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Les nouveaux espaces d’apprentissage : tour d’horizon

Les nouveaux espaces d’apprentissage regroupent plusieurs types d’espaces physiques où les étudiants font des apprentissages différents suivant la configuration des lieux.

On parle ici de certaines transformations radicales des salles de classe, de façon à favoriser l’apprentissage actif en petits groupes qui réalisent des activités de façon collaborative. Plusieurs types de nouveaux espaces d’apprentissage existent, mais ils ont tous en commun de faciliter l’apprentissage dans l’action, dans un espace physique qui s’y prête de façon optimale.

Bien qu’il en existe une grande variété, la tendance s’articule principalement autour de trois types :

  • la classe d’apprentissage actif;
  • le Fab Lab (contraction de l’expression anglaise fabrication laboratory);
  • le laboratoire de simulation.

Pour chacune de ces formules, les possibilités de variations sont immenses, limitées uniquement par l’imagination et… le budget.

La classe d’apprentissage actif

C’est la formule la plus générale, adaptable à la plus grande variété de situations. On la nomme aussi, entre autres appellations :

  • salle d’apprentissage actif;
  • salle interactive;
  • salle d’apprentissage collaboratif.

Au contraire d’une salle où les étudiants regardent tous le professeur à l’avant de la classe, on parle plutôt d’une salle où les étudiants travaillent ensemble par équipes autour de tables pouvant accueillir de quatre à huit personnes, alors que le professeur circule entre les tables. Dans ces configurations, il n’y a plus vraiment d’avant ou d’arrière de la classe, mais il peut y avoir un centre de la classe.

Le professeur peut avoir un espace dédié au centre, ou près d’un des murs, pour faciliter certaines interventions qui s’adressent à tout le groupe. Mais en règle générale, ces salles se prêtent très mal à l’enseignement magistral, notamment parce qu’on y tourne presque toujours le dos à une partie de la classe. Elles sont justement conçues pour faire apprendre autrement que par la transmission.

Les murs y sont presque toujours aménagés pour soutenir eux aussi les activités des équipes. Ils ont tantôt des surfaces inscriptibles (peinture spéciale, tableaux blancs, etc.), tantôt des moniteurs ou des surfaces de projection, tantôt des écrans tactiles. Dans plusieurs cas, l’affichage du moniteur de chaque équipe peut être retransmis à d’autres moniteurs pour démontrer le travail d’une équipe aux autres équipes.

Dans ces configurations, il n’y a plus vraiment d’avant ou d’arrière de la classe, mais il peut y avoir un centre de la classe

La technologie peut y jouer un rôle important, moyen, ou même minimal. Certaines salles sont équipées de systèmes informatiques et multimédias à toutes les tables, d’autres sont conçues pour que les étudiants apportent leur propre ordinateur et se connectent à certains équipements fixes de la salle, et enfin, d’autres n’ont pas d’installation technologique particulière et misent essentiellement sur la disposition de la classe et sur les formules des activités pédagogiques pour implanter le changement de pratiques.

Le mobilier peut y être fixé au sol dans une configuration permanente, ou il peut être mobile pour permettre des configurations multiples.

Justement, les configurations sont très différentes d’une salle à une autre, en fonction des idées et des besoins exprimés lors de leur conception. Il faut penser le mobilier en fonction de la circulation importante qui s’y produira, penser l’acoustique de la salle en tenant compte que de nombreuses personnes vont parler en même temps la majorité du temps, puisque chaque équipe mène ses travaux en même temps que les autres équipes. Il faut aussi penser l’éclairage d’une façon qui tienne compte des configurations de mobilier spécifiques, des éventuels reflets sur les surfaces inscriptibles et sur les moniteurs, et ainsi de suite.

Le Fab Lab

Le Fab Lab est un laboratoire doté de l’équipement nécessaire pour créer des objets physiques. L’idée n’est toutefois pas de fabriquer en série des objets déjà conçus, au contraire. C’est plutôt un atelier de prototypage où les étudiants peuvent passer de la conception à la réalisation de leurs projets, et ainsi expérimenter avec les possibilités et les contraintes des vrais matériaux, dans un vrai atelier, avec de vraies machines.

