseignement universitaire», Affaires universitaires, 16 août 2010.

Dion-Viens, Daphnée, «Laval embauchera de nouveaux profs avec l’argent du privé», Le Soleil,
5 mai 2011.

Kreber, Carolin, «Teaching Excellence, Teaching Expertise, and the Scholarship of Teaching», Innovative Higher Education, vol. 27, n o 1, Fall 2002, 19 p.

Larose, Yvon, «Pour l’avancement et l’innovation de l’enseignement», Au fil des événements, vol. 46, no 30, 12 mai 2011.

Smith, Elaine, «Top U of T teachers recognized by president, Provost – Five named winners of President’s Teaching Award», News@University of Toronto, 27 avril 2011.

The Gwenna Moss Centre for Teaching Effectiveness, SoTL: The Legacy of Ernest Boyer, site Internet, sans date [consulté le 27 mai 2011].

Université de Sherbrooke. Politique 2500-001 –  Promotion de la qualité de l’enseignement, 26 octobre 1998.

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