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L’intégration, la face cachée du travail d’équipe

Intégrer progressivement des tâches collaboratives dans une classe favorise le développement d’un sentiment d’appartenance envers le groupe qui peut se poursuivre dans le temps et au-delà de la classe, et faciliter l’intégration sociale des personnes étudiantes.  L’objectif de ce texte est d’attirer l’attention sur des stratégies pédagogiques qui, tout en soutenant les apprentissages, favorisent l’intégration des personnes étudiantes et contribuent à la réussite et à la persévérance scolaire (Qvortrup et Lykkegaard, 2022). 

Le travail collaboratif est un super pouvoir entre les mains du personnel enseignant. La collaboration est utile à l’apprentissage à condition que ceux et celles qui la pratiquent y soient formés, accompagnés dans leur démarche et que les tâches proposées soient structurées (Vasseur, 2015).  

Intégrer un groupe et une discipline, clés de la réussite étudiante 

Une personne qui poursuit des études universitaires doit intégrer deux communautés d’appartenance (Tinto, 1987). Bien sûr, elle devra intégrer une communauté disciplinaire, c’est-à-dire s’approprier l’expertise et la culture d’un domaine qui fera d’elle une historienne, une biologiste, une psychologue… Mais bien avant, dès les premiers contacts avec ses collègues de cours et de programme, elle devra s’intégrer socialement à une nouvelle communauté. Cette aisance sociale est un facteur décisif pour la persévérance étudiante (Vasseur, 2015). Le développement d’une complicité avec d’autres personnes dans l’environnement immédiat et le sentiment d’appartenance à un groupe se construit à degré variable d’une personne à l’autre. Pour un grand nombre de personnes, l’intégration sociale n’est pas une chose acquise, notamment lorsqu’on est issu de groupes minoritaires. Par ailleurs, certains moyens de socialisation très populaires sur les campus comme les cinq à sept n’attirent pas ou ne conviennent pas à tout le monde. Doit-on préciser que le besoin d’intégration n’est pas limité aux cohortes de personnes en première année d’un programme d’études?  Il en va de même dans les programmes d’études sans parcours balisé où les personnes étudiantes se connaissent peu ou pas. La personne étudiante au parcours atypique vit cette situation à répétition, alors qu’elle est « nouvelle dans chaque groupe ».  

Ainsi, pour la personne enseignante l’observation de la dynamique sociale de son groupe est une stratégie pour soutenir l’intégration des personnes. Attention à la tentation de prendre en charge les relations interpersonnelles de sa classe!  En ayant recours progressivement à des activités collaboratives dans ses groupes, l’intention est de faciliter la création de relations positives entre pairs, et ainsi, d’instaurer un climat de classe favorable à l’intégration sociale de chacun et chacune. 

Apprentissage par les pairs : De la dyade à la communauté de pratique  

Les activités pédagogiques qui s’appuient sur la collaboration sont illimitées.  Elles peuvent être toutes simples ou élaborées. Nous recommandons d’élaborer les vôtres à votre rythme, selon vos buts et vos groupes. Des ressources à cet effet sont suggérées dans un article sur nos coups de coeurs pour les travaux d’équipe, à même ce magazine. Toutefois, pas d’improvisation.  Il est impératif de planifier, même la plus élémentaire d’entre elles, surtout si vous en êtes à vos premiers essais.  En voici quelques exemples présentés sous forme de vignettes. 

Briser la glace en présentant un plan de cours

Au lieu de présenter son plan de cours de manière traditionnelle, Nadia, chargée de cours, en fait une activité de collaboration dès le premier cours. Elle retient deux moyens efficaces, l’exposé par les pairs et le document troué

L‘exposé par les pairs :  Avant le cours, elle divise son plan de cours en (5 à 9) parties équivalentes. Elle en imprime des copies. En classe, elle forme un même nombre d’équipes (de 3-8 personnes) au hasard. Les équipes se rassemblent. À tour de rôle, chaque personne étudiante se présente et nomme ses attentes face au cours. Pendant ce temps, Nadia distribue une partie de plan de cours par équipe, à quelques exemplaires. Chaque équipe doit prendre connaissance de sa partie selon une marche à suivre suggérée par Nadia. Chacun équipe expose ensuite à la classe sa découverte, ses questions et ses commentaires. Après l’exposé, Nadia questionne la compréhension du reste du groupe, complète ce qui a été dit et répond aux questions. Il lui arrive d’introduire des canulars dans la version découpée et d’inviter les équipes à « Trouver l’erreur! » 
 
Le document troué (aucun déplacement requis dans la classe; facile à réaliser avec un grand groupe) : À la première séance d’un cours d’introduction qui compte 80 personnes, Nadia remet aux étudiantes et étudiants une version trouée du plan de cours. Elle leur donne du temps pour en prendre connaissance individuellement et tenter d’identifier les mots manquants. Ensuite, elle propose une période de consultation entre collègues voisins pour confronter les termes trouvés et établir des consensus. Nadia enchaîne avec la présentation du plan de cours, prend les questions, les commentaires et les hypothèses sur les mots manquants.  
Les îlots de travail qui créent des liens 

Dans un cours en laboratoire, le groupe est réparti autour de six ilots de 6 à 8 personnes, les expériences se réalisent en dyade. Durant une séance, Karine, coordonnatrice de labo, demande aux dyades d’élaborer un protocole commun avec les autres dyades de leur ilot de travail, formant ainsi des équipes élargies appelées à collaborer durant une demi-journée. Après cette séance d’élaboration du protocole commun, le retour en dyade est prévu pour réaliser l’expérience. Cependant, les cours suivants, Karine a pu observer que la collaboration avec l’équipe élargie s’est poursuivie au-delà de la tâche demandée. Cette activité collaborative a su créer une alternance entre le travail en dyade et en grande équipe, favorisant un sentiment d’appartenance envers un groupe élargi.  
Toute une classe pour répondre à un mandat réel  

Anne-Marie, chargée de cours, propose un travail de session qui met à contribution l’ensemble de la classe pour répondre à un mandat réel. Les objectifs à atteindre sont collectifs et les efforts doivent donc être mis en commun. Le groupe devient une véritable communauté de pratique soudée, et la classe une ruche de travail et d’entraide. Afin de dégager du temps de classe pour la réalisation des travaux d’équipes, Anne-Marie produit des vidéos sur la théorie qui sont à consulter avant les rencontres. Pendant les cours, elle suit de près les travaux pratiques. Cela lui permet de donner de nombreuses rétroactions juste-à-temps bien plus efficaces. 

Une intégration réussie conduit vers la persévérance aux études, particulièrement durant la première année d’un programme. En intégrant des tâches de collaboration dans les cours, le personnel enseignant contribue à faire une pierre deux coups :  soutenir les apprentissages et favoriser l’insertion sociale et disciplinaire de toute la population étudiante. 

Références  

Qvortrup, A. et Lykkegaard, E. [2022]. Study environment factors associated with retention in higher education. Higher Education Pedagogies,(7)1, 37-64.   

Tinto, V. (1987). Leaving college: Rethinking the causes and cures of student attrition (Vol. 5801 S, pp. 60637). Ellis Avenue, Chicago, IL: University of Chicago Press. 

Vasseur, F. [2015]. Des pistes pour accroître la persévérance et la réussite à l’enseignement supérieur. Dossier CAPRES.  

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