Dans un Fab Lab, les étudiants travaillent à leurs projets en
équipes autonomes. Il n’y a pas nécessairement Un Fab Lab à Amsterdam d’enseignement à proprement parler. Les professeurs sont des personnes-ressources. Les Fab Labs sont ouverts sur des heures étendues. Ils sont souvent gérés en partie par des étudiants. On vise une ambiance décontractée dans les Fab Labs, c’est un lieu où l’on se rencontre pour bricoler, expérimenter, partager des idées, des techniques, des trucs.

On vise une ambiance décontractée dans les Fab Labs, c’est un lieu où l’on se rencontre pour bricoler, expérimenter, partager des idées, des techniques, des trucs

Certains Fab Labs sont des initiatives communautaires, et ne sont pas directement créés par des universités. Ils sont tout de même des espaces d’apprentissage par l’expérimentation, offerts à tous sans nécessairement de traitement particulier pour les étudiants.

Mais même les Fab Labs universitaires ne sont pas toujours réservés aux étudiants. Ils sont souvent ouverts au public selon certaines modalités et conditions.

Derrière les Fab Labs, il y a la culture dite des makers, que l’on pourrait traduire par « patenteux », en bon québécois (ou bidouilleur, pour prendre une expression plus européenne). Le mouvement a une forte composante communautaire, tant autour des ateliers locaux que par des communautés virtuelles. Les makers se regroupent beaucoup en communautés d’apprentissage informelles. Les Fab Labs universitaires s’inscrivent directement dans cette tendance.

Le laboratoire de simulation

Les universités ont des laboratoires depuis bien avant le mouvement des nouveaux espaces d’apprentissage. Cependant, il y a une différence entre d’une part, un laboratoire où l’on apprend à poser des gestes techniques, comme des manipulations de produits chimiques, et d’autre part un laboratoire où l’on simule soit des activités risquées avant de les pratiquer en situation réelle, soit des situations professionnelles complexes dans un environnement semblable ou identique à celui de la « vraie vie », avec les

mêmes appareils, le même type d’aménagement, les mêmes contraintes. Nous parlons ici du deuxième type.
Alors que dans les Fab Labs les étudiants sont très autonomes et mènent leurs propres projets dans les balises déterminées par la faculté, les labos de simulation demandent beaucoup de préparation et d’encadrement de la part du corps professoral afin d’assurer des simulations de qualité, porteuses des apprentissages souhaités. La préparation des étudiantes et étudiants avant la simulation et les activités de retour sur la simulation prennent une grande importance.

Les labos de simulation demandent beaucoup de préparation et d’encadrement de la part du corps professoral afin d’assurer des simulations de qualité, porteuses des apprentissages souhaités

La formation aux professions de la santé est un domaine où les laboratoires de simulation sont relativement répandus. Les simulations peuvent se faire avec des patients standardisés, soit des acteurs spécialement formés pour jouer un rôle très spécifique qui correspond à une condition médicale prédéterminée. Il existe aussi des simulations avec des mannequins, qui peuvent parfois avoir un réalisme surprenant grâce à des matériaux qui donnent une apparence ou des propriétés tactiles assez proches de la réalité pour constituer une bonne première approche, auxquels on joint parfois même des éléments d’interactivité. Il y a aussi bien sûr des simulations interactives entièrement informatisées où la simulation se déroule à l’écran, par exemple pour l’apprentissage de la chirurgie. De plus en plus, on voit apparaître des centres de simulation intégrés qui combinent ces différents niveaux de simulation, comme le centre PRACCISS de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke.

Pourquoi de tels nouveaux espaces d’apprentissage?

Les raisons sont nombreuses et elles ne sont pas toujours les mêmes, mais voici certaines d’entre elles qui sortent du lot.

  • Parce qu’on veut suivre l’évolution des pratiques pédagogiques et mettre les étudiants en action : qu’ils apprennent en faisant. En changeant l’aménagement, on crée des possibilités.
  • Parce qu’on veut adopter la formule pédagogique de la classe inversée. Dans cette formule, au lieu d’écouter en classe et de travailler à la maison, les étudiantes et étudiants consultent des informations à la maison par diverses ressources écrites ou multimédias pour pouvoir consacrer le temps de classe à travailler, avec l’immense avantage d’avoir le professeur qui circule entre les équipes pour observer, écouter, guider, expliquer. Le professeur n’est plus un conférencier, il est un entraîneur, sur la patinoire avec ses joueurs pendant les pratiques.
  • Parce qu’on veut soutenir les professeurs et chargés de cours qui veulent adopter des méthodes dites actives, comme par exemple l’apprentissage par problème ou par projet, ou l’analyse de cas. Lorsque l’on met de telles salles à la disposition des professeurs et chargés de cours, non seulement on donne une caution institutionnelle à ce type d’activité d’apprentissage, on l’encourage.
  • Parce que, comme la société et les employeurs nous le reflètent de plus en plus, les problèmes du 21 siècle sont complexes et les solutions à ces problèmes le sont tout autant. Ils demandent que l’on soutienne le développement de la créativité et des habiletés de travail en équipe chez les futurs professionnels.
  • Parce que, avec le développement de la formation en ligne et la flexibilité qu’elle peut offrir, il est important de poursuivre aussi le développement de la plus-value de l’expérience campus. Les formations hybrides peuvent alors bénéficier tant des innovations de la formation en ligne que de celles de la formation en présence.
  • Parce que plusieurs des futurs étudiants auront déjà expérimenté ce type de formule au collégial ou au secondaire.
  • Parce que l’industrie des infrastructures spécialisées pour ce type de classe est maintenant prête à répondre à leurs besoins. On peut donc bénéficier des innovations réalisées par les pionniers.

Quand et où ces nouveaux espaces ont-ils commencé à apparaître?

Au début des années 2000, la North Carolina State University a créé la première classe d’apprentissage actif d’une initiative nommée SCALE-UP (Student-Centered Active Learning Environment for Undergraduate Programs ou Student-Centered Active Learning Environment with Upside-down Pedagogies). L’initiative a rapidement fait boule de neige. Entre autres établissements, l’Université du Minnesota a vite adopté SCALE-UP pour en devenir un chef de file. C’est désormais devenu un phénomène mondial, présent en Asie, en Océanie, en Europe.

Au Canada hors Québec, plusieurs universités ont adopté ce type de classe. Parmi celles-ci, on compte l’Université de Calgary, l’Université Wilfrid-Laurier ainsi que les universités Queen’s, McMaster et York. La liste pourrait s’allonger de beaucoup si on voulait qu’elle soit exhaustive.

Au Québec, plusieurs établissements collégiaux et universitaires anglophones se sont regroupés dans une communauté de pratique des salles d’apprentissage actif, nommée Saltise (parmi les fondateurs : l’Université McGill et les collèges Champlain et Vanier). Saltise tient une conférence annuelle, organise des ateliers, soutient des échanges virtuels et diffuse la recherche de ses membres, entre autres activités. Du côté francophone, l’Université Laval se démarque comme pionnière. Plus de 40 établissements collégiaux ont aussi des salles d’apprentissage actif.

Le premier Fab Lab, quant à lui, est né au MIT à la fin des années 1990.

On recensait en 2015 plus de 350 Fab Labs dans le monde, dont une dizaine au Canada. Le site fablabs.io en recense maintenant 713 (données d’octobre 2016). Le site FabLabs Québec recense maintenant huit Fab Labs communautaires actifs ou projetés dans notre province. Parmi ceux-ci, on retrouve la coopérative La Fabrique, située au centre-ville de Sherbrooke, qui est un Fab Lab communautaire.

Au Québec, plusieurs établissements collégiaux et universitaires anglophones se sont regroupés dans une communauté de pratique des salles d’apprentissage actif, nommée Saltise

Pour ce qui est des laboratoires de simulation médicale, on pense notamment à ceux de l’Université de Sherbrooke et de l’Université McGill au Québec. Ailleurs dans le monde, on peut penser à quelques facultés en France et aux États-Unis.

Bref, si ces changements sont nés aux États-Unis, aujourd’hui, la tendance est mondiale.

Comment enseigne-t-on dans les nouveaux espaces d’apprentissage?

Plusieurs éléments de réponse à cette question ont été mentionnés précédemment. Ajoutons simplement que l’enseignement dans les salles d’apprentissage actif ou dans les laboratoires de simulation demande une préparation toute autre que celle de l’enseignement magistral.

Si, pour reprendre l’analogie citée précédemment, le professeur prend un rôle d’entraîneur, il doit donc concevoir les exercices de pratique sur la « glace » et en superviser la conduite, donner de la rétroaction de qualité aux joueurs individuellement mais aussi collectivement. Il doit aussi prévoir le matériel que les étudiantes et étudiants devront consulter ou les exercices préparatoires qu’ils devront faire hors classe.

L’apprenant qui s’attend à des exposés magistraux a besoin d‘être préparé adéquatement pour tirer pleinement parti de nouvelles formules, auxquelles il pourrait exprimer des résistances

Il devra aussi penser à guider ses étudiants dans leur adaptation à de nouvelles méthodes pédagogiques. L’apprenant qui s’attend à des exposés magistraux a besoin d‘être préparé adéquatement pour tirer pleinement parti de nouvelles formules, auxquelles il pourrait exprimer des résistances.

Heureusement, il existe de nombreuses ressources pour aider le professeur à négocier ce virage : des articles, des livres, des conseillers pédagogiques, des collègues, des vidéos.

Conclusion

La réflexion sur les propriétés pédagogiques des lieux s’étend au-delà des salles de classe. De tout temps, les étudiantes et étudiants ont occupé des espaces autres que la classe pour apprendre, seuls ou en groupe. Pensons aux cafétérias, aux salons étudiants, aux bibliothèques, aux carrefours de l’information, et même aux corridors.

… Oui, aux corridors! Chaque lieu où les étudiants passent du temps significatif à des activités qui les font apprendre constitue déjà un espace d’apprentissage. Si l’habitude est déjà installée, pourquoi ne pas enrichir ces espaces informels afin de soutenir les activités que les étudiants y font déjà? Pourquoi ne pas installer du mobilier adapté, reconfigurable, mettre des surfaces inscriptibles sur les murs, investir pour un design qui va au-delà du fonctionnel et qui se soucie de l’esthétique? Bref, créer un lieu agréable à occuper, propice aux idées.

Un peu comme le principe d’aménagement extérieur qui dit de laisser les gens marcher où ils veulent, pour ensuite faire les trottoirs là où ils ont usé le gazon, l’aménagement des espaces déjà investis par les étudiants envoie le message que nous sommes à l’écoute et que nous sommes proactifs.

Source

Authemayou, Céline (2015), « Les fablabs ou la pédagogie de la bidouille », EducPros.fr,
9 février 2015.

Blitman, Sophie (2016), « Où apprendra-t-on demain? », Le monde : défis d’amphi, 2 novembre 2016.

Chamberland, Éric (2012), « Les salles d’apprentissage actif à McGill, Dawson et Champlain », L’Éveilleur, 27 juin 2012 (Article disponible seulement aux membres de l’Université de Sherbrooke).

Fablabs.io (sans date).

FabLabs Québec (sans date).

FlexSpace (sans date), Spaces in the spotlight.

Garrett, P.B. (2014), « The Evolving Classroom: Creating Experiential Learning Spaces », Educause review, 13 octobre 2014.

La Fabrique (sans date).

Lloyd, Meg (2016), « An Open Repository of Learning Space Design », Campus Technology,
12 octobre 2016.

MacArthur, John A., « Matching Instructors and Spaces of Learning: The impact of space on behavioral, affective and cognitive learning », Journal of Learning Spaces, vol. 4, no 1, 2015.

Peters, Diane (2016), « Classrooms are getting a makeover to accommodate new forms of teaching », University Affairs, 28 septembre 2016.

Lefebvre, Nathalie (2015), « La simulation à la Faculté de médecine et des sciences de la santé : une innovation pédagogique plus vraie que nature », Perspectives SSF, février 2015.

Raths, David (2016), « Designing Learning Spaces for Innovation », Campus Technology, 8 juin 2016.

Service de soutien à la formation de l’Université de Sherbrooke (2010), « Le SSF veille : Réinventer la salle de classe », Perspectives SSF, avril 2010.

Service de soutien à la formation de l’Université de Sherbrooke (2014), « La maker culture : apprendre en bricolant, version 2014 », Perspectives SSF, mai 2014.

Service de soutien à la formation de l’Université de Sherbrooke (2015), « Le fin mot : classe d’apprentissage actif (CLAAC) », Perspectives SSF, février 2015.

Wojazer, Philippe (2013), « Les Fab Labs, l’avenir de l’innovation », L’Express l’entreprise,
18 octobre 2013.

